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Libye

Un avenir certain : sous le sable le pétrole, sur la plage les requins

jeudi 22 décembre 2011, par Courant Alternatif

Après la destruction massive de toutes les infrastructures de Libye, la destruction totale de plusieurs villes et l’instauration d’un chaos sanglant un peu partout, il est temps pour les Libyens de faire le compte des morts, des blessés, de nettoyer le pays des amas de débris des bâtiments bombardés et aussi des cadavres pourris sous le soleil, de réfléchir à ce qu’il faut faire des armes, des prisonniers ou des blessés qui remplis-
sent les hôpitaux dépourvus d’équipements, et savoir comment exercer une liberté retrouvée après 40 années de soumission.


Arès dix mois de guerre, de massacres et d’intervention
de l’armée la plus puissante au monde, le rideau est
tombé sur la révolte libyenne.
L’OTAN a effectué sa dernière intervention, largué ses dernières bombes à 8h30 le matin du 20 octobre à Syrte sur un convoi d’une trentaine de voitures fuyant la ville entièrement réduite en cendres.
Le « monstre » est touché mais n’est pas mort, des insurgés se chargent de l’exécution de Kadhafi, de son fils, du ministre de la Défense ainsi que de tous les blessés, puis dans une camionnette on exhibe leurs corps à travers la ville. Pendant quatre jours dans une chambre froide sur un matelas de mousse, le corps de Kadhafi est exposé, puis on l’enterre dans un lieu non révélé au fin fond du désert : c’est la fin de partie, tout le
monde est soulagé, pas de tracasseries judiciaires, pas de perte de temps, ni d’angoisses inutiles sur les rapports embarrassants entre le tyran et les sauveurs du peuple libyen. Le 23 octobre les vainqueurs du Conseil National de Transition (CNT) affichent leur victoire à Benghazi
par la déclaration officielle de libération de la Libye, le discours de Mustapha
Abdel Jalil va rester dans les annales de l’histoire de par sa médiocrité et son manque de vision politique et sociale :
un discours catastrophique pour l’image du pays et celle de la révolte de la population qui l’a payée cher, avec près de 30 000 morts. Dans cette allocution, il déclare que la Libye est un pays musulman, que la Charia sera la source de législation et que par conséquence toutes les lois
contraires à la charia sont annulées. Il ne trouve pas meilleur exemple que la loi sur la polygamie, loi qui n’était pas totalement abrogée contrairement à ce qu’en dit la presse. Cette loi avait seulement restreint la polygamie, par une série de contraintes, dont l’une d’elles est l’accord
nécessaire de la femme lorsque le mari décide de se marier avec une autre
épouse. Le lendemain, M Abdel Jalil tente de rassurer en précisant que la Libye sera un pays « modéré ».

DES ARMES

Quant à l’hypocrisie des médias et
l’indignation toute relative affichée sur
les circonstances de l’exécution de Ka-
dhafi et de son fils, il faut savoir que ces
exécutions sont monnaie courante tout
au long de ces dix mois de guerre. Les
premières exécutions sommaires ont eu
lieu début mars 2011, sur des africains
considérés comme des mercenaires à la
solde de Kadhafi. Récemment un groupe
armé venant de Zintan débarque dans
un hôpital de Tripoli pour achever un
blessé laissé pour mort, le groupe armé
chargé de la défense de l’hôpital l’arrête,
un combat a lieu dans les couloirs de
l’hôpital durant des heures avec comme
résultat : 3 morts et plusieurs blessés.
Plusieurs cas ont été signalés, par des
journalistes et des organisations comme
Amnesty International et Human Rights
Watch, de corps retrouvés abattus d’une
balle dans la tête, les mains ligotées, à
Bab Al Azizia, à Tripoli, Misrata, Beni
Walid, sans oublier Syrte... Les atrocités
nombreuses vont du pillage des maisons,
d’incendies des voitures, jusqu’à terrori-
ser les survivants et en allant ouvrir les
tombes de la famille de Kadhafi à Syrte,
sortir les restes de sa mère et les brûler -
information révélée par le journal algé-
rien Ennahar. Un rapport des Nations
Unis fait état de 7000 prisonniers, dont
une majorité d’Africains soupçonnés
d’être des mercenaires, parmi eux des
femmes et des enfants ; ils sont retenus
soit dans des prisons, soit dans des lo-
caux divers comme des écoles, des en-
trepôts, sans jugement, ni avocats et
dans des conditions de vie déplorables.
Après sa capture le 19 novembre, dans le
sud du pays, suite à une dénonciation,
Saïf Al Islam est ramené à Zintan par
avion où à son arrivée un groupe d’in-
surgés voulaient le lyncher, mais il a été
protégé afin que ne se répète pas la
même chose qu’avec son père. Il avait
trois doigts sectionnés, suite aux frappes
de l’Otan, selon ses propres dires rappor-
tés par un journaliste présent dans
l’avion qui le ramène à Zintan ; cela est
peu vraisemblable vu qu’il saignait dans
l’avion et on se souvient que dans un de
ces derniers discours il a menacé les in-
surgés de son index. Les Libyens se ren-
dent compte que la révolution est
terminée, avec ce dernier danger
écarté car la crainte des Libyens de Saïf
Al Islam était fondée : il possédait encore
une capacité de nuisance, il a de l’argent
et des fidèles, notamment dans le sud du
pays mais dans d’autres villes aussi, car
les partisans de l’ancien régime n’ont pas
fondu au soleil. Mais il reste encore un
dernier danger, celui que représentent
les armes en circulation dans tous le
pays et cela ne fait que commencer, per-
sonne aujourd’hui n’est prêt à lâcher son
arme, notamment à Tripoli où le calme
n’est maintenu que par l’équilibre de la
terreur. Les membres du CNT sont pas-
sés de 31 à 56 membres désignés ou pa-
rachutés ou s’imposant d’eux-mêmes,
personne ne sait comment ces nouveaux
arrivants sont arrivés là, ils ne se
connaissent pas entre eux. Après la dé-
mission du contesté Mahmoud Jibril, le
CNT a élu par 21 voix M. Abel Rahim
Elkib, premier ministre pour former un
gouvernement, chargé en 8 mois de pré-
parer les élections afin d’élire une as-
semblée constituante de 200 membres
qui à leur tour devront former un gou-
vernement et rédiger une constitution.
M. A. Elkib, académicien formé aux USA
et homme d’affaires, peine à former un
gouvernement provisoire. Après l’exécu-
tion de Kadhafi, les contradictions, les ri-
valités et les ambitions politiques des
dirigeants du CNT refont surface de ma-
nière inquiétante malgré les tâches co-
lossales qui les attendent.

UNE GUERRE SANS SOLDATS

L’Otan après avoir stoppé son inter-
vention le 31 octobre à 23h59, envisage
une autre forme d’intervention pour
aider les Libyens à construire un « Etat
démocratique » avec des institutions, une
armée, une police et une justice indé-
pendante. Plus d’une centaine d’experts
de toute sorte occupent les grands hôtels
à Tripoli et à Benghazi pour aider le CNT
à se sortir de ce bourbier, des experts
dans les secteurs bancaires et financiers,
dans ceux du pétrole, des experts sur les
lois internationales, des experts améri-
cains pour la recherche des armes, no-
tamment des missiles anti aériens qui
ont disparu des dépôts, etc. Les compa-
gnies pétrolières et les entreprises de
toute sorte n’ont pas cessé de faire l’al-
ler-retour pour préserver leur place et
leur part de richesse du sol libyen. Les re-
présentants d’entreprises françaises, an-
glaises, italiennes, russes, chinoises et
américaines, tous sont en train de négo-
cier des contrats dans tous les do-
maines : pétrole, construction, éducation,
santé, technologie, armement, aviation
civile, ports maritimes, etc. L’opération de
l’Otan baptisée « Unified Protector » en
Libye est un test, une répétition grandeur
nature pour expérimenter certaines
armes et prouver leur efficacité, mais
aussi tester une nouvelle stratégie, celle
d’une guerre sans soldat utilisant les po-
pulations locales comme armée de terre
ou comme armée d’occupation, test utile
pour d’autres opérations à venir, en Syrie
par exemple - retour d’expérience aussi
de l’Irak et de l’Afghanistan. En plus de
l’aspect militaire, il y a l’aspect commer-
cial où cette opération a servi de vitrine
pour exhiber les dernières trouvailles
technologiques en matière d’armement
et de destruction rapide, une sorte de
salon du Bourget in situ ! C’est le délégué
général à l’armement, Laurent Collet-
Billon qui le dit lui-même, le 6 septembre
lors de l’université d’été de la Défense à
Rennes : « En termes commerciaux, il n’y
a pas de meilleure démonstration que ce
type d’événement » (Le Monde, 27/10/11).
Après la visite éclair, en Libye le 15 sep-
tembre, du président de la République
Française, une délégation gouvernemen-
tale conduite par Pierre Lelouch et ac-
compagnée de 80 représentants des
entreprises françaises s’est déplacée
pour signer des contrats.

LE MARCHÉ EST OUVERT

Bien que les installations pétrolières
aient été épargnées pendant la guerre,
tant par les forces loyales à Kadhafi que
par les rebelles, la production et l’expor-
tation de pétrole a été interrompue du-
rant cette période non seulement à cause
de la guerre, mais aussi du fait des sanc-
tions internationales contre le régime de
Kadhafi. Actuellement les activités fonc-
tionnent à 40% de leur niveau d’avant
guerre. Les seuls dégâts importants ont
été provoqués par les frappes de l’OTAN
sur Messla, un champ pétrolifère situé à
l’Est. Les plus optimistes disent que d’ici
juin 2012, la production retrouvera son
niveau d’avant les événements soit 1,6
millions de barils/jour. ENI (Italie), TOTAL
(France) et REPSOL (Espagne) ont com-
mencé à envoyer leurs techniciens (uni-
quement sur les sites offshore qui sont
plus sûrs), mais sur les 2000 techniciens
ayant quitté le pays, une vingtaine seu-
lement sont revenus. La reprise complète
de la production dépend des événements
à venir et de la capacité du CNT à faire
revenir le calme et la stabilité nécessaires
au bon fonctionnement du capitalisme.
La Libye avec plus de 46 milliards de ba-
rils est la plus grande réserve de pétrole
en Afrique, elle est convoitée depuis tou-
jours par les grandes compagnies améri-
caines et européennes. Mais sous
Kadhafi il y a toujours eu une sorte de
frustration due aux termes des contrats
qui s’avéraient peu avantageux pour les
compagnies et à l’embargo international
levé seulement en 2006. Le pétrole libyen
est toujours disponible et les compagnies
espèrent que les hommes politiques vont
les aider à obtenir des contrats plus inté-
ressants. Sarkozy, Cameron et H. Clinton
se sont rendus sur place pour cette
même et seule raison. M. Scaroni, direc-
teur exécutif de ENI, a rencontré le chef
du CNT en avril, il est arrivé à bord d’un
hélicoptère tout juste décollé d’un bateau
de guerre italien. Il a clairement déclaré :
« la Libye est un pays où nous voulons
être et rester, et voulons accroître notre
production. ». ENI pompe actuellement
208 000 barils de pétrole par jour.Les diri-
geants de l’Otan affichent leur entière sa-
tisfaction quant à la réussite de
l’opération de protection de la popula-
tion libyenne, déclarant que l’objectif est
atteint sans pertes - les Libyens ne comp-
tent pas dans ce genre de statistiques.
Combien de Libyens Kadhafi aurait-il
tués à Benghazi sans l’intervention de
l’Otan ? Beaucoup, disent les va-t-en
guerre, il aurait fait raser Benghazi mais
on ne peut pas faire l’histoire après coup
et les faits sont là : 30 000 morts réels et
non hypothétiques, pour une opération
de protection on peut se montrer scep-
tique sur la réussite de l’entreprise... Ap-
paremment cette question n’est pas
essentielle, l’intervention de l’Otan de-
vient même tabou dans les débats divers
et variés qui traversent la société li-
byenne aujourd’hui. Ce n’est jamais le
bon moment pour s’interroger sur des
sujets importants, l’urgence était de se
débarrasser de Kadhafi ; après son exé-
cution, l’urgence c’est l’unité et la récon-
ciliation du pays et la mise en place des
institutions. Evidemment on entend par
construction du pays, l’édification d’un
Etat avec ses appareils, ses institutions et
ses fonctionnaires ce qui est le premier
chantier mis en œuvre depuis le 20 octo-
bre avec tout ce qui l’accompagne, c’est-
à-dire les luttes de pouvoir, les rivalités
entre personnes, des tendances idéolo-
giques, des alliances et des compromis,
... Le second chantier qui va de soi pour
un Etat digne de ce nom, c’est la création
d’une armée nationale, chargée de proté-
ger le pays contre des ennemis réels ou
supposés, mais surtout de surveiller les
frontières pour empêcher le passage des
immigrés venant de toute l’Afrique pour
boire le pétrole des libyens et manger
leur pain. L’armée libyenne, issue de la
monarchie après 1951, a donné à la Libye
le colonel Kadhafi qui a réussi à renver-
ser le régime en 1969. Dans les pays
comme l’Algérie, la Tunisie, l’Egypte et la
Syrie, l’armée est la première force de ré-
pression et leur fonction principale est de
maintenir le régime en place, de répri-
mer les populations. En Libye une grande
partie de l’argent du pétrole a servi de
quantités impressionnantes d’armes.le
CNT et la nouvelle armée

Dès le début de l’insurrection, le 15
février, le CNT a formé une nouvelle
armée avec le général Younès à sa tête,
qui s’est fait assassiner quelques mois
plus tard. Actuellement cette armée est
encore en formation et des conflits ap-
paraissent pour la contrôler. Lors d’une
réunion à Beida, la ville natale du général
assassiné, 150 officiers de l’armée de la
région ont nommé M. Khalifa Hafter
comme chef d’état-major, lui aussi un
ancien de l’armée de Kadhafi. Cet ancien
colonel de l’armée libyenne, capturé par
les Tchadiens pendant la guerre dans les
années 80 puis évacué par les Américains
vit aux USA jusqu’à mars 2011, date à la-
quelle il rejoint les rebelles ; on ne
s’étonne pas qu’il soit soupçonné par les
insurgés d’être l’homme de la CIA ou des
Américains (encore un !). L’intégration de
différents groupes armés au sein de l’ar-
mée nationale reste un problème dont la
solution dépendra de la personnalité de
celui qui sera nommé chef de l’armée. A
quoi peut bien servir une armée ? Mas-
sacrer la population, faire un coup d’Etat,
déclencher des guerres comme au Tchad,
contrôler une révolution populaire
comme en Egypte, dilapider les richesses
du pays avec les marchands d’armes ?
Sinon la Libye n’a pas besoin d’armée
surtout que l’Otan est là pour sauver la
population en cas de danger... Les
groupes armés se méfient de l’armée du
CNT et le font savoir, celle-ci est compo-
sée essentiellement d’anciens officiers
de Kadhafi. M. Abdallah Naker, chef de
groupes armés (« Les révolutionnaires »)
de Tripoli a déclaré à l’agence Reuters,
mercredi 16 novembre que « si le nouveau
gouvernement ne nous convient pas,
nous sommes prêts à le renverser par les
armes ». Le lendemain jeudi 17 novembre,
il rencontre des délégués révolution-
naires de Benghazi et dans une déclara-
tion commune ils demandent à M. Alkib
de ne pas négliger leurs revendications
qui sont d’une part d’être présent au
gouvernement et dans les instances diri-
geantes de la nouvelle armée libyenne, et
d’autre part leur refus de la nomination
de M. Hafter, comme chef d’état major,
en ajournant cette nomination après la
formation d’un gouvernement provi-
soire ; Abdel Hakim Belhaj, gouverneur
militaire de Tripoli, a organisé un im-
pressionnant défilé militaire dans la ville
et il demande lui aussi que les gens qui
ont pris les armes soient représentés au
gouvernement. M Alkib, lui, court dans
tous les sens pour essayer de former un
gouvernement en ne cessant de dire qu’il
sera composé de « technocrates », un mot
à la mode un peu partout en ce moment.
Ce gouvernement a de quoi faire, pre-
mière tâche celle de la réconciliation des
Libyens, entre autres dans les régions qui
ont soutenu Kadhafi comme Syrte et Ben
Walid et qui ont payé très cher leur fidé-
lité, puis le désarmement des groupes di-
vers et variés, le recensement des
quantités inimaginables de dépôt
d’armes partout dans le pays, accessible
à tous, et aussi la tâche d’assurer les sa-
laires des fonctionnaires, de remettre en
route la production de pétrole, bref il
s’agit de la construction d’un pays à par-
tir de zéro et cela avec un handicap de
taille qui est la non légitimité du CNT,
leur amateurisme politique et leur sou-
mission aux experts de l’Otan et de
l’ONU sans compter l’influence, contesté
publiquement, du Qatar qui est présent
dans toutes les instances politiques ac-
tuelles. Finalement, mercredi 23 novem-
bre après un mois de négociation et de
contacts, M Elkib a annoncé la composi-
tion du premier gouvernement libyen
après l’ère Kadhafi, constitué de 24 mi-
nistres, dont deux femmes. Cette com-
position a suscité la satisfaction des
groupes armés d’insurgés puisqu’ils ont
obtenu le ministère de la Défenses et le
ministère de l’Intérieur. En revanche chez
les Berbères certains se sentent trahis et
affichent leur hostilité à ce gouverne-
ment et annoncent le gel de leur collabo-
ration avec le CNT jusqu’à nouvel ordre.

LA SOCIÉTÉ CIVILE

Les dix mois de guerre ont coûté à la
société libyenne en plus des 30 000 morts
et des milliers de blessés et handicapés
à vie, 3 milliards de dollars de dettes au-
près de l’Otan, selon les estimations de
diverses sources : 1 milliard avancé par
les USA, 500 millions par l’Angleterre, 400
millions par la France et 1 milliard par le
Qatar, l’Arabie Saoudite, les Emirats
Arabes Unis et le Koweït, sans parler des
investissements en Libye qui ont chuté
de 4 milliards en 2010 à 500 millions de
dollars en 2011, il faut aussi y ajouter la
perte totale des revenus du pétrole pen-
dant la guerre.

Malgré cela, la vie quotidienne re-
prend progressivement, les gens retour-
nent au travail, les enfants vont à l’école,
les commerces rouvrent ; des associa-
tions se forment, des journaux, des ra-
dios voient le jour et des partis politiques
commencent à faire leur apparition, et
aussi/ainsi les contradictions internes à
une société commencent à émerger. Il y a
des manifestations de toute sorte pour
réclamer au CNT des réformes sur l’uni-
versité, l’hôpital, etc. Des familles de
blessés s’organisent en association pour
réclamer des soins adéquats et l’envoi
des cas graves à l’étranger. Des blessés de
l’hôpital de Benghazi manifestent devant
le siège du CNT avec leurs lits d’hôpital
pour dénoncer les mauvais traitements
médicaux et l’absence de médicaments.
Les Berbères manifestent à Tripoli pour
demander la constitutionnalisation de la
langue berbère et les Touaregs du Sud de
la Libye réclament le droit d’obtenir la
nationalité libyenne, ce qui leur est re-
fusé depuis 40 ans. Des femmes créent
diverses associations et le 13 novembre
s’est tenu un congrès sur 3 jours, à l’ini-
tiative du groupe « La voix de la femme libyenne », elles organisent des conférences, des tables rondes pour discuter des sujets concernant les pro-
blèmes que les femmes rencontrent
durant cette période. Des milliers d’in-
surgés qui ont rejoint l’armée du CNT ré-
clament leur salaire en retard de 6 mois,
des islamistes radicaux manifestent leur
soutien à la déclaration de M. Abdeljalil
sur la Charia...

En résumé, la société libyenne
s’anime socialement après 42 ans de ré-
pression et découvre la possibilité de sor-
tir dans la rue pour réclamer ses droits.
D’un autre côté, les grands propriétaires
fonciers, auxquels Kadhafi avait confis-
qué leur logement mis en location, com-
mencent à exiger la restitution de leurs
propriétés. Dans certains cas, ils font
appel à des gens armés pour les aider à
déloger des familles auxquelles Kadhafi
avait attribué ces maisons dans le cadre
de l’opération : « la maison appartient à
celui qui l’habite ». Comme l’Etat est tota-
lement effondré, il y a toujours du positif
dans cette absence de pouvoir étatique
et ainsi pratiquement tous les services
sont actuellement gratuits : le téléphone,
internet, l’eau, l’électricité ... quand ça
marche !

Tous ces efforts pour remplacer un
fou par des dingues, mais on peut se
consoler en disant que l’événement a eu
lieu, que rien ne sera plus comme avant,
que la société libyenne est en marche, et
qu’une révolution reste à faire...

Saoud Salem,
Toulouse, 23 novembre 2011

Répondre à cet article

1 Message

  • oui, une révolution reste à faire, après cette guerre coloniale qui n’a PAS été une révolution ;
    Quel est l’état de l’Irak maintenant ? les irakiens sont-ils contents de leur sort ou préféraient-ils le temps de Saddam Hussein ? je suis prêt à parier que les libyens vont se mettre à regretter Kadhafi dans peu de temps...

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