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Loi Macron, c’est tout bon.

samedi 25 avril 2015, par ocl-lyon

Emmanuel Macron, né le 21 décembre 1977 à Amiens, est un Haut fonctionnaire, homme politique français. Inspecteur des finances, il a été banquier d’affaires chez Rothschild & Cie avant d’être nommé secrétaire général adjoint de la présidence de la république auprès de François Hollande de mai 2012 à juin 2014. Depuis le 26 août 2014, il est ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique dans le gouvernement de Manuel Valls II. (selon Wikipédia).


De A. Montebourg à…

Au départ était A.Montebourg et son projet de Loi pour « La croissance et le pouvoir d’achat ». Loi qui devait redonner six milliards d’euros aux français. Celui-ci fut débarqué du gouvernement en août dernier. Lui succède alors un inconnu du grand public  : E. Macron avec sa loi pour  : « Libérer l’activité et l’égalité des chances économiques  ». Comme le précise son auteur, celle-ci est en faveur de « ceux qui veulent travailler ». Ce dernier tourne la page du patriotisme économique et des critiques contre Bruxelles, la banque centrale ou l’austérité préconisée par l’Union Européenne qu’entretenait A. Montebourg. Avec le nouveau ministre, le pragmatisme libéral retrouve sa place et s’assume. Le candidat F. Hollande déclarait durant la campagne électorale « Mon ennemi c’est la finance  » quoi de plus osé qu’un socialiste et ancien banquier d’affaire de chez Rothschild pour la combattre.

…la loi Macron.

L’objectif, du ministre et la rengaine du gouvernement, renouer avec la croissance. La France doit poursuivre sa modernisation, rejeter ses archaïsmes et lever les freins à l’activité. Dans ce but, cette loi Macron  : pour l’activité et la croissance , vise à « assurer la confiance des investisseurs, à simplifier les règles qui entravent l’activité économique et à renforcer les capacités de créer, d’innover et de produire des français et en particulier de la jeunesse ». Il est difficile de décrypter la loi Macron tant elle semble un vaste fourre tout : 106 articles et 19 ordonnances à venir. (1). Elle traite de façon disparate de multiples sujets ayant trait à l’économie du pays. D’un renouveau du code du travail au permis de conduire initié par des facteurs, des autocars pour les plus pauvres aux professions réglementées  : notaires et autres, du plaisir du travail les week-ends des uns aux exonérations fiscales des autres en n’oubliant pas l’amendement qui garantissait le « secret des affaires » et sanctionnait tout contrevenant  : journalistes, lanceurs d’alerte etc. Cet amendement fut d’ailleurs retiré. Pourtant, le puzzle reconstitué, on y voit les souhaits, les désirs du patronat français exprimés par son président P. Gattaz et les desseins de l’Europe libérale. Avec plus de recul encore, on mesure l’attaque frontale contre les travailleurs contre leurs acquis pour les livrer encore plus à la merci du patronat. L’incision est profonde. La loi attaque le code du travail avec une cohérence bien ordonnée. La loi des patrons prévaudra contre le droit des salariés.

Une attaque sans précédent contre les droits des salarié-es.

« Le combat de 2012 est de préserver le repos dominical »  : tel était l’engagement de F. Hollande à Lille cette même année. Sous les lambris élyséens et sous prétexte d’en finir avec les « archaïsmes » pour enfin innover, la loi prévoit d’autoriser, de généraliser le travail du dimanche pour le commerce, ce qui permettra aux patrons de faire travailler 7 jours sur 7. De considérer que le travail de nuit commence à minuit et non à 21 heures, ce qui leur permettra de moins indemniser ces horaires et l’état ses fonctionnaires : tels les hospitaliers. De supprimer l’augmentation de salaire pour le travail de nuit pour les salarié(e)s des entreprises de moins de 20 salariés et de discuter entreprise par entreprise pour les autres. Si avec Sarkozy c’était travailler plus pour gagner plus, là on retourne au « corvéable pour travaillez plus et gagner moins ». Une fois la banalisation des week-end et jours fériés ouvrés actée, les compensations salariales accordées avant la loi aux salarié(e)s iront alors dans l’escarcelle des patrons ou actionnaires.

Mais la saignée la plus douloureuse est l’attaque contre les moyens de défense des travailleurs. Pour lutter contre les archaïsmes la loi prévoit  : la suppression du recours juridique contre les « plans sociaux », la suppression des protections contre les licenciements personnels, où il ne sera plus tenu compte des critères de situation sociale, d’ancienneté, de compétence... , la suppression de réintégrations des salariés qui auront été licenciés sans « cause réelle et sérieuse ». Les procédures de licenciements/séparations, déjà actées par l’ANI (Accord National Interprofessionnel) en 2013, ratifiées entre le MEDEF et certaines centrales syndicales dont la CFDT, pourront être accélérées. La largesse octroyée aux patrons leur fera économiser les indemnités qui auparavant revenaient aux salariés dans des licenciements qui étaient jugés illégaux. La loi se propose de supprimer les délégués du personnel dans les entreprises de moins de 50 salariés et dans les autres, de remplacer les délégués DP, CE et CHSCT (2) par des représentants de structures de cogestion patron/syndicat.

Le MEDEF servi sur un plateau.

 

Mais pour favoriser l’innovation patronale la loi autorisera : la révision de l’élection des délégués des salariés dans les Conseils des prud’hommes par des nominations. Les juges professionnels auront priorité sur les juges prud’homaux. Les salariés ne pourront plus demander réparation en justice, puisqu’un barème d’indemnités forfaitaires préétablies permettra aux patrons de chiffrer à l’avance ce que leur coûtera leur licenciement abusif. La loi porte la révision à la baisse des pouvoirs de l’Inspection du travail afin que celle-ci puisse moins sanctionner les patrons. Elle prévoie la suppression de la menace de prison pour « délit d’entrave  » envers ceux d’entre eux qui s’en prenaient à l’activité syndicale. Que pourra un salarié seul, face au pouvoir d’un patron, quand prud’hommes, inspection du travail et médecine du travail (cette dernière serait refilée aux généralistes), CHSCT et Délégués du Personnel auront été rendus inopérants. Ces outils qui pouvaient malgré le manque de moyens, leurs insuffisances où dévoiements permettre un recours des salarié(e)s contre la loi des patrons. Sans doute est-ce là le cri d’amour d’E. Valls, qui clamait lors de l’université du MEDEF « j’aime l’entreprise !  ».

Loi fourre-tout bien ordonnée qui ne manquera pas de satisfaire les exigences du patronat et des investisseurs « rassurés ». La mise à sac du code du travail et une plus grande individualisation du salarié sans outils juridiques accompagneront de nouvelles privatisations d’entreprises et libéralisations de secteurs. La SNCF pourra encore plus se désengager des trains régionaux pour les TGV, la loi ouvre le marché à la concurrence des sociétés d’autocars. Les services de santé publique peuvent encore plus être réduits sur les territoires, la loi offre aux hôpitaux l’opportunité de créer des « filiales privées  ? ». L’état traque les coûts, les privilèges et rentes de certaines professions réglementées : notaires, avocats d’entreprises…, la loi ouvre le marché à des groupes juridiques d’affaire etc. Il s’agit nous dit E. Macron de redonner du pouvoir d’achat aux français de faire baisser les prix en cassant les monopôles corporatistes et rentes de situations, en les ouvrant à la concurrence. Cette logique libérale à déjà maintes fois démontré qu’elle se retournait par la suite contre l’usager ou l’utilisateur des services concernés.

Le 49.3 ou l'art de la démocratie bourgeoise.

« L’usage du 49.3 serait une violation des droits du parlement, (…), une brutalité, un déni de démocratie, une manière de freiner ou d’empêcher la mobilisation (...) et pour couronner le tout engager le 49.3 pour empêcher un véritable débat sur le démantèlement du droit du travail  ». Ces propos ne sont pas ceux de l’opposition ni ceux d’un frondeur du PS. Ils ont été tenus par F. Hollande en 2006 alors secrétaire du parti socialiste face à D. de Villepin premier ministre en bute au CPE -Contrat Première Embauche-.

Etonnant ce passage en force pour une loi que le président F. Hollande agacé, caractérisait en disant  : « ce n’est pas la loi du siècle ! ». Alors ce coup du 49.3 est-il le coup de bâton contre des frondeurs remis dans l’ordre majoritaire lors du vote de la motion de censure  ! ou plus discrètement, avec l’hypocrisie qui sied à la bourgeoisie aux affaires  : la carotte partagée et appréciée tant par les uns que les autres. Tant dans la majorité malgré leurs différents que dans l’opposition UMP/UDI en ordre dispersée sur la question et l’adoption de la loi. Les uns et les autres défiés à un Front National embusqué. En agissant ainsi, majorité et opposition s’en tirent à bon compte : la loi est adoptée sans grande modification et avec satisfaction commune. Comme il se dit  : « Dans le Macron, tout est bon pour les patrons ». Ces derniers auront su apprécier la fin du spectacle. Dans la majorité, où les frondeurs sont confortablement installés, le coup d’éclat de M. Valls accélère le scénario d’un « happy End  » partagé. Le premier Ministre a gonflé ses biscottos, démontré qu’il a du caractère, et réaffirmé que c’est bien lui qui dirige et décide. Et par là même, le gouvernement envoie un message à Bruxelles. F. hollande confirme ainsi la volonté de la France d’aller vers la politique libérale chère à A Merckel et aux marchés financiers. En retour, les instances de l’Union Européenne ne viennent-elles pas de nous accorder un nouveau délai de deux ans pour nos déficits alors qu’elles étranglent la Grèce. Quant aux frondeurs leur honneur est sauf. Ils/elles pourront continuer à être socialistes. Pourront affirmer devant leur électorat qu’ils sont réformistes, qu’ils portent toujours les valeurs et le projet politique de gauche pour lesquels ils/elles ont été élu(e)s. Le coup du 49.3 leur ôte la possibilité de continuer la bataille parlementaire contre la loi Macron puisque adoptée contre leur gré ce 17 février. La bataille se révélait une tartufferie contre le premier Ministre. En victimes « constitutionnelles », ils/elles pourront ainsi faire oublier les autres mauvais coups anti sociaux que cette législature socialiste a adopté sans recourir aucune fois au 49.3. Ils/ elles sauront faire oublier ou justifier les guerres impérialistes de gauche que mène leur président F. Hollande au nom de l’anti terrorisme. Hypocrisie et cynisme car ce que reproche un B. Hamon (ancien ministre et un des chefs de file des frondeurs) à M. Valls et au gouvernement ce n’est pas tant sa politique libérale de rigueur et d’austérité, mais la méthode autoritaire et personnelle de mener cette politique. Cette politique générale, pro patronale menée depuis 2012 dont A. Montebourg, (autre ancien ministre et frondeur), était l’un des acteurs gouvernementaux avant d’être débarqué par Valls et le président. Ces péripéties et psychodrame médiatisés autour de cette loi mettent en lumière les limites de la démocratie parlementaire bourgeoise. Ces gesticulations illustrent bien plus des politiciens en quête de postures, en vue du prochain congrès du parti socialiste, et, de places pour les prochains remaniements post électoraux. Attitudes et attentes qui traversent les Verts mais aussi le PCF et le Front de Gauche.
Le parlement n’est qu’une chambre d’enregistrement, des besoins du capital. Lieu et outil d’application de lois qui permet à ses gestionnaires, une fois au pouvoir, de veiller à assurer ses rentes et profits. Il n’est donc pas étonnant que la résistance à la loi une fois mise en scène, médiatisée, soit restée focalisée sur la résistance des frondeurs dans l’hémicycle. Par cette mise en spectacle, la bourgeoisie a su circonscrire les oppositions dans l’enceinte parlementaire afin que l’usine puis la rue ne s’en emparent pas. Aucuns : des frondeurs… au Front de Gauche, au-delà des critiques, incantations ou exhortations n’ont appelé à se mobiliser dans la rue. Seules de très rares actions contre le travail des dimanches ou des mobilisations locales comme à Paris ont pu prendre forme. Pour la riposte il faudra patienter au 9 avril, nous prévient-on.

Face à cette énième attaque contre le monde du travail, nous n’avons rien à attendre des parlementaires « frondeurs, PCF, Verts ou autres ». Nous savons que leur rentes de situation valent plus que la défense de nos intérêts voire même la chute de ce gouvernement. Pour eux, l’heure n’est pas à combattre la politique socialiste mais a en adoucir le timing d’application et sauvegarder leurs boutiques. Nous ne devons pas davantage compter sur les directions des grandes organisations syndicales qui préfèrent « négocier » les reculs sociaux que d’envisager une dynamique d’action pour la construction dans la rue d’un rapport de force contre les gestionnaires du capital que sont Hollande, Valls et Macron.
Pour s’opposer à la régression sociale sans précédent permise par la « loi Macron », il y a urgence à prendre nos affaires en main, à redonner de la vigueur à nos luttes et à coordonner nos mobilisations, seul moyen de préparer les conditions d’un mouvement autonome d’ensemble qui fasse enfin écho à nos aspirations, nos désirs, nos utopies.

Aussi, à défaut de mobilisations conséquentes, nous devons dénoncer l’illusion que, le chômage, la précarité et la misère ne sont que la conséquence d’une gauche qui une fois au pouvoir se serait dévoyée. Nous devons combattre par nos luttes l’illusion qu’une VRAIE GAUCHE, des frondeurs à l’extrême gauche, une fois au pouvoir, ELLE, appliquerait une politique sociale au service des travailleuses et des travailleurs.

MZ Caen le 15 03 2015.

(1) voir sur : médiapart.fr/blog/gérardfiloche « en route pour le régressisme  ». et/ou l’émission las bas si j’y suis : Lasbas.org vidéo G. Filoche

(2) -DP : délégué du personnel élu par les salariés
-Délégué CE : délégué du Comité d’Entreprise, nommé par les syndicats à l’issu du vote.
-CHSCT : Comité Hygiène Sécurité et Conditions de Travail.

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