samedi 1er octobre 2005, par
En période de tensions sociales, la technique de la diversion fait ses preuves. L’acharnement contre les étrangers, utilisés comme bouc émissaire, est même parfaitement proportionnel à l’ampleur des saloperies antisociales qu’un gouvernement souhaite faire passer contre la population. Le gouvernement a porté un coup sans précédent depuis plusieurs décennies contre le droit du travail en introduisant, entre autre, par ordonnance (et donc par la force), le contrat de nouvelle embauche. Il fallait donc une manœuvre de diversion à la hauteur de cette attaque. Car la meilleure attaque, c’est d’atomiser la société, de fragmenter le tissu social.
C’est le ministre de l’intérieur qui se charge des basses œuvres, en fixant aux préfets des objectifs : rafles, évacuation de squats ou d’immeubles insalubres (après des incendies spectaculaires), reconduites à la frontière de familles (il faut faire du chiffre) avec des charters communs à plusieurs pays européens (il faut frapper les esprits), … Les immigrés payent le prix cher de cette politique spectacle. Les dernières mesures prises à leur encontre ne visent pas tant à l’expulsion qu’au maintien des étrangers dans leur statut de clandestinité. Le but du jeu, pour la France, n’est donc pas tant de vider le pays des clandestins que de contrôler la circulation des migrants. Et surtout de réduire un peu plus chaque jour leurs droits. Corvéables à merci, expulsables après usages : tel est l’objectif visé.
Mais il arrive que des grains de sable viennent enrayer la machine. Et ces grains de sable sont de plus en plus nombreux. Lors de luttes individuelles et locales contre les expulsions, nombre de personnes découvre que les sans papiers sont aussi des voisins, des élèves, des copains de classe, et non les obscurs clandestins diabolisés par les médias. De plus en plus de monde est révolté par les méthodes policières appliquées dans la chasse aux sans papiers.
Et sur le terrain social, lorsque la tension est à son comble et que la "ligne jaune" est franchie par des salariés en lutte, on fait intervenir l’armée (par exemple le GIGN contre les syndicalistes qui s’étaient emparés du paquebot "Pascal Paoli" dans le conflit contre la privatisation de la SNCM). On parle alors d’actions terroristes. Alors que c’est le capitalisme qui terrorise chaque jour celles et ceux qui lui permettent, par leur force de travail, de perdurer : licenciements, délocalisations, remise en causes des acquis sociaux, précarisation de plus en plus accrue des salariés. Espérons que la journée d’action du 4 octobre ne soit pas qu’un coup d’épée dans l’eau, car les causes de mécontentement sont nombreuses : le contrat nouvelle embauche qui permet à un employeur de moins de 20 salariés de licencier sans motif pendant deux ans, sans que le salarié n’ait un quelconque recours ; l’amputation de 20, 50 puis 100 % des indemnités des chômeurs qui refuseraient un emploi "valable" ; le remplacement de courte durée dans l’éducation nationale ; les suppressions massives d’emplois tant dans le privé que dans le public (on a pu apparaître à la rentrée scolaire dans certains établissements des "kits de nettoyage" remis aux élèves internes pour effectuer le ménage que le personnel, en sous-effectif, ne peut plus assurer quotidiennement) ; de nouvelles attaques contre la sécurité sociale, …
Tsunami, cyclones, inondations… Il y a de plus en plus de catastrophes "naturelles". Mais qui ne sont pas plus "naturelles" que les maladies professionnelles, le cancer de l’amiante ou le stress de la vie de bureau ! Elles sont politiques et économiques. Elles mettent en cause le système actuel dans son ensemble, le productivisme forcené, l’extraction sans limite des ressources de la planète. Mais l’État ne reste pas sans bouger ! Il prend en compte ces "risques". C’est la "culture du risque", avec deux axes principaux : préparer les services de l’Etat et leurs larbins humanitaires à intervenir là où il y a un problème ; préparer les populations à l’éventualité des catastrophes. Car la culture du risque a surtout pour but de conditionner les populations à des catastrophes inouïes. Et quand, comme à la Nouvelle Orléans, les secours arrivent, ce n’est pas sous la forme de l’humanitaire (qui vient souvent prêcher l’attente et la soumission sur les terrains où la révolte est en train de germer), mais sous la forme du militaire. Tout cela avec un relent de racisme social et ethnique, les rescapés blancs "comme il faut" étant secourus et évacués avant les noirs, avant les pauvres…
L’Islande, avec la création de 5 barrages et du lac artificiel le plus grand d’Europe, ceci à fin de fournir de l’électricité pour le géant américain de l’aluminium, ALCOA, qui devrait y produire 322 000 tonnes d’aluminium par an, sera-t-elle, comme la France avec son énergie nucléaire, une "victime" prochaine de catastrophe naturelle ? Espérons que les manifestations et le mécontentement général de la population freinent sérieusement les ambitions les plus délirantes des capitalistes.
Enfin, que dire du retrait israélien de Gaza, sinon qu’il ne règle rien : la colonisation continue en Cisjordanie, le mur se construit. Des milliers d’hectares de terres agricoles ont été détruits par les forces d’occupation au cours des 5 dernières années. 60 % de la population de Gaza vit en dessous du seuil de pauvreté, le taux de chômage est estimé à 40 %. La population palestinienne s’est repliée sur le plus petit et le plus rétrograde dénominateur commun, à savoir la famille, le clan. Les groupes religieux radicaux ont pu bénéficier de ce terrain favorable pour ramener leurs discours obscurantistes. Alors, comme suite logique, une guerre civile ?
OCL Reims, le 30 septembre 2005