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Extrait de Courant Alternatif 261 de juin 2016

BRÉSIL

La lutte des classes s’intensifie au profit des possédants

samedi 18 juin 2016, par ocl-lyon

Ce n’est pas tout à fait un drame qui se déroule sur le sol brésilien, car les temps sont peu favorables à l’installation de régimes aussi musclés que ceux de naguère. Les clowneries au Sénat et à la Chambre des députés étaient déjà d’un niveau assez élevé pour qu’on n’ait pas besoin d’en rajouter, mais les noms donnés par des Brésiliens ayant le sens de l’humour aux intervenants récemment apparus dans la contestation politique et sociale – coxinhas (1) ou engomadinhos (2) – ont encore accentué la « comédie » en cours. Cependant, en les utilisant pour désigner tous les mécontents du régime, les médias ont masqué les enjeux de ce qui se joue, et qu’il s’agit donc d’éclairer.


Il est certain que, pour la plupart, les nouveaux manifestants n’ont absolument pas l’allure de personnes arrivant de la banlieue, et encore moins d’une favela. J’ai lu quelque part qu’ils rêvaient tous de vivre dans une copropriété fermée, mais cela me paraît quand même un peu exagéré. Cela dit, je suis loin de penser, comme les partisans de Dilma, que les centaines de milliers de personnes descendant dans la rue font toutes partie d’une élite de privilégiés. N’y en a-t-il pas parmi elles qui sont simplement excédées de voir la corruption ininterrompue des gouvernements successifs ? A tout événement, il n’y a jamais une seule et unique explication, mais une des explications à la large alliance visant à faire disparaître les « communistes » du pouvoir est que Dilma et le Parti des travailleurs (PT) ont perdu pour une large part le soutien des travailleurs, ce qui les rend moins utiles à la grande bourgeoisie dans la gestion des conflits sociaux.
Une certaine gauche, et pas seulement brésilienne, participe également à la « comédie » en cours, puisqu’elle réagit selon les circonstances, et face aux événements paraît déceler dans le PT, au pouvoir depuis treize ans, des qualités pourtant fort peu visibles chez lui – en « oubliant » qui a envoyé la troupe dans les favelas, et réprimé les ouvriers des grands travaux comme les indigènes en lutte pour la terre, ou encore les militants contre la Coupe du monde de football en 2014.
Cette pièce qui n’en finit plus d’être donnée par les coxinhas, le PT et plus largement la classe politique confère au pays une bien piètre image. Depuis le premier mandat de Lula, en effet, les affaires de corruption n’ont pas cessé. Parmi elles, la « Mensalão » qui, comme son nom l’indique, était un système de mensualités versées par le gouvernement à certains parlementaires afin de s’assurer leur appui. Ou encore la « Petrolão », un terme qui renvoie à la fois au mensalão et au pétrole du groupe pétrolier public Petrobras, et qui constitue un des plus importants cas de corruption de tous les temps dans une démocratie parlementaire. Ce détournement d’argent à grande échelle, au profit d’individus et de partis, serait trop long à expliquer ici, mais il a impliqué aussi bien le PT et le Parti progressiste (PP, droite libérale) que le Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB, centriste). Car les magouilles comme celles liées au football sont un sport national de longue date, non l’apanage de telle ou telle formation politique, et de même pour la corruption : tous ceux qui ont accédé au pouvoir les ont pratiquées – et beaucoup sont actuellement mouillés. Dilma Rousseff, la première Présidente de l’histoire brésilienne (3), a été destituée le 17 avril par un vote de la Chambre des députés, confirmé le 12 mai par celui du Sénat (après diverses annonces contradictoires des plus grotesques quant à la procédure d’empeachment suivie) pour maquillage des comptes publics en 2013 (4) ; mais son vice-président, Michel Temer, qui va la remplacer pendant six mois à la tête du pays et qui dirige le PMDB, est cité dans le scandale Petrobras. Waldir Maranhao (PP), qui assure la présidence par intérim de la Chambre des députés depuis l’inculpation d’Eduardo Cunha (PMDB), est comme lui soupçonné d’être mêlé au même scandale…

{{Des rapports maîtres-esclaves toujours là ?}}

Dans un blog, Antonio Teodoro, un Portugais séjournant dans un quartier chic de São Paulo, affirmait récemment que la situation brésilienne ressemble à celle d’avant le coup d’Etat de 1964 (réalisé par les militaires sous prétexte d’une menace communiste). Il existe toutefois une différence importante entre cette époque et aujourd’hui : les militaires restent silencieux, et ce sont les juges et une partie de l’institution judiciaire qui se prennent pour des « justiciers », en se donnant pour mission de régénérer le pays.
Cet Antonio Teodoro a utilisé, pour étayer son propos, la métaphore de Casa-grande & senzala, un livre du sociologue Gilberto Freyre paru en 1933 et publié par Gallimard sous le titre Maîtres et esclaves en 1952 (voir l’encadré). Il semble considérer que, par certains aspects, les choses n’ont pas beaucoup changé au Brésil depuis le XIXe siècle, et que les relations entre la « grande maison » du maître et la senzala, ou maison des esclaves (sinon le sous-sol de celle du maître), sont toujours aussi complexes. Dans ce qui reste des gravures de Jean-Baptiste Debret représentant la vie quotidienne à Rio de Janeiro au XIXe siècle, on voit des familles riches se promenant accompagnées de leurs esclaves, et on peut effectivement assister encore à de telles scènes dans la rue de nos jours même si la condition d’esclave n’existe plus. On a ainsi remarqué, dans une manifestation pour la destitution de Dilma Rousseff, le directeur financier d’un club de football suivi par sa femme tenant en laisse un caniche, puis par la babá (baby-sitter) noire avec les deux enfants du couple. De même, dans une autre manifestation visant Lula, on lisait sur une pancarte : « Dehors Zumbi ! » – une bien étrange revendication, car ce Zumbi, qui fut le dernier roi du Quilombo, un refuge pour les esclaves en fuite, a vécu durant la seconde moitié du XIXe siècle. Mais, à la vérité, il faut avoir une imagination des plus tordues pour comparer Lula à lui. Tant ses démêlés judiciaires et ceux de Dilma Rousseff que la très active campagne médiatique anti-PT s’expliquent surtout par cette réalité : la casa grande brésilienne n’a pas accepté sa défaite à la dernière élection présidentielle. Dès son accession au pouvoir, Lula s’est employé à plaire aux Brésiliens les plus favorisés, mais, malgré ses efforts vestimentaires et ses assurances qu’il ne cherchait pas la bagarre, il apparaît toujours à leurs yeux comme une tache sur le tapis. Nous avons ainsi pu assister à une alliance entre des manifestants défendant toutes les valeurs de droite, pour qui le fait de devoir payer quelques réaux de plus à leur femme de ménage est un cauchemar, et d’autres manifestants aux sentiments bien plus mêlés, ainsi que des journaux, quelques chaînes de télévision et surtout des juges. Dans ce front commun, certains contestataires ont accusé le gouvernement de « communisme », pour se donner le « beau rôle » et pouvoir fomenter sans mauvaise conscience la chute de la maison PT.

{{L'impact des coxinhas sur les manifestations}}

On nous dit que le gouvernement PT a accompli beaucoup d’efforts pour sortir de la misère des millions de Brésiliens ; ces efforts ont pourtant été très limités : l’objectif officiel était que le peuple puisse prendre un petit déjeuner chaque matin, un résultat relativement facile à atteindre pour ces dirigeants à leurs débuts, étant donné la croissance de la décennie 2000. Mais ils ne se sont pas limités à « faire le bien » ni à assurer un petit déjeuner à l’ensemble de la population : ils ont également cherché à s’enrichir. Et la récession n’a fait qu’aggraver les tensions sociales.
Tout le monde a bien sûr le droit de manifester contre le PT, et ces classes moyennes si difficiles à définir que sont les coxinhas l’ont donc aussi ; cependant, loin de paraître vouloir remettre en cause les fondements inégalitaires de la société, les coxinhas donnent l’impression de reprocher avant tout au PT d’être le parti… « des travailleurs » – de la même façon que le Premier ministre de la grande République française est gêné par le mot « socialiste » dans le nom de sa formation politique.
La première fois qu’on a vu surgir dans la rue comme une véritable force cette catégorie de la population a été le 20 juin 2013. Des manifestations avaient alors lieu depuis un moment dans toutes les grandes villes du Brésil, avec comme revendication la gratuité des transports publics urbains, à travers le Movimento Passe Livre. Ce jour-là sont apparus de nombreux manifestants d’une nouvelle « espèce », et les manifs pour le tarif zéro ont tourné à un jeu de massacre visant la gauche et les « rouges », leurs organisateurs ne parvenant pas à empêcher qu’elles se transforment en mouvement de contestation contre le gouvernement. Ces manifestants, peu habitués aux rendez-vous militants mais qui avaient des idées claires, s’habillaient avec le drapeau brésilien, se peignaient le visage, et vociféraient des slogans comme « Le peuple s’est réveillé » entrecoupés par l’hymne national. Pour eux, les membres du PT n’étaient qu’une bande de communistes et d’assassins, et le PT lui-même « le plus corrompu de tous les partis ! » – je ne sais pas si cette formation a la palme en la matière, mais, pour ce qui est de ses représentants dans les plus hautes sphères de l’Etat, il n’y a sans nul doute là aucune diffamation. Cependant, pour affronter le pouvoir, les coxinhas ont transformé les slogans à leur convenance. Ainsi, le « Celui qui ne saute pas est pour le tarif [des transports] » est devenu « Celui qui ne saute pas est un PTiste » ; et, plus largement, descendre dans la rue contre le prix des transports est devenu descendre dans la rue contre le gouvernement. Rien de radical ni d’anticapitaliste là-dedans : juste l’exigence d’un changement dans le mode de gestion du capitalisme au Brésil.

{{Une contestation qui mêle les aspirations d'Occupy et le rejet du « communisme »}}

Si, pendant les années de croissance, les revenus de 25 % des plus pauvres ont grossi de 45 %, les 25 % des plus aisés, qui n’en avaient pourtant pas particulièrement besoin, ont vu les leurs augmenter de 13 % – mais vous savez combien les chiffres sont trompeurs : pour celui qui n’a rien, la moindre augmentation fait très vite monter un pourcentage, ce qui n’est pas le cas pour les plus riches.
Quoi qu’il en soit, toute cette haine anti-PT a-t-elle pour cause la très réelle corruption de ce parti (égale à celle des autres), tient-elle aux quelques améliorations dont ont bénéficié les plus pauvres (comme j’ai pu le lire dans Le Monde daté du 19 avril, où quelqu’un essaie d’expliquer les événements au Brésil par le fait que certains prolétaires se sont mis à prendre les mêmes avions ou à acheter les mêmes voitures que les gens de la classe moyenne), ou encore tire-t-elle ses origines d’un passé ancien, celui du colonialisme et de l’esclavage, comme le pense le Portugais de São Paulo mentionné au début de ce texte ?
Quand la Chambre des députés a décidé de virer « Dilma », les images retransmises par la télé concernant cette annonce laissaient à penser que beaucoup de Brésiliens sautaient de joie et étaient prêts à recommencer le Carnaval. Mais font-ils tous partie des couches les plus favorisées au Brésil ? Il est assez difficile d’assurer, à l’instar de certains, que le mouvement actuel contient des éléments du fascisme classique : un certain anti-intellectualisme, et l’affirmation que la politique n’est que démagogie et corruption – analyse que la gauche dite autonome semble largement partager. Les coxinhas s’approprient certains thèmes de la gauche : ils ne sont pas pour un démontage des droits sociaux, se déclarent pour le mariage homo, et beaucoup se disent mécontents de la hausse de l’inflation et de la détérioration des services publics (santé, éducation, transports, etc.). Quant à leur mode de fonctionnement ou d’organisation, il ne paraît guère différent, par mimétisme, de celui des Occupy ou du 15M. Mais vous avez sans doute déjà compris qu’ils ne peuvent pas sentir les « communistes », et qu’il suffit parfois que vous portiez un tee-shirt rouge pour qu’ils se jettent sur vous comme un taureau dans l’arène.
Or, est-ce que les gouvernements de Lula et de Dilma ont réduit l’écart entre les revenus, abaissé le niveau de richesse des plus fortunés ou contrarié vraiment les intérêts de la classe dominante ? La réponse ne peut être que non. Si la situation des plus pauvres s’est un peu améliorée, ce n’est pas parce que cette classe dominante a soudain eu un accès de philanthropie, mais parce que les bénéfices monstrueux réalisés par les capitalistes ont eu de petites retombées sociales. Cependant, rien n’est jamais acquis… et, en 2015, le PIB brésilien a chuté de 3,8 %. S’il continue de se dégrader, devinez qui va trinquer ?

{{Quelques considérations diverses sur l'actualité ici et là}}

Le juge fédéral Sergio Moro, chargé des investigations dans l’opération « Lava Jato » (5), n’a pas l’intention d’éradiquer la corruption au Brésil : il désire juste accélérer la destitution de la Présidente et chasser le PT du pouvoir. C’est pourquoi il a laissé les médias divulguer la teneur d’une écoute téléphonique entre elle et Lula : elle l’informait qu’elle lui avait fait envoyer l’ordre d’une nouvelle charge ministérielle pour qu’il puisse l’utiliser « en cas de besoin » contre les accusations des juges. Moro a cherché par là à donner des armes aux adversaires du PT. Néanmoins, tout laisse à penser que cette couche de la population qui n’a jamais cessé d’agir contre les grandes décisions prises par les gouvernements successifs de cette formation ne veut pas d’affrontements réels, et préfère que tout se passe selon la volonté de la classe dirigeante internationale, plutôt favorable à son écrasement sans effusions de sang.
Mais pourquoi ces divers événements ont-ils lieu aujourd’hui ? Eh bien, parce que la croissance a cédé la place à une récession très grave (3,8 % en 2015) au Brésil, avec une inflation de 9 %, un chômage de 10,2 % au premier trimestre 2016, et un pouvoir d’achat des classes moyennes qui est en baisse ; que la bourgeoisie nationale et internationale a envie de restreindre certains droits sociaux, de faire quelques privatisations dans les secteurs liés à l’électricité, aux télécommunications, aux mines et autres – et aussi d’accentuer la répression pour faire baisser le nombre des grèves au Brésil : en 2012, il y en a eu 877 ; en 2013, 2 050 (11 342 heures en 2012, 36 921 en 2013). Michel Temer, le Président par intérim pour six mois, a la « confiance des marchés ». Même si sa mise en cause par plusieurs inculpés du dossier Petrobras lui fait courir le risque d’une inégibilité de huit ans alors qu’il aspire à garder le pouvoir, et en dépit de son impopularité, les mesures de restriction auxquelles on le sait favorable (privatisations, réforme des retraites, réduction drastique de la Borsa Familia, ou « bourse famille », que le gouvernement PT accordait aux plus miséreux…) devraient satisfaire les possédants et les pousser à soutenir sa candidature à la prochaine présidentielle.
Pour terminer, quelques mots sur la gauche, l’extrême gauche et les structures militantes dans lesquelles on sent une envie assez forte de lutter pour défendre la Présidente déchue et le PT – certains vont jusqu’à reprocher à leur entourage de ne pas vouloir « mourir » pour cette cause, et luttent pour la « légalité démocratique » et contre la destitution, devenant de ce fait des alliés d’un pouvoir qui a commis un tas de saloperies. Leur attachement au PT, qui relève de l’affectif, leur fait oublier ce que beaucoup de travailleurs – la grande masse des défavorisés, qui n’ont eu que des miettes durant toutes ces années de croissance – ne sont pas prêts à faire, eux. Sous la gouvernance PT, la répression contre les minorités n’a jamais cessé, contre les quartiers pauvres et contre les occupations des paysans sans terre ; le nombre d’assassinats par année a été supérieur à 60 000, frappant pour la plupart des jeunes Noirs ; plus de 750 000 personnes sont incarcérées au Brésil…
Mais vous n’êtes pas sans savoir comment fonctionne l’idée de protéger la « démocratie » en France. Vous vous souvenez par exemple des 82,1 % de voix obtenues par Chirac en 2002 contre la menace « fasciste » représentée par Le Pen – des voix qui venaient de tous les horizons, de la droite classique aux anarchistes toujours attentifs aux « libertés ». Alors, puisque je me suis éloigné du sol brésilien par cette remarque, je terminerai avec ce que j’ai lu sur une affichette lors de la manifestation du 28 avril dans les rues parisiennes : « Quand le PS rétablira l’esclavage, la CFDT négociera le poids des chaînes ». Pourvu que la CFDT soit alors la seule à négocier !

Elisiario, mi-mai 2016

1. La coxinha, ou petite cuisse de poulet, est aussi le nom d’une spécialité culinaire, en forme de goutte, très consommée au Brésil à l’apéro ; sa pâte est farcie avec divers ingrédients (dont du poulet émincé) et frite.

2. Les engomadinhos sont des gens qui portent des vêtements bien repassés.

3. Elle a succédé à Luiz Inacio Lula da Silva en 2010 et avait été réélue en octobre 2014 avec 51,5 % des voix.

4. Elle a fait financer des dépenses budgétaires par des emprunts auprès d’établissements bancaires publics qui permettaient d’en retarder le débit.

5. Ce « lavage express », qui a mis au jour l’affaire « Petrolão », tire son nom des stations de lavage automobile et des stations-service utilisées pour blanchir de l’argent.

{{« Casa-grande & senzala »}}

Gilberto Freyre considérait que, dans l’organisation sociale de l’époque coloniale au Brésil – un modèle familial et patriarcal, de nature aristocratique –, tout le monde était réuni sous un même toit et tenait son rang, mais que de nombreuses situations favorisaient les « échanges » : les relations sexuelles d’un maître avec sa servante, l’allaitement d’un nourrisson blanc par une nourrice noire, les jeux communs entre les enfants du maître et ceux de l’esclave… Ces éléments ont selon lui contribué à ce que les populations indienne, portugaise et africaine, plutôt que de cohabiter, se fondent peu à peu dans un peuple brésilien métissé. On a reproché à Freyre d’avoir idéalisé ces rapports maître-esclave, et d’avoir suggéré que le colonialisme portugais était plus doux que les autres, en parlant du Brésil comme d’une société sans préjugés et sans discriminations où coexistaient de façon harmonieuse des Blancs, des Noirs et des Indiens – et même d’une « démocratie sociale à travers le mélange des races ».
Des intellectuels et le Mouvement noir unifié ont dénoncé dès les années 1960 le mythe de cette démocratie raciale comme étant un « dogme de la suprématie blanche ». Le dramaturge Nelson Rodrigues a par exemple rappelé que « la vie du Noir brésilien n’est qu’un tissu d’humiliations », car la cordialité avec laquelle on le traite « n’est que le lâche déguisement d’un mépris qui fermente en nous, jour et nuit ». Mais Freyre a surtout été contesté sur le plan politique : en 1946, il a été élu à l’Assemblée constituante sous l’étiquette UDN, un parti de droite ; en 1964, il a salué le coup d’Etat qui, en renversant João Goulart, a instauré un régime militaire… L’anthropologue Darcy Ribeiro salue néanmoins son livre en disant : il « nous a appris, en particulier, à nous réconcilier avec notre ancestralité lusitanienne et nègre dont nous étions quelque peu honteux. Nous lui devons le fait d’avoir commencé à accepter, en tant qu’authentiques ancêtres, le peuple que nous avions l’habitude d’identifier à l’immigrant, bête de somme tirant les charrettes du marché, ou bien commerçant prospère et mesquin lorsqu’il s’était enrichi ».

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