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CA 326 Janvier 2023

Vertement écolo 326

mercredi 25 janvier 2023, par Courant Alternatif


*** Lula revient : pitié pour l’enfer amazonien !

L’édito de CA de novembre critiquait vertement le chœur unanime des restes de l’alter mondialisme, toute la gauche et des libéraux dans leur célébration de la victoire de Lula contre Bolsonaro.
À Reporterre comme chez TF1 (1) cette élection sauvait la forêt amazonienne et nous sauverait du désastre climatique en cours.
Magique, non ? Une élection et tout est changé !
Et quelle lourde responsabilité pour le champion des altermondialistes et des organisations de la gauche autoritaire. Certains le lui ont bien fait sentir : il DEVAIT agir et VITE.
Or, comment dire… C’est un peu plus compliqué que cela et nettement moins idyllique.
Un article datant d’une dizaine d’années (2), paru au milieu du second mandat de Lula (octobre 2006-janvier 2011) l’analyse.
En 2008, sa ministre de l’environnement Marina Silva (3) démissionne car elle était en total désaccord avec l’alignement patent du Parti des Travailleurs (PT) et de Lula, sur les demandes pressantes des financiers et des agro-industriels pour plus de déforestation, d’exportations de soja transgénique et de grands projets industriels.
Dès sa ré-élection « Lula avait montré du doigt les « entraves à la croissance économique » représentées par « l’environnement, les indiens, les quilombolas » (ces communautés d’anciens esclaves noirs fugitifs, qui possèdent la terre collectivement comme les indigènes). »
Sous la pression du PT et des syndicats, Lula met en place le PAC (Plan d’Accélération de la Croissance), « l’écologie dut-elle en pâtir. » car si la misère a bien reculé durant son premier mandat, « la part des salaires dans la richesse nationale brésilienne a continué à reculer, à 39 % en 2007 (contre 45 % en 1990). » au profit du secteur financier et agricole.
Ce plan qui montrait le retour du « volontarisme économique » s’est basé sur le développement des infrastructures, « afin de favoriser la croissance et en particulier celle des exportations agricoles,
véritable locomotive de l’économie brésilienne depuis plusieurs années. » : soja, cellulose, éthanol de canne à sucre (ces nécrocarburants du greenwashing énergétique) et viande.
Cela s’est concrétisé par la libéralisation du marché du travail agricole (embauches sans contrat de travail) et l’abandon de la réforme agraire, promise au Mouvement des Sans Terre (MST).
Le résultat politique a été foudroyant : les grands propriétaires fonciers, les industriels, les financiers et les élus qu’ils contrôlent se rallient au panache prolétarien de Lula en lui assurant une majorité au Congrès brésilien.
Cette touchante solidarité se manifestera à nouveau quand « Le plus propriétaire de soja au Brésil, l’ancien gouverneur du Mato Grosso [ravagé par la déforestation et la monoculture du soja] Blairo Maggi, soutient avec ferveur la candidature de Lula » (4) pour l’élection de 2022.

Le PAC sert à contourner les mesures de protection, de surveillance et de répression mises en place par Marina Silva, qui avaient considéraLula revient : pitié pour l’enfer amazonien !
L’édito de CA de novembre critiquait vertement le chœur unanime des restes de l’alter mondialisme, toute la gauche et des libéraux dans leur célébration de la victoire de Lula contre Bolsonaro.
À Reporterre comme chez TF1 (1) cette élection sauvait la forêt amazonienne et nous sauverait du désastre climatique en cours.
Magique, non ? Une élection et tout est changé !
Et quelle lourde responsabilité pour le champion des altermondialistes et des organisations de la gauche autoritaire. Certains le lui ont bien fait sentir : il DEVAIT agir et VITE.
Or, comment dire… C’est un peu plus compliqué que cela et nettement moins idyllique.
Un article datant d’une dizaine d’années (2), paru au milieu du second mandat de Lula (octobre 2006-janvier 2011) l’analyse.
En 2008, sa ministre de l’environnement Marina Silva (3) démissionne car elle était en total désaccord avec l’alignement patent du Parti des Travailleurs (PT) et de Lula, sur les demandes pressantes des financiers et des agro-industriels pour plus de déforestation, d’exportations de soja transgénique et de grands projets industriels.
Dès sa ré-élection « Lula avait montré du doigt les « entraves à la croissance économique » représentées par « l’environnement, les indiens, les quilombolas » (ces communautés d’anciens esclaves noirs fugitifs, qui possèdent la terre collectivement comme les indigènes). »
Sous la pression du PT et des syndicats, Lula met en place le PAC (Plan d’Accélération de la Croissance), « l’écologie dut-elle en pâtir. » car si la misère a bien reculé durant son premier mandat, « la part des salaires dans la richesse nationale brésilienne a continué à reculer, à 39 % en 2007 (contre 45 % en 1990). » au profit du secteur financier et agricole.
Ce plan qui montrait le retour du « volontarisme économique » s’est basé sur le développement des infrastructures, « afin de favoriser la croissance et en particulier celle des exportations agricoles,
véritable locomotive de l’économie brésilienne depuis plusieurs années. » : soja, cellulose, éthanol de canne à sucre (ces nécrocarburants du greenwashing énergétique) et viande.
Cela s’est concrétisé par la libéralisation du marché du travail agricole (embauches sans contrat de travail) et l’abandon de la réforme agraire, promise au Mouvement des Sans Terre (MST).
Le résultat politique a été foudroyant : les grands propriétaires fonciers, les industriels, les financiers et les élus qu’ils contrôlent se rallient au panache prolétarien de Lula en lui assurant une majorité au Congrès brésilien.
Cette touchante solidarité se manifestera à nouveau quand « Le plus propriétaire de soja au Brésil, l’ancien gouverneur du Mato Grosso [ravagé par la déforestation et la monoculture du soja] Blairo Maggi, soutient avec ferveur la candidature de Lula » (4) pour l’élection de 2022.

Le PAC sert à contourner les mesures de protection, de surveillance et de répression mises en place par Marina Silva, qui avaient considérablement ralenti la déforestation. Comme à cette époque, la demande internationale pour le soja, l’éthanol et la viande explosent, il faut que l’agro-industrie carbure à mort pour les profits des industriels, l’augmentation du poids international du Brésil et (un petit peu) pour les salaires des ouvriers… Ainsi, le peuple souverain sera apaisé.
Grâce à cette politique volontariste de destruction massive de la forêt pour développer l’élevage industriel d’exportation (pour Carrefour et les entreprises chinoises entre autres), le Brésil, 8ème puissance économique mondiale était en 2009, le 4ème émetteur de gaz à effet de serre de la planète.
En parallèle, qui dit augmentation des productions dit aussi nécessité de développer les infrastructures dédiées : irrigation, énergie, chimie, routes....
Lula relance donc le projet de détournement du 3ème plus grand fleuve du Brésil le « Velho Chico » qui traverse le Nordeste. Deux canaux de 200 et 400 km sont officiellement destinés à fournir de l’eau aux habitants du « polygone de la faim » (autre partie du Nordeste extrêmement sèche et pauvre).
Écologistes, communautés indigènes et paysannes, cathos et gauche brésilienne ont dénoncé d’une part la déstabilisation des écosystèmes fluviaux par ce détournement et d’autre part son appropriation par les oligarques agricoles. Des « … chiffres officiels indiquent que 70 % de l’eau détournée servira à de vastes projets d’irrigation : plantations de canne à sucre, de fruits tropicaux, élevages de crevettes... 26 % alimentera les grandes villes – principalement Fortaleza – en eau potable. Et le reste, 4 % seulement, parviendra aux populations rurales. ».
C’est, en immense, la même logique que le barrage illégal de Caussade, Sivens, les bassines et les retenues collinaires chez nous.
En 2010, les chantiers s’arrêtent brusquement après l’élection de Dilma Roussef car officiellement, les entreprises ne sont plus payées. Mais il semblerait que ce projet destructeur, n’ait été qu’une pompe à finances illégale « destinée à dégager des fonds pour financer la campagne politique des gens alors en place au pouvoir. » (5)
En 2008, Lula lance de grands travaux sur la rivière Xingu en pleine Amazonie afin de construire le troisième plus grand barrage du monde, Belo Monte. Les terres et les modes de vie de milliers d’indiens disparaissent sous les « eaux glacées du calcul égoïste » (Marx).
Cependant, saluons cet imPACt positif pour l’agrobusiness et l’habileté du système corruption politique généralisée des élites au pouvoir. Un autre monde est possible, qu’ils disaient...
Le bilan écologique et social de Bolsonaro est encore plus effrayant mais, par rapport à Lula il s’agit de différences quantitatives et méthodologiques mais non de nature. Culte du développement, de l’industrie, de la technologie, du nationalisme, de la puissance et du pouvoir sont au cœur du Bolsonarisme et du Lulisme, comme ils l’ont aussi été durant la période de la dictature militaire.
Ce sont différentes facettes de la gestion /destruction de la nature par le capitalisme qu’il soit militarisé, ultra libéral ou régulé, et rien d’autre.

*** Avec Mélenchon, 20 000 lieues en enfer

L’ex-ministre de l’enseignement professionnel de Jospin annonçait tout fiérot, peu après l’élection de Lula que celui-ci allait abandonner l’accord de libre-échange entre le Marché commun du Sud (Mercosur) et l’Union européenne, accord gelé depuis 2019 par l’UE car officiellement, il ne contenait pas assez de mesures environnementales.
Que nenni ! Et magie de l’autosuggestion car au contraire, Lula espère le signer d’ici 9 mois, l’objectif de Brasília étant d’obtenir « un accord équilibré, qui tienne compte du réchauffement climatique et de la nécessité d’un développement durable tout en permettant le développement industriel avec une technologie de pointe". » (6).
Cela préfigure un traité basé sur la recette du pâté d’alouette à savoir une alouette d’écologie et un cheval d’industrie, de finance, d’agriculture intensive, de pollutions et de dérèglement climatique. Moitié moitié c’est équilibré, non ?
Le mitterandolâtre Mélenchon a aussi clamé sa joie, son bonheur, pour la (courte) victoire de Lula qui montre qu’« À l’heure où l’obscurantisme gagne du terrain en Europe, le Brésil parle au monde : oui, un autre monde de justice et d’entraide est possible... »
Au vu du bilan de Lula (et de ce qui se prépare) on a du mal à comprendre comment le génial inventeur de la planification et de la bifurcation écologique pouvait s’y retrouver. 
À moins que… Mélenchon ne soit pas très écolo ? Pas plus que LFI, peut-être ? Le doute et l’angoisse nous étreignent… Et un tour en Amérique latine s’impose, là où ses amis ont fait des étincelles pas très vertes.
En 2009, Chavez (le Bolivar du Vénézuéla) se présente à la COP de Copenhague en défenseur intraitable du climat.
Quelques semaines plus tard, il signe des contrats pétroliers avec les multinationales américaines tout en rêvant (avant de mourir) « d’exploiter les centaines de milliers de barils de pétrole enfouis dans les sables du bassin de l’Orénoque. » (7)
En Équateur, son pote Correa relance en 2013, l’exploitation d’un gisement pétrolier sous le parc National Yasuni, labellisé réserve mondiale de biosphère par l’Unesco. Auparavant, il avait vainement tenté de négocier la non-exploitation du pétrole de la zone en échange de financements écologiques internationaux pour le manque à gagner.
Dès 2017, le pétrole est exploité par la compagnie nationale Petroamazonas, avec paraît-il des techniques protégeant l’environnement… Adieu indiens vivant en isolement volontaire, oiseaux, mammifères, poissons arbres et plantes. Le char de l’extractivisme est encore passé au nom du progrès et de l’indépendance nationale.
On pourrait aussi rappeler les positions fermes et continues de l’ex-trotskiste Mélenchon sur la dictature maoisto-mafieuse chinoise : soutien total à la répression contre les Ouïgours (bizarrement, ils sont tous devenus des islamistes terroristes) et les tibétains (victimes d’un grand remplacement parfaitement assumé par l’État chinois).
Et pas un mot sur les pratiques de cet impérialisme féroce qui, du Cambodge, au Laos, en passant par la Birmanie et une bonne partie de l’Afrique, tient les pays par la dette (comme les impérialistes occidentaux), les met en coupe réglée et détruit allègrement nature et environnement pour son profit exclusif.
Développement à toute blinde et productivisme sont les mamelles de l’internationalisme mélenchonien. Les mamelles environnement et écologie ont subi une ablation totale.

Voyons voir ce que l’ex-sénateur Mélenchon raconte avant et pendant ses deux campagnes présidentielles. Le « meeting immersif » de janvier 2022 à Nantes où Mélenchon a glosé des océans et de l’espace en est emblématique ne serait-ce que par sa débauche d’artifices technologues (4 murs d’écrans, son et lumières et odorama) propres à subjuguer les participants.
Les océans... Pour M. le Maudit (des élections), en 2012 comme en 2022 c’est « la dernière ‘terra incognita’ de la planète. Une terre de conquête… Rien n’est hors de portée pour nous. … La mer est notre nouvel espace de réussite et d’exploits scientifiques et techniques. » (7)
Durant le meeting il proclame « Il y aura des machines qui prendront le mouvement du chaud et du froid. [dans les océans]… C’est [les jeunes] qui sont dans les écoles et qui vont mettre au point toutes ces machines. » (8) La réincarnation du capitaine Némo ne se pose bien sûr pas la question des effets de ce merveilleux projet sur les écosystèmes océaniques qu’il s’agit d’exploiter (pardon, de mettre en valeur).
On rêve de savoir ce qu’il propose pour l’exploitation (encore expérimentale, mais des jeunes de LFI vont bien s’y mettre) dans les grands fonds océaniques (forcément vides) des nodules polymétalliques (cobalt, cuivre, manganèse, nickel) tellement vitaux pour la transition écologique à la sauce capitalisme.
L’espace... C’est l’exploration spatiale qui a « ...permis le développement des ordinateurs modernes et de nouveaux services comme la téléphonie mobile ». (7)
Lors du meeting immersif il décrit les merveilles que sont les « milliers d’applications dans nos poches qui dépendent de l’espace : météo, GPS, cartographe et surveillance écologique des traités internationaux dont nous proposerons la signature dans le cadre de cette diplomatie altermondialiste... ». Quelles perspectives émancipatrices !
Pour Lénine, le socialisme c’était les Soviets plus l’électrification (avec beaucoup de Tcheka). Pour Mélenchon c’est la 6ème République et des applis, des réseaux des data centers partout (il est prévu qu’ils consommeront 13 % de l’électricité mondiale en 2030) pour apprendre, travailler, se distraire et donc être contrôlé en permanence (bizarre, qu’il ne parle pas de cela). Bref un paradis citoyen qui ressemble fortement à notre enfer technologique actuel.

Derrière le vernis écologique et planificateur de Mélenchon, on retrouve toujours les vieilles rengaines de la technologie salvatrice, une conception de la nature, de la planète et de ses alentours qui n’ont d’intérêt que parce qu’on peut les contrôler, les dominer, les exploiter plus ou moins brutalement (la planification y veillera).

Freux et Eugene the Jeep

Notes
1 - « L’ancien président était alors parvenu à "passer de 30.000 km² défrichés par an à 5000", grâce à un contrôle renforcé des tentatives de déforestation par des amendes. » in « Brésil : Lula au pouvoir, une bonne nouvelle pour l’Amazonie ? ». Maëlane Loaëc. TF1 Infos du 31/10/2022
2 - Lula, le social et l’écologie. Thomas Coutrot. Mouvements n° 60. La Découverte, 2009/4. Disponible sur cairn.info – Th. Coutrot est par ailleurs membre d’ATTAC.
3 - Militante écologiste avec Chico Mendes, (assassiné par les oligarques agricoles) mais non exempte d’ambiguïtés sur la question de l’industrie de l’éthanol qui l’a opposé au MST et aux réseaux catholiques de gauche. Sous Lula II, le Brésil est devenu le deuxième producteur mondial d’éthanol et le premier à partir de canne à sucres. Que cela ait durablement déstabilisé l’agriculture vivrière du Brésil, ne l’a pas vraiment ému. Des marchés et du fric, du fric.
4 - Et si on parlait du bilan de Lula ? Fabrice Nicolino. Charlie Hebdo 1577 du 12/10/2022
5 - Interview de Mgr Cappio, évêque de Barra (État de Bahia) opposant au détournement. In « Brésil : Les travaux de détournement du fleuve Sao Francisco à l’arrêt » . Disponible sur cath.ch
6 - Le nouveau président brésilien Lula veut-il abandonner l’accord de libre-échange entre le Mercosur et l’UE, comme l’affirme Jean-Luc Mélenchon ? Pauline Lecouvé. FranceInfo du 30/11/2022
7 - Mélenchon est-il vraiment écologiste ? F. Nicolino. Charlie Hebdo n°1545 du 02/03/2022
8 - 2022, l’odyssée de Mélenchon. Laure Daucy. Charlie Hebdo 1539 du 19/01/2022

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