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CA 328 mars 2023

« L’Histoire ne se répète pas. Elle bégaie »

Édito

lundi 6 mars 2023, par Courant Alternatif


Il y a un an, le 24 février commençait une guerre comme on n’en avait plus vu depuis de nombreuses générations sur le continent européen et l’extrait suivant tiré du Manifeste de Zimmerwald rentre étrangement en résonance avec cet événement : « Quels que soient les responsables immédiats du déchaînement de cette guerre, une chose est certaine : la guerre qui a provoqué tout ce chaos est le produit de l’impérialisme. Elle est issue de la volonté des classes capitalistes de chaque nation de vivre de l’exploitation du travail humain et des richesses naturelles de l’univers. De telle sorte que les nations économiquement arriérées ou politiquement faibles tombent sous le joug des grandes puissances, lesquelles essaient, dans cette guerre, de remanier la carte du monde par le fer et par le sang, selon leurs intérêts. » La guerre en Ukraine nous fait prendre conscience que tant que les capitalistes de tous les pays auront les armes avec eux, notre sang coulera pour les rassasier. Qu’il est bon de rappeler que les classes capitalistes qui disent défendre la démocratie et la paix sont les mêmes qui ont réanimé le régime autoritaire en Russie en l’aidant à exploiter son gaz et à moderniser son armée. Thales a même continué à vendre et à livrer des caméras infrarouges à la Russie après le début des sanctions de 2014 qui interdisaient aux entreprises de vendre des armes à ce pays (1). Les mêmes se frottent les mains en jouant des coudes pour vendre en grande quantité des armes et des technologies à l’Ukraine qui en a désespérément besoin pour survivre à l’appétit vorace de son impérialiste voisin. Le conflit s’enlise et la bourse est florissante, alors que les morts s’amoncellent des deux côtés de la ligne de front. Zelensky exhorte à ne rien laisser à l’occupant que des terres brûlées, requérant des munitions, des chars, des drones partout où il le peut. Et on s’affaire pour lui en fournir, le secrétaire général de l’OTAN ayant déclaré que les usines d’armement tournent à plein régime. Alors, c’est la surenchère militaire : Poutine, laisse entendre qu’il n’a pas peur d’une 3e guerre mondiale, mais qui le croit réellement ? Il est clair que les seuls qui sortiront vainqueurs de ce conflit, ce ne sont pas les peuples, mais les vendeurs de canons ; et il est certain que eux seront toujours bien vivants ! Il n’y a qu’à voir comment ils se frottent les mains avec la future loi de programmation militaire dont les grandes lignes et le budget de 413 milliards d’euros ont été dévoilés il y a peu par Macron. Il faut bien cela pour que la France puisse s’asseoir à la table des vainqueurs de la prochaine guerre.

Et pour leur sacrifice, les Ukrainiens reçoivent médailles et récompenses symboliques : légion d’honneur à Zelensky, minute de silence au Conseil de sécurité de l’ONU, prix Nobel de la paix à l’ONG Mémorial (une ONG dissoute par le régime russe). Cela est bien dérisoire et n’aide en rien à sortir du marasme et de la dictature ; quand brandir une simple pancarte antiguerre ou de soutien au peuple ukrainien vaut 10 jours de prison en Russie. Lorsque la propagande officielle du kremlin est questionnée ou tout simplement lorsque les femmes russes demandent des nouvelles de leurs proches, comme le fait par exemple le Conseil des mères et épouses de soldats, c’est la répression.
Pourtant, il y a maintenant plus de 100 ans, le 8 mars 1917, les Russes aussi manifestaient contre la guerre. Plus précisément, les femmes russes manifestaient, ouvrières ou femmes au foyer, elles sont descendues dans les rues de Petrograd pour demander « du pain pour leurs enfants » et le « retour de leurs maris des tranchées ». Ce sont donc les femmes qui ont enclenché la révolution russe, la chute du tsarisme et le retrait des Russes de la Première Guerre mondiale. Et c’est bien ce 8 mars 1917 qui est à l’origine de la « Journée des Nations unies pour les droits des femmes et la paix internationale » de son nom d’origine. La volonté de mettre fin aux guerres et aux discriminations sexistes de par le monde symbolisée dans une même journée. Aujourd’hui, pour nous, le 8 mars n’est pas une fête, mais une journée de lutte, de lutte pour l’abolition des systèmes d’oppression et d’exploitation qui permettent au patriarcat et au sexisme de prospérer. Qu’il s’agisse du monde du travail avec ses inégalités salariales, de religions, du contrôle de nos corps (l’IVG vient d’être remis en cause dans de nombreux états des USA) les femmes se retrouvent à devoir s’organiser, résister, se libérer et contribuer aux mouvements sociaux. Et c’est ce qui risque de se passer, en France, avec l’appel à la grève générale reconductible à partir du 7 mars contre la réforme des retraites, néfaste pour tous, mais dont les répercussions sont particulièrement préjudiciables pour les précaires et les femmes. Espérons que la journée pour le droit des femmes ne soit pas invisibilisée par la grève contre la réforme des retraites, mais bien l’occasion de mettre en avant une autre société et d’impulser une vraie dynamique de blocage du pays avec une grève reconductible. Tout arrêter nous permettrait de repenser ensemble le travail et son sens, de nous interroger sur le type de société qu’on souhaite et de mettre en place des solidarités. Les luttes féministes (comme les luttes écologistes) sont fondamentales pour construire une société plus juste et égalitaire. Il n’y a pas de féminisme sans lutte des classes… mais il n’y aura pas de lutte des classes sans les femmes !

Et de la lutte des classes, on va en avoir bien besoin au vu de la combativité des bureaucrates syndicaux et de leur unité au rabais. Surtout que certes, ce mois de février s’est traduit par des manifestations massives « comptablement » (jusqu’à 2,5 millions de personnes dans les rues selon les syndicats) mais somme toute passives. Pas étonnant qu’en face, le gouvernement poursuive inlassablement ses attaques afin de mettre en place une société ultralibérale, rentable pour les plus riches sans se soucier de justice sociale ou d’écologie. Après la réforme du chômage, la réforme des lycées pro et le projet de loi de Darmanin, maintenant, il tente de faire passer sa réforme des retraites en raccourcissant les débats via le 47-1. Il est peut-être temps de rendre nos mobilisations plus offensives, afin d’éviter à l’histoire de bégayer. Bref, pour reprendre les mots de Darmanin : bordélisons !

26/02/2023
OCL Strasbourg

Note
1. Capital, 30/04/2022, « Guerre en Ukraine : ce matériel militaire que Thales admet avoir livré à la Russie après les sanctions occidentales ».   

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