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CA 328 mars 2023

Construire des prisons pour enrayer la criminalité, c’est comme construire des cimetières pour enrayer une épidémie

dimanche 19 mars 2023, par Courant Alternatif

D’ici 2022, 7000 places en détention devaient être livrées et les chantiers de 8000 autres lancés ; 15000 places supplémentaires d’ici 2027. Non à la construction de nouvelles prisons en attendant de détruire les autres.


Depuis 1987, les programmes immobiliers pénitentiaires se succèdent en France, c’est 30 000 places de prison supplémentaires qui ont été construites, pour un nombre de prisonniers toujours plus élevé : au 1er décembre 72 809 personnes étaient incarcérées. Les conditions de détention sont abjectes ; « les atteintes graves à la dignité et aux droits fondamentaux » sont dénoncées sans effet, la promiscuité, le manque d’hygiène, l’ennui, le vide, les insultes, les violences, parfois la mort...
Pour donner une idée de la survie quotidienne dans une cellule de 9m2, 2 133 détenus dorment actuellement sur un matelas à même le sol, ce qui représente une augmentation de 405% en un an.
Les conditions de détention se dégradent au même rythme que nos conditions de vie.
Sans remonter aux années 80, rien que les dernières lois réglementant le travail, le chômage, l’immigration, le logement, l’éducation, la formation ne font que plonger un nombre croissant de la population dans l’isolement, la précarité, la pauvreté, l’invisibilité. La prison est l’aboutissement de l’ensemble des fonctionnements de la société capitaliste, de la crèche au tombeau. La prison est avant tout un outil de gestion de la pauvreté et de l’insoumission.

Qui retrouve-t-on en prison par conséquence ? Majoritairement des pauvres sans ressource ou vivant de prestations sociales, des ouvriers ou des employés, sans ou avec peu de diplôme(s), des personnes seules, hébergées chez des proches, dans des foyers, des locataires...    60% des entrants en prison sont dans une situation de précarité durable(1).
Pourquoi, alors que la délinquance n’a pas augmenté, y a t-il autant de prisonniers ? C’est parce que les peines sont de plus en plus longues voire éliminatrices, et les aménagements de peine de plus en plus chiches. Plus de la moitié des condamnations n’excèdent pas un an ferme, c’est avant tout pour des délits mineurs que les prisonniers pourrissent en prison. Il faut ajouter à ces chiffres les 170 000 personnes enfermées dehors, contrôlées par l’administration.
Qui est assez naïf pour penser que les 7 000 places de prison construites ou mises en chantier près de chez vous en 2022, et les 8 000 autres prévues à l’horizon de 2027 serviront à désengorger les prisons ou à favoriser l’encellulement individuel ? Elles seront comme les précédentes aussitôt sur-occupées grâce aux institutions policières et judiciaires qui y pourvoiront. L’État anticipe et prévoit d’ores et déjà que le nombre de détenus devrait atteindre 80 000 en 2027. L’avalanche de lois sécuritaires richement accompagnées d’armements, de services, de numérique, de structures, sont là pour nous démontrer que le prétendu angélisme du gouvernement prôné par les tenants de l’ordre n’est qu’un mensonge de plus.
L’enfermement a de l’avenir et se diversifie ; le parc pénitentiaire s’étoffe à chaque mandature ; centres éducatifs fermés, prisons pour mineurs, prisons pour longues peines, maisons d’arrêt à régimes différenciés, prisons psychiatriques, prisons de haute sécurité. En ce qui concerne le nouveau projet de la construction de nouvelles prisons c’est plutôt opaque. D’un côté il s’agit d’expérimenter un nouveau type d’enfermement : les structures d’accompagnement vers la sortie, centrées autour du travail et de la formation pour les détenus dont il reste moins de deux ans de peine à purger. Une sorte de vitrine pour l’administration pénitentiaire pour des détenus méritants triés sur le volet comme à Marseille. De l’autre côté, il s’agit de construire encore des places d’isolement dans des quartiers très sécurisés. Assouplissement des conditions pour les uns et durcissement pour les autres. Pas question de contester, de protester sinon c’est le mouroir.
Il faut croire que de l’argent il y en a, parce que construire de nouveaux lieux d’enfermement revient très cher et cet argent ne sera pas attribué à des secteurs prioritaires comme par exemple les hôpitaux, les écoles... Le gouvernement débloque 4,4 milliards pour son nouveau plan de 15 000 places de prison supplémentaires, auxquels il faut ajouter le coût des taux d’intérêts des constructions précédentes en PPP (partenariat public/privés).
L’enfermement ne fait qu’aggraver une situation individuelle et collective alarmante. Il nous renseigne sur les objectifs du gouvernement : gérer la pauvreté par le contrôle et l’emprisonnement et prévenir les révoltes qui vont advenir par la répression. S’opposer à la construction des prisons est une nécessité si l’on prétend être anticapitaliste.

Nadia

Note
1. Selon le conseil économique et social.

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