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CA 328 mars 2023

Nouvelle macabre du Cameroun

mardi 21 mars 2023, par Courant Alternatif

« Le pouvoir est maudit », Louise Michel


Le 17 janvier dernier, un corps nu et mutilé a été découvert dans un champ à une quinzaine de kilomètres de Yaoundé, la capitale du Cameroun. Il s’agissait d’Arsène Salomon Mbani Zogo, appelé couramment Martinez Zogo. Ce journaliste phare d’une émission de la chaîne de radio privée Amplitude FM avait été porté disparu par ses collègues et proches.
Sa mort dans des conditions atroces a provoqué un grand émoi populaire dans le pays et accroît la colère sourde des populations. Elle vient rappeler le « cannibalisme » du pouvoir et la rapacité des cercles qui gravitent autour du Président inoxydable Paul Biya.
Martinez Zogo a été enlevé, torturé et exécuté en raison de ses prises de position sur les ondes concernant la corruption endémique et les fortunes rapidement acquises sur fond de détournements des deniers publics – un sport national au Cameroun, pays très souvent « bien » classé dans ce registre par diverses institutions internationales.
Ce n’était pas la première fois que Martinez Zogo avait affaire au pouvoir, à la censure et à la prison (deux mois de détention en 2020). Son émission « Embouteillage » était très écoutée et appréciée, car les Camerounais font le lien entre leurs conditions de vie matérielle, la gabegie de l’État, les petits arrangements entre amis haut placés et les rares possibilités d’exprimer ce qu’ils vivent de manière libre et collective.

Face à la vague d’indignation populaire dans le pays et au sein de la diaspora (1) (en Europe et en Amérique du Nord), le pouvoir s’est senti obligé de réagir rapidement. La police a arrêté plusieurs hommes directement responsables de la mort du journaliste. Parmi eux, un ponte de la gendarmerie, un policier du contre-espionnage et un homme d’affaires très influent propriétaire d’un groupe de médias, Jean-Pierre Amougou Belinga. Celui-ci use allègrement des passe-droits que lui confère sa proximité avec le Président Biya. Mais le pouvoir a également interdit une manifestation à Douala (poumon économique du pays) à la mémoire du journaliste, au prétexte qu’il y avait une enquête en cours et qu’il fallait respecter le temps du deuil et du recueillement.
De toute évidence, cet assassinat orchestré par des dignitaires du régime ne peut avoir été commis sans l’aval politique de quelques ministres -des ministres fusibles- qui sautent selon le bon vouloir de Paul Biya. Depuis quarante ans, il a usé de tous les stratagèmes pour conserver le pouvoir. Les diverses opérations de « renouveau », « renaissance », « nettoyage », « anticorruption » menées par lui à chaque crise ont maintenu le statu quo ; le message qu’elles portaient toujours était que les malheurs de la population camerounaise ne provenaient pas du prince du palais d’Etoudi, mais de ses conseillers malveillants. Ces derniers seront d’autant plus malveillants que la fin du règne approche : tous les prétendants manipulent, intriguent et jouent toutes leurs cartes sur la table, en allant jusqu’à faire taire une voix populaire. La guerre de succession a déjà bel et bien commencé...

Yvan

Note
1. Il y a eu des rassemblements dans divers pays, dont un à Paris, organisé par plusieurs    associations et organisations politiques place du Trocadéro, le 4 février dernier.

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