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Edito 186 Janvier 2009

jeudi 1er janvier 2009, par Courant Alternatif


Début décembre, les urnes de la cogestion sociale ont rendu leur verdict : rien de bien neuf dans le paysage syndical hexagonal, si ce n’est une désaffection croissante des salariés pour les appareils sensés défendre leurs intérêts, marquée par les 25% de participation....

Passé le temps des élections prud’homales, les centrales syndicales peuvent maintenant s’accorder sur « une grande mobilisation unitaire » le 29 janvier, pour la défense de l’emploi public et privé, la protection sociale, les salaires, et les services publics.

Un vaste fourre-tout qui ne mange pas de pain, esquive la question de la grève, et qui masque l’absence de stratégie, de propositions et de perspectives des bureaucrates. A moins que ce ne soit une fois de plus le moyen de désamorcer la multitude de conflits agitant la société française sur le terrain du travail et de l’emploi, de l’éducation, de l’information, de la justice, de la santé, du logement, de l’environnement… ?

Orphelins d’une alternance politicienne indispensable pour canaliser des débordements de la base de plus en plus probables, les directions syndicales n’en finissent pas de simuler une contestation de la politique gouvernementale qu’elles co-gèrent néanmoins, à grands renforts de négociations, entrevues, consultations et autres tractations.

Jouant la carte du dialogue avec les instances responsables et bureaucratiques, le pouvoir ne comprend cependant que l’expression du rapport de force, comme vient encore de nous le rappeler le Ministre de l’Education nationale en reculant face à la déferlante lycéenne de ces dernières semaines. Mais cette fois les lycéens semblent décider à ne pas s’en laisser conter, et pourraient bien tirer quelques autres de leur torpeur résignée : il n’y a rien à négocier sur les marges avec une bande de crapules qui ne renoncera pas à sa politique sur le fond : soumettre toujours plus l’ensemble de la société aux impératifs du capitalisme.

Pour reculer l’échéance d’une telle prise de conscience, on a beaucoup agité ces derniers jours l’épouvantail du syndrome grec. Et il y a effectivement de quoi s’inquiéter pour la clique au pouvoir et celles qui pourraient y prétendre. Car au-delà du caractère spectaculaire et exaltant de l’émeute généralisée, ce qui nous vient du sud de l’Europe, c’est bien la rupture du consensus autour de la démocratie, de la consommation et des possibles aménagements de l’existant.

En Grèce, des pans entiers de la population cessent de croire aux promesses des politiciens, et refusent de se laisser bâillonner par le joug de la répression. De nouvelles structures collectives de lutte émergent, se cherchent, fragiles encore, mais démontrant la méfiance du mouvement social à l’égard des syndicats et des partis, gestionnaires habituels de la compromission et du renoncement, et illustrant le besoin impératif de s’organiser en contre-pouvoirs. Les émeutes, que l’on prétendait réservées aux dictatures pauvres et exotiques, touchent l’Europe et pourraient bien s’étendre en Islande, comme dans d’autres pays où l’on sent monter la contestation sociale, en Italie bien sûr, mais aussi ici.

Pour restreindre les risques de contagion, le pouvoir a recours aux vieilles recettes que sont l’instrumentalisation de la terreur, l’intimidation, et la répression policière.

La baudruche de la menace « ultra-gauche anarcho autonome » a beau s’être dégonflée, Julien et Yildune restent enfermés pour une supposée intentionnalité de nuire aux intérêts de l’Etat, et Jean-Marc Rouillan pour assumer de l’avoir fait. Avis aux contestataires en tout genre : qu’ils mesurent leurs intentions et surveillent leurs propos !

Le coup de Tarnac n’ayant pas eu les effets escomptés, la police débusque dans un grand magasin parisien quelques pétards mouillés déposés par de soi-disant révolutionnaires afghans. Puis c’est à Cap Breton que l’on découvre une bombe « artisanale mais opératoire »... Quand « l’ennemi intérieur » ne suffit pas à attiser les peurs, « le terrorisme international » prend opportunément le relais, Vigipirate est intensifié, et le Ministère de l’Intérieur organise virtuellement un scénario d’attaques à la Bombay simultanément en différents points du pays.

Maniant carotte et bâton, le gouvernement aligne dans le même temps quelques nouveaux milliards, non plus pour les banques ce mois-ci, mais pour vendre des bagnoles et relancer la consommation, puisque, selon le président, « la crise actuelle aura des conséquences dans les mois qui viennent sur la croissance, sur le chômage, sur le pouvoir d’achat ».

L’équation gouvernementale apparaît finalement assez simple : faire croire au plus grand nombre qu’il a encore quelque chose à perdre et que l’Etat veille à l’intérêt général, tout en affirmant que quiconque s’écarte de cette croyance s’expose aux foudres de la répression politique et sociale.

Cela a marché en 2005, le pouvoir parvenant à juguler la révolte des banlieues dans les zones de relégation sociale. Mais depuis, les clivages de classe se sont encore accentués, ébranlant toujours plus le consensus dans la croyance d’une amélioration possible du système par des aménagements via les instances institutionnelles, politiques ou syndicales.

Ainsi, de la survie individuelle et résignée à l’affirmation collective de la rage de vivre, il n’y a parfois qu’un pas, imprévisible et plein de surprises.
C’est alors, au-delà des déclarations de principes et des discours de circonstance, que nous verrons plus précisément où sont les tenants de l’ordre, et les protagonistes du changement, et qui saura choisir son camp !


OCL Nantes & Saint-Nazaire
26 décembre 2008

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