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ÉLÉMENTAIRE : DARCOS TIQUE !

jeudi 1er janvier 2009, par Courant Alternatif

La réforme-dépeçage de l’école élémentaire est engagée. La résistance s’organise à la base tant bien que mal, avec les bureaucrates à la traine... de la résistance, pas de la réforme !


Les horizons de la réforme

Les mesures Darcos constituent de fait une refonte du métier d’enseignant. Pour Darcos l’élémentaire, qui regroupe maternelle et primaire, doit assurer un socle commun, essentiellement maths et français. Les autres apprentissages (danse, musique, arts plastiques, sports,..) devraient progressivement être laissés à des associations agréées intervenant sur le temps périscolaire, (cf encarts).

Officiellement il s’agit d’économiser des sous, en diminuant le nombre des postes d’enseignants - statut garanti, grille salariale,etc-. Allegre, ministre socialiste de l’Education nationale sous Jospin, parlait de « dégraisser le mamouth » ; aujourd’hui Darcos, ex-secrétaire du Club de l’Horloge, suit la voie. Comme par exemple dans l’industrie automobile où les constructeurs ont segmenté les usines en faisant appel à une cascade de sociétés sous-traitantes et des masses d’intérimaires, Darcos saucissonne l’Education Nationale en externalisant certaines tâches, en mettant en concurrence des statuts diversifiés et en multipliant les dispositifs.

Pour séduire les parents - et les enseignants - et les rallier au projet, la réforme Darcos de l’élémentaire s’appuie sur la modification du temps scolaire, avec le samedi matin sans école et en rallongeant les journées des enfants avec du temps périscolaire. Ce qui facilite d’autant l’organisation du temps des parents salariés... mais impose aux enfants des journées de huit heures comme les adultes ! Un autre argument pour rallier l’opinion repose sur un prétendu enseignement individualisé, avec tout un maquis de dispositifs (cf encart) censés adapter la formation à chaque enfant selon ses éventuelles difficultés ou capacités.

Pour appliquer le principe sarkozien du « Travailler Plus pour Gagner Plus », les enseignants se voient « proposer » des heures supplémentaires, le soir ou pendant les congés scolaires, qui pallieront la stagnation du salaire de base. Là-aussi, Darcos vise à favoriser la concurrence et une mentalité individualiste pour affaiblir le corporatisme enseignant et la défense d’un statut et de conditions égalitaires.

Enfin outre la suppression des RASED (cf CA précédent) le ministre veut à terme fermer les écoles maternelles ; selon ses termes, « il n’est pas question de payer des diplômés à Bac+5 pour changer des couches », pas de chance pour Darcos, les enfants ne sont pris en maternelle que lorsqu’ils n’ont plus besoin de couche... Ne le saurait-il pas où ne s’agirait-il pas plutôt d’un travail de sape propre à faire changer l’opinion et faire accepter ses Jardins d’Eveil, entreprises privées où la libre concurrence fera merveille, où la Main Invisible du Marché fixera les prix selon le dogme libéral cher au gouvernement et... selon les revenus des parents. Ce qui éliminera autant de postes d’enseignants des dépenses de l’Etat.

Quelle résistance ?

A l’occasion des différentes manifestations organisées depuis mai 2008, les enseignants du primaire se sont régulièrement et largement mobilisés. Pourtant les bureaucraties syndicales freinent des quatre fers et au lieu d’envisager une action sur la durée pour le retrait de la réforme Darcos, ils se bornent à proposer des journées d’action isolées et inefficaces (11 septembre, 19 octobre, 20 novembre, 18 décembre) qui ne risquent pas d’inquiéter le pouvoir, mais plutôt démontrer que décidément rien ne serait possible, sous l’oeil gourmand des médias aux ordres... Le syndicalisme enseignant n’est pas une exception face aux autres secteurs du syndicalisme, puisqu’actuellement circule une « Lettre aux Etats-Majors syndicaux » à l’initiative de militants syndicaux pour l’action déterminée et unitaire, signée par 4000 militants... mais « on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif », surtout s’il lorgne sur les subventions européennes.

La mobilisation de mai-juin 2003 contre la casse des retraites et son échec cinglant, avec deux mois de grève sans résultat, sont toujours dans les esprits. Mais à la base les écoles cherchent d’autres formes de lutte, avec notamment le renfort de parents face au pouvoir et aux médias, comme en juin 2008 les fameuses « nuits des écoles » . On assiste aujourd’hui à l’amorce d’une « désobéissance pédagogique », rampante ou ouverte.

Certains enseignants écrivent à leurs inspecteurs d’académie pour signifier leur désaccord et leur refus d’appliquer les nouvelles mesures Darcos et les différents fichages(1). Dans les Bouches-du-Rhône, après une « veillée des écoles » une enseignante, Diane Combes s’est vu sanctionnée pour avoir signé la lettre d’A. Refalo ; « (…) Diane Combes se dit militante mais n’est plus syndiquée. Elle rêve que ce « mouvement magnifique » de désobéissance civile débouche sur « une révolution pacifique qui prendrait petit à petit dans tous les autres corps de métier »(2). Pour l’anecdote une pétition demandant l’annulation des mesures Darcos et la démission du ministre, qui regroupait 15 000 signatures, a vu sa base de données et les signatures dégager dans la nuit entre les 14 et le 15 décembre. Le 17 décembre, 150 à 200 enseignants se sont rassemblés mercredi devant l’Inspection académique de l’Hérault à Montpellier tandis qu’une délégation y remettait 383 « lettres de résistance » contre les réformes dans l’Education nationale et de refus d’appliquer l’aide personnalisée (cf encart) avec un ultimatum adressé à l’inspecteur d’académie pour la levée des sanctions contre S. Cazall sous peine d’une grève départementale..

Le mouvement de « désobéissance » essaie de se construire en cherchant des moyens de lutte autres que la grève puisque selon les syndicats « la profession n’est pas disposée à la faire ». Le refus d’appliquer le dispositif d’aide personnalisée appelé aussi « refus des 60 heures » commencent à prendre de l’ampleur au niveau hexagonal et pourrait bien être un levier pour que les enseignants qui se déclarent « en résistance » puissent se faire entendre. Tout se jouera dans leur capacité à ne pas se laisser impressionnés par la répression annoncée : retrait sur salaire et mesures disciplinaires. Dans cette optique les syndicats ont un rôle à jouer même s’ils n’ont soutenu cette action que lorsqu’elle fut déjà mise en place.
Ces initiatives pourraient bien indiquer un véritable ras-le-bol montant de la base soutenue par des parents, que les bureaucrates vont bien sûr combattre ou à défaut tenter de maîtriser. Combattre, le mot n’est pas trop fort puisque dans le Nord, à Douai sinistré économiquement la confédération CGT a carrément exclu toute l’Union Locale, trop peu soumise aux injonctions de la Confédération Européenne des Syndicats .

Au niveau hexagonal une nouvelle grève inter-corporatiste d’une journée est déjà programmée le 29 janvier pour faire baisser la pression et capter les imaginations. Les confédérations ont dû lâcher du lest, en acceptant à contre coeur cet inter-corporatisme ; cette convergence des différentes luttes pourrait politiser les résistances éparses, poser la question sociale dans son entièreté et éclairer alors crûment la collaboration des état-majors syndicaux avec le pouvoir à Paris ou Bruxelles.

La mobilisation lycéenne du 18 décembre qui a vu 125 000 lycéens dans la rue (stats policières) faire un pied de nez à la suspension de la réforme pour en exiger son annulation définitive semble indiquer que la jeunesse va peut-être refuser les palinodies gouvernementales qui bernaient leurs aînés.
Pour le moment les enseignants s’organisent en assemblées générales de secteurs géographiques dans les zones les plus mobilisées et discutent des formes de luttes et initiatives possibles. L’appel à suspendre la mise en place de l’aide individualisée (cf encart) circule ; il est déjà en place dans certaines villes mais reste minoritaire.

OCL- Nantes, le 19 décembre.

NB : les encarts ne sont pas en ligne

Notes :

1) cf blogs Bastien Cazal - http://uneecolepourvictorethugo.hau..., Alain Refalo sur http://desobeissance-pedagogique.org/ , « Appel de directeurs/directrices à la résistance citoyenne contre le fichage d’enfants » signé par 130 enseignants le 30 novembre,...)

2) cf l’article www.rue89.com/marseille/2008/12/16/...)

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