lundi 29 juillet 2013
Le rapport aux institutions, à la gauche politique, aux notables locaux ou nationaux ont toujours fait clivage à l’intérieur des mouvements sociaux. Une action récente de soutien à la ZAD de Notre-Dame des Landes sur le plateau du Larzac montre que les “tous ensemble” unanimistes et de façade ont leurs limites, qu’il existe toujours des associations ou organisations établies et des « personnalités » qui, lorsqu’elles ne visent pas la direction et l’hégémonie sur les mouvements, sont prêtes à se retourner contre la lutte et les intérêts de ceux et celles qui se battent pour aller au-delà de quelques miettes, de quelques strapontins dans les instances de pouvoir ou dans les espaces de gestion des territoires.
La lutte se mène aussi à l’intérieur des mouvements de protestation et de solidarité sur les contenus et l’autonomie de la lutte, les manières d’agir et de s’organiser et les projets de société qui les sous-tendent.
Voici quelques documents d’une action de soutien qui s’est tenu sur le Larzac la semaine dernière lors de la prolongation du bail entre l’État et les historiques de la lutte publicisée par la présence du ministre de l’agriculture Le Foll. L’action en question, organisée par les comités de soutien d’Aveyron à la ZAD met en lumière quelques clivages qui risquent de se répercuter sur la ZAD après l’abandon du projet.
Ces quelques communiqués, récits et articles de presse permettent de comprendre la teneur du clivage en question.
Communiqué des comités de soutien à la ZAD :
LA(R)ZAD PARTOUT !
Jeudi 18 juillet : la route des Baumes bloquée
le Ministre de l’agriculture quitte le Larzac par une porte dérobée.
Nous étions ce jeudi une soixantaine de personnes réunies à 11 heures sur la route menant à la ferme des Baumes (Larzac) où était attendu Monsieur Le Foll, ministre de l’agriculture, pour prolonger le bail de la SCTL (société civile qui gère les terres rachetées par l’État à l’époque du projet d’extension du camp militaire).
Une fois les luxueuses berlines ministérielles passées, nous avons construit une cabane au milieu de la route pour manifester notre soutien à la lutte contre le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Pour atteindre cette route, nous avons dû faire refluer les gendarmes – peu commodes – qui prétendaient nous barrer l’accès.
Sur notre barricade, nous avons affiché nos revendications : nous bloquerons le Ministre tant que celui-ci ne se sera pas prononcé contre le projet d’aéroport.
Car, en effet, si Monsieur Le Foll est favorable à une gestion collective des terres sur le Larzac, comment accepterait-il que 2000 hectares de terres agricoles soient bétonnés en Loire-Atlantique ? Il s’agissait pour nous de mettre face à ses contradictions ce ministre en mal de publicité. Après quelques vains conciliabules des gendarmes et autre élus locaux pour nous demander de lever notre barrage, Monsieur Le Foll a finalement préféré s’enfuir par la petite porte, en l’occurrence, un chemin forestier. Il est d’ailleurs notable que Julien Durand, porte-parole de l’ACIPA (Association Citoyenne Intercommunale des Populations concernées par le projet d’Aéroport de Notre-Dame-des-Landes), était invité à s’entretenir aujourd’hui avec le Ministre, mais que ce dernier n’a pas daigné lui laisser la parole.
Nous continuerons à affirmer notre soutien indéfectible aux ZAD de Notre-Dame-des-Landes et d’ailleurs. Le Larzac restera une terre de résistance à jamais solidaire des autres territoires en lutte !
Pour les comités de soutien à la lutte de Notre-Dame-des-Landes du Larzac, de Millau, de Saint-Affrique et de Rodez.
Pierre MAZARS
Communiqué de la Conf’Aveyron :
*Bonjour à tous,*
Lefoll vient sur le Larzac. Nous, Conf’Aveyron, le rencontrons à cette occasion. Si nous sommes opposés aussi à la politique de ce gouvernement, il nous semble pour le moins déplacé de taper à l’endroit même où une initiative heureuse a lieu, la signature de la prorogation du bail SCTL.
Cette manifestation, publique et médiatisée, est à notre sens un outil dont dès demain les opposants à NDDL pourront user. Et la gestion collective des terres un outil pour après-demain, lorsque le projet d’Ayraultport sera abandonné. Évidemment, lorsqu’on se réjouit de cette signature, on est forcément sensible au problème de NDDL.
Évidemment, la Conf à prévu de faire le parallèle lors de son entrevue avec le ministre, entrevue lors de laquelle elle défendra également sa vision paysanne de l’agriculture, en pleine période de consultation pour l’application de la PAC en France).
Certains opposants à NDDL ont choisi de manifester lors de cette visite. Il est curieux que le lieu qui rassemblera demain des gens tous opposés aux grands projets inutiles, des gens en lutte à NDDL et ailleurs, en soit la cible.
Pour nous la Conf, qui avons défendu, contre la FDSEA furieuse, l’importance de ce sujet qui touche au foncier et à toutes les initiatives paysannes innovantes, mais aussi le maintien d’un temps de discussion et de réflexion sur l’organisation interprofessionnelle de Roquefort, menacée par les chantres du libéralisme européen et national, il serait pour le moins dommageable et contreproductif que Lefoll soit chahuté dans le sud du département et sur du velours chez les ultra productivistes pro-Ayraultport de la fédé.
Merci d’essayer de nous entendre
*Laurent Reversat, Francis Enjalbert **
**Portes-parole**
**Confédération Paysanne Aveyron*
Article de Midi Libre
Larzac : Manifester ou pas ? Divergences sur le plateau
MATHIEU LAGOUANÈRE
20/07/2013, 06 h 00Si la prolongation du bail accordée à la Société civile des Terres du Larzac ravissait tout le monde, jeudi, sur le plateau du Larzac, certains ont voulu manifester leur mécontentement à l’encontre du projet d’aéroport sur le site de Notre-Dame-des-Landes.
Qui l’eût cru ? Qui aurait imaginé voir un jour Pierre Burguière et Léon Maillé, figures emblématiques de la lutte du Larzac, pousser aux côtés des gendarmes, face à des manifestants opposés au bétonnage de terres agricoles ? C’est pourtant cette scène inattendue qui s’est jouée, jeudi, en parallèle à la visite du ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll, venu prolonger le bail accordé par l’État à la Société civile des Terres du Larzac (SCTL). Explications.
Contre l’avis de la plupart des membres de la SCTL et de la Confédération paysanne, les comités Zad (pour Zone à défendre) aveyronnais ont tenu à se rassembler sur le plateau pour demander à Le Foll de "prendre publiquement position contre le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes", près de Nantes. Peu de chance qu’il y consente.
Mais vers 11 h 30, ils sont une cinquantaine, visages masqués pour certains, à laisser le cortège ministériel s’engager vers la ferme des Baumes avant d’envahir la seule route qui y mène. Pour cela, les manifestants feintent la poignée de gendarmes massés au carrefour en coupant à travers champ avant de forcer le passage face aux militaires, façon mêlée de rugby, pour prendre possession du bitume. Quelques vrombissements de visseuse électrique plus tard, une cabane est debout. Et des grosses pierres placées en travers de la route. Fini : on ne passe plus.
"Si on commence par “agresser” les gens, ils se braquent"
"Signer la prolongation du bail de la SCTL, c’est super, on est tous d’accord là-dessus et personne ne veut l’empêcher, martèle Christine Thelen. Mais on est là pour tout ce qui se passe ailleurs, pour dire qu’il faut protéger les terres agricoles. Des Zones à défendre, il y en a partout en France !" Une revendication "de manière militante" assumée. Au grand dam de certains historiques de la lutte du Larzac, donc.
Plus d’une heure avant l’arrivée programmée du ministre, Pierre Burguière est déjà venu à la rencontre des manifestants, pour leur faire savoir son désaccord. "Il fallait réclamer un entretien au lieu de chercher à le bloquer, explique l’ancien paysan. Si on commence par “agresser” les gens, ils se braquent et plus aucun dialogue n’est possible. Il faut savoir ce qu’on veut. La lutte nous a appris à faire des compromis. Mais là, il s’agit peut-être d’un conflit de générations."
"Un non-événement" selon José Bové
Julien Durand, porte-parole de l’Acipa (Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes) est présent lors de la signature du bail. S’il n’a pas pu prendre la parole publiquement, il se serait entretenu en privé avec le ministre, selon José Bové. "Le représentant de Notre-Dame-des-Landes était là, il ne faut pas être plus royaliste que le roi", lance le député européen. Et la manifestation alors ? "Par rapport à la signature du bail, c’est un non-événement, tranche Bové. Mais ce n’est pas très correct."
Pour réussir à quitter la ferme des Baumes, le cortège ministériel a été contraint d’emprunter un petit chemin de terre en direction du Cun. "Monsieur Le Foll a préféré s’enfuir par la petite porte", constate Pierre Mazars, porte-parole de comités Zad qui se sont dispersés dans le calme. Oui au bail, non à l’aéroport : sur le Larzac hier matin, tout le monde était d’accord sur le fond. Mais les divergences de vue sur la forme, qui divisent les militants, risquent de faire longtemps sujet de débat.