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collectif de détenus de Fleury-Mérogis

vendredi 26 janvier 2018

Le conflit des matons relayé dans les médias depuis plusieurs
jours cache la réalité de la vie carcérale. Un communiqué de
détenus de la maison d’arrêt de Fleury Mérogis, nous ramène à une
autre réalité.

Nous, prisonniers, condamnés ou prévenus, enfermés à la
maison d’arrêt de Fleury Mérogis, lançons un appel contre la
conquête sécuritaire qui se joue en ce moment à travers les
mobilisations des surveillants de prison dans toute la
France. Cet appel vise également à construire une force
collective entre les détenus en lutte et à l’extérieur.
Depuis plusieurs jours, des surveillants de prisons bloquent
les entrées des maisons d’arrêt, centrales et centres de
détention du territoire français.

Ici, à Fleury Mérogis, l’établissement est régulièrement
paralysé depuis le début de semaine par plusieurs dizaines
de surveillants, empêchant les parloirs avec nos familles,
parfois venues de loin, empêchant les extractions dans le
cadre des procédures judiciaires (bloquant les aménagements
de peine), l’entrée des avocats, les cantines, les cuisine,
le nettoyage et toutes les activités dédiées à la prétendue
« réinsertion »
Leurs revendications sont simples, ils réclament plus de
moyens et plus de sécurité pour le personnel pénitencier, ce
qui se traduit concrètement par un armement généralisé des
surveillants, l’imposition de menottes aux détenus lors de
leurs déplacements hors des cellules, et des restrictions
conséquentes de nos libertés et de nos droits, pour le peu
qu’il en reste.

Leur mouvement fait suite à diverses manifestations
supposées de violence depuis quelques temps, qui, si elles
existent, ne sont que des actes isolés, bien souvent en
réponse à une violence bien plus importante de l’institution
carcérale et de l’État en général. Depuis une semaine, nous
assistons à une surmédiatisation d’événements sporadiques et
minimes sur toutes les chaînes de télévision, sur fonds
d’antiterrorisme.

Une insulte devient une agression, une bousculade un passage
à tabac et un retard en cellule une mutinerie. Et nous
voyons ainsi défiler ces mensonges sur BFM depuis le
week-end dernier. Les surveillants et leur syndicat,
interviewés par les médias, ont présenté la prison comme un
« sanctuaire de criminels » où les détenus avaient « pris le pouvoir »
dans des zones totalement abandonnées par les pouvoirs
publics. Mais cette stratégie de désinformation ne s’arrête
pas là et se couple à des actions bien réelles à l’encontre
des détenus.

Ce jeudi 18 janvier au matin, alors que tous les parloirs
avaient été annulés, que les activités n’avaient pas lieu et
que nous étions séquestrés en cellule, sans information et
sans même avoir été nourris, l’administration a finalement
décidé, en réponse aux mobilisations de leur personnel, de
lancer une nouvelle entreprise de terreur comme on n’en voit
qu’en prison à l’encontre des détenus, et alors que rien ne
s’était encore passé.

Vers 11h, plusieurs dizaines de surveillants et d’Eris,
armés, cagoulés et prêts à intervenir étaient déployés dans
toute la prison. Alors que les départs en promenade se
faisaient sous pression, ponctués de coups de matraque et de
bouclier, de fouille à nu arbitraires et d’insultes
diverses, nous avons décidé de nous organiser contre ces
violences gratuites, exercées pour satisfaire des
surveillants en mal de reconnaissance. Sur le bâtiment D2,
nous étions plus d’une centaine à refuser de réintégrer nos
cellules à l’appel de fin de promenade, qui avait été
réduite à 45 minutes au lieu des deux heures quotidiennes.
Sur le bâtiment D1, c’est cette fois l’administration qui
nous enfermait plus de 4h en promenade, pour prévenir un
risque de blocage et en profiter pour fouiller une bonne
partie des cellules. Dans les autres bâtiments, nous
tentions plusieurs blocages, la plupart mis en échec par
l’intervention violente des Eris.

À travers ces blocages, nous voulons exprimer notre droit à
manifester, qui nous a été arraché lors de notre
incarcération et nous voulons lancer un message vers
l’extérieur, contre ce qui se joue en ce moment devant les
prisons françaises : l’invisibilisation des violences
quotidiennes à l’encontre des détenus – insultes régulières,
coups, pressions administratives, les suicides réguliers,
les piqûres forcées, les cellules en flammes comme à Fresnes
il y a quelques jours, et même les viols, comme à la MAF ou
à Meaux il y a quelques mois. Mais également, la stratégie
des surveillants qui rappelle celle des policiers qui
manifestaient illégalement, masqués et armés, en direction
des lieux de pouvoir à l’automne 2016 au cri de « la racaille en prison ! »,
pour réclamer et finalement obtenir un nouveau permis de
tuer.

À travers ces actes de résistance collective, nous nous
mobilisons contre cette répression grandissante et contre
l’entreprise sécuritaire de l’État pénal. Mais pour ce
faire, nous avons besoin de construire une force collective,
et que nos luttes soient entendues et relayées à
l’extérieur. La violence, la vraie, elle est du côté de la
prison, de la justice et de la police, qui frappent,
séquestrent et légitiment ces exactions. La violence, c’est
l’État.

Nous ne sommes pas des bêtes, nous sommes des êtres humains,
et nous refusons d’être enfermés et renvoyés à des faits qui
feraient de nous des parias, sans droits et sans dignité.
Nous en appelons aujourd’hui à toutes celles et tous ceux
qui, à l’extérieur, luttent contre les violences d’État. Nos
mobilisations sont vaines si nous ne sommes pas soutenus et
si les acteurs des luttes actuelles ne se font pas écho de
nos combats. En effet, nous payons le prix fort de ces
blocages, la vengeance de l’administration est terrible,
plusieurs personnes ont d’ores et déjà été envoyées au
mitard, le quartier disciplinaire, et nous savons tous que
nos conditions de détention seront rendues encore plus
difficiles, du seul fait d’avoir refusé ces injustices. Par
ailleurs, nous avons besoin que des mobilisations fortes
appuient nos mouvements, car l’administration sait qu’elle a
les moyens de nous faire taire, en chargeant nos dossiers en
vue de nos procès à venir ou en refusant nos aménagements de
peine.

Ce texte ne s’adresse ni aux institutions, ni aux défenseurs
des soit-disant droits de l’homme et des politiques
traditionnelles car à nos yeux, il n’existe pas de prisons « plus justes ».
C’est un appel à toutes celles et tous ceux qui, au
printemps 2016, se sont soulevés contre la loi travail ; car nous aussi, nous sommes les
premières victimes d’une précarisation massive qui nous a
contraint à choisir entre la misère et la prison. C’est un
appel à celles et ceux qui luttent contre le racisme, car
nous aussi sommes les premières cibles d’un racisme d’État
qui enferme toujours les mêmes personnes, des jeunes non
blancs, parqués dans les prisons françaises. C’est un appel
à celles et ceux qui luttent contre les violences
policières, car nous sommes ceux qui subissent depuis
toujours les violences des forces de police et nous sommes
ceux qui se lèvent toujours lorsqu’un de nos frères tombe
sous les coups ou sous les balles des forces de l’ordre.

Mobilisons-nous, à l’intérieur comme à l’extérieur des
prisons. Construisons une vraie force contre la répression
en bloquant et en perturbant les institutions répressives et
les politiques sécuritaires. Brisons le silence de la
prison, et brisons les chaînes qu’elle nous impose.

Liberté pour toutes et tous.

Un collectif de détenus incarcérés à la maison d’arrêt
des hommes de Fleury Mérogis.

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