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Andalousie

[État espagnol] Occupations, expropriations…

mardi 7 août 2012, par ocl2446

L’occupation du domaine agricole de Las Turquillas continue, tandis que le Syndicat andalou des travailleurs (SAT) multiplie les mobilisations et les actions directes contre les coupes sociales et les conséquences de la crise… y compris en "expropriant" de la nourriture dans des supermarchés.


« La terre pour celui qui la travaille » : l'occupation de Las Turquillas

Le 4 août, le Syndicat andalou des travailleurs (SAT) a fait savoir qu’il avait reçu une notification de la Fiscalía General del Estado (parquet général de l’État) qu’une plainte a été déposée par le ministère de la Défense, propriétaire du domaine de Las Turquillas (Osuna, province de Séville) d’une surface de 1200 ha (dont seulement 20 sont utilisés par l’armée pour la reproduction et l’élevage de chevaux), exigeant l’expulsion des occupants, principalement des journaliers au chômage, ayant pris possession des lieux le 24 juillet dernier (voir : Occupation de terres : Bis repetita ! )

Interview de Núñez, un des porte-paroles des journaliers qui occupent la finca de Las Turquillas, propriété de l’armée

Dimanche 05/08/2012

Dans la matinée du dimanche 5 août, l’équipe d’Alasbarricadas.org s’est rendue à la finca de Las Turquillas, propriété de l’armée de terre qui est occupée depuis quelques jours par un groupe de journaliers. Nous avons pu discuter avec Núñez, un des porte-paroles des occupants. Nous vous présentons cette courte interview. De là où nous nous trouvons, nous souhaitons le meilleur à ce groupe de journaliers courageux qui n’ont peur ni du travail, ni de la chaleur, ni de l’autorité.

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Comment tout a commencé ?

Cela fait 10 ans que nous occupons cette propriété. Pas de façon permanente, mais nous en avons déjà faites un certain nombre symboliquement, dont une ici de trois jours au mois de mai, etc. En fin de compte nous nous battons-nous depuis 10 ans pour cette finca, mais maintenant nous le faisons de manière permanente et non-symbolique.

Vous fonctionnez de façon autonome ou est-ce le SAT qui définit la stratégie ? Peut-on participer à l’occupation sans être du SAT ?

La lutte pour la terre en Andalousie est une revendication du peuple andalou, ce n’est donc pas quelque chose qui soit exclusivement du SAT, et c’est pourquoi ceux qui participent à cette lutte ne sont pas seulement des gens du syndicat. De fait, vous avez vu qu’ici il y a des gens d’autres syndicats, comme un compagnon de la CGT [Syndicat alternatif de références anarcho-syndicalistes] qui est en plus dans le projet ; nous ne pratiquons pas le sectarisme des sigles. Il faut également noter que, bien qu’il s’agit de l’occupation d’une ferme, ce projet est très lié à ce qu’est le monde rural, pas seulement l’agriculture, le projet va plus loin, c’est un projet de tourisme rural, et aussi d’agro-industrie, une ferme-école, etc., c’est en définitive un projet beaucoup plus global et intégré dans la région qu’une simple occupation agricole.

La campagne andalouse a été un fief de l’anarchisme à la fin du XIXème siècle et au début du XXe. Est-ce cette occupation a quelque chose à voir avec cette tradition ?

Les Andalous, nous sommes un peu anarchistes, peut-être que cela tient du climat, peut-être est-ce notre idiosyncrasie... nous sommes très critiques vis-à-vis des partis qui nous dirigent. Dans cette région, depuis 30 ans, il y a un combat très important contre les partis, contre les manipulations, contre le dirigisme. C’est la réalité andalouse qui fait se développer ce genre de lutte. Si elle était historiquement de la CNT, maintenant du SOC [Syndicat des Ouvriers de la Campagne, à l’origine de la création du SAT] nous ne savons pas comment cette lutte s’appellera dans 30 ans. Mais tant que les revendications sur la question de la terre en Andalousie demeurent non résolues…, c’est là la clé de la transformation de la société.

Comment vous organisez-vous au jour le jour ?

Nous avons une assemblée quotidienne. Nous travaillons également 4 heures par jour. En fin de compte, nous sommes occupés la journée de 7 h du matin à 1 h du matin.

Que pensez-vous de l’invitation du maire du PP [droite] d’occuper les terres dans la municipalité ?

Nous avons déjà eu une réunion avec ce maire, dans le sens où nous recueillons la proposition et nous allons voir le degré d’implication qu’il veut assumer.

Pensez-vous que le phénomène de l’occupation des terres peut s’étendre à d’autres régions de l’Andalousie ? Et dans d’autres régions en dehors de l’Andalousie ?

Nous pensons que maintenant le moment est venu, après le ralentissement du secteur de la construction. Avec le boom de la construction, les gens ont cessé de regarder la terre comme une alternative économique viable, mais aujourd’hui, plus submergés que jamais par les courriers, les factures, la TVA., les gens peuvent voir de manière attrayante cette alternative à la crise

Pensez-vous que les gens vont s’établir pour vivre, ou simplement pour travailler ?

En principe, resteront sur place les gens qui vont maintenir les installations de tourisme rural et la ferme-école ainsi que les personnes venant d’autres parties de l’État espagnol pour prêter main forte pendant quelques jours

Source : "La tierra pal que la trabaja" : Ocupación de Las Turquillas

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Quelques chiffres pour comprendre l’enjeu de ce type de luttes.

La population andalouse est de 8.424.102 habitants selon des données de 2011, dont plus de 50% habitent en milieu rural (cela inclut les petites villes). Pour l’ensemble de la Communauté autonome d’Andalousie, le chômage atteint les 34% de la population en âge de travailler (contre 25% en moyenne dans l’État espagnol). Dans les comarcas des zones rurales où se trouve les fincas occupées de Las Turquillas (Séville) ou Somonte (Córdoba), le taux de chômage dépasse les 40 ou même 50%.

Concernant la propriété foncière, 55% des 8 millions d’hectares de terres cultivées ou exploitées sont aux mains de 2% de propriétaires, une concentration de la terre plus importante que dans les années 30 ! Ce sont eux qui reçoivent en outre l’essentiel des subventions de l’Union européenne (de la PAC, Politique agricole commune). Les institutions « publiques » (Communauté autonome ou État fédéral espagnol) possèdent de nombreuses propriétés, généralement laissées en friches, à l’abandon. La finca de Somonte fait partie d’un lot de 15 000 hectares que la Junta d’Andalousie souhaitait mettre en vente pour 75 millions d’euros…

Selon Diego Cañamero, leader du SAT dans une interview en février dernier, « il y a 513 000 ouvriers agricoles en Andalousie et seul 1 % de ces ouvriers ont un contrat en bonne et due forme » (Le Journal du Pays Basque, 25/02/2012). Le SOC-SAT (Syndicat des ouvriers agricoles) revendique 20 000 affiliés dans les huit provinces qui composent l’Andalousie.

Rappelons qu’au cours des 30 dernières années (depuis 1982), l’État espagnol a été gouverné par le PSOE pendant 21 ans, de 1982 à 1996, puis de 2004 à 2011. En Andalousie, la Junta est dirigée sans discontinuer par le PSOE (en alliance avec le PC) depuis les premières élections qui remontent à 1978.


Le SAT "exproprie" des biens de première nécessité dans deux supermarchés

Le Syndicat Andalou des Travailleurs (SAT) avait annoncé des actions et ‟propositions” surprises pour ce mardi 7 août dans les régions de Cadix et Séville. Il a tenu promesse.

Mardi 7 août

A l’appel du SAT, plusieurs centaines de personnes ont occupé ce mardi matin l’hypermarché Carrefour de Arcos de la Frontera (province de Cadix) pour protester contre le chômage et la situation économique de l’Andalousie, en particulier, la région de la Sierra de Cadix.

La manifestation a consisté à "exproprier" des articles et aliments de première nécessité « pour que les gens puissent manger » comme l’a expliqué le porte-parole national du SAT, Diego Cañamero, qui se trouvait à la tête de la manifestation.

Cañamero a ajouté que la situation actuelle est « très dure » pour de nombreuses familles. « Il y a des files d’attente aux portes des Services sociaux des mairies, à Cáritas [équivalent du Secours catholique]... Les gens n’ont pas d’argent pour payer leur maison, ni l’électricité, ni eau. Il y a des personnes endettées dans les villes et les villages et de nombreuses familles ont l’eau coupée. C’est pour cela que nous sommes venus faire cette proposition. »

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L’idée était de s’approprier une vingtaine de charriots et les amener dans diverses banques alimentaires du canton. Mais, à l’arrivée de la police, une quarantaine de manifestants se sont retrouvés pris au piège derrière les caisses. Carrefour a envoyé un directeur régional depuis Séville pour mener une négociation qui durera quatre heures. Au total et au terme d’un « accord » en bonne et due forme, les manifestants du SAT ont obtenu 12 chariots remplis de denrées alimentaires de base (lait, œufs, sucre, légumes, pâtes, riz…) qu’ils répartiront entre les communes d’Espera, Puerto Serrano et Bornos. Cette ‟donation” (selon le terme utilisé par Carrefour) se fera mercredi matin.

Malgré la tension et le blocage des manifestants par les forces de police, la protestation s’est faite sans incident.

Pour sa part, Pedro Romero, maire d’Espera et membre du SAT a souligné que « nous ne sommes pas disposés à accepter que cette situation se poursuive. » Le gouvernement doit connaître la situation du peuple a-t-il ajouté, parce que « on sauve les banques, on parle maintenant de sauver l’Espagne et cela se fait au préjudice des travailleurs. »

Succès de l’opération à Écija

Le SAT a mené le même type d’action à Écija (province de Séville) dans un supermarché Mercadona. Sur place, les 200 manifestants ont pu compter avec la présence de Juan Manuel Sánchez Gordillo, le maire de Marinaleda et militant du SAT. « Nous voulons exproprier les articles de première nécessité » a expliqué Sánchez Gordillo à l’agence Europa Press. D’après lui, l’action a été « très rapide », une dizaine de charriots ont été emmenés sans être interceptés par la police parce que celle-ci « était divertie par un groupe de compañeros que nous avions disposé pour distraire leur attention ».
La trentaine de personnes ayant pris les charriots ont donc pu sortir sans être inquiétés. Les biens alimentaires des charriots ont été transférés dans une camionnette et la nourriture est partie en direction d’une « cantine sociale » et une banque alimentaire de Séville.

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Sánchez Gordillo a souligné qu’il s’agissait « de produits de première nécessité comme du lait, de la farine, des œufs, de l’huile, de riz ou des haricots » et a clairement fait savoir qu’« en cette période de crise, où les gens sont expropriés, nous voulons exproprier les expropriateurs que sont les propriétaires terriens, les banques et les supermarchés, qui gagnent de l’argent pendant la crise économique. »

La direction de la chaîne Mercadona a annoncé qu’elle allait porter plainte pour le vol de 9 charriots de nourriture et les "agressions légères" contre les employés.

Les 26 juillet dernier, les militants du SAT avaient occupé une vingtaines de locaux des Services andalou de l’emploi (le Pôle emploi de la Communauté autonome).
Le SAT annonce pour le 16 août le départ d’une marche à travers l’Andalousie, depuis les zones rurales vers les villes.

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