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Courant Alternatif 242, été 2014

L’été sera chaud dans les hostos !

jeudi 14 août 2014, par ocl-lyon

Depuis un an que l’EPSM(1) de Caen est en lutte contre un plan de redressement financier, celle-ci est devenue un symbole de la résistance aux politiques de restriction imposées par les différent-es ministres de la santé, pour faire payer aux hospitaliers la pénurie de moyens, et maintenant du refus de la criminalisation de l’action syndicale.


Ils ne pensent qu'aux sous, nous ne pensons qu'aux soins...

Ce n’est que grâce aux efforts consentis quotidiennement par les hospitaliers, que les hôpitaux continuent à fonctionner. Partout la même dégradation des conditions de travail (baisse des RTT, glissement de tâches, diminution d’effectifs, travail en 12h...), déqualification des personnels, remisés au rang de simple variable d’ajustement budgétaire. La qualité des soins, est reléguée au négligeable, face au rouleau compresseur totalitaire des protocoles et du process qualité. Pas question d’humanité, mais de rentabilité ! 
Mais pour les ARS(2) et les directeurs d’hôpitaux, qui se rêvent chefs d’entreprise, plus soucieux de la politique du chiffre que du soin : « Il y a encore de la viande sur l’os ». Ce qu’il reste à gratter ce sont les « avantages acquis », pointés par le Gouvernement, la Cour des Comptes, et la Fédération Hospitalière de France, comme une survivance illégitime d’une époque révolue.

Un mouvement qui doit s'étendre pour gagner

Face à cette attaque frontale, les hôpitaux en lutte sont nombreux (Sarlat, Angers, Beauvais, Digne, Sète, Saint-Avé, St Jean d’Angely, Marseille, Plaisir-Grignon, Korian, Maison Blanche à Paris, Guillaume Régnier à Rennes, Paul Guiraud à Villejuif, EPSM à Caen, CHUM en Martinique...) et chaque jour de nouvelles mobilisations voient le jour partout en France. Malgré la révolte qui gronde, les revendications des hospitaliers restent peu visibles. C’est fort de ce constat que les salariés et les organisations syndicales CGT et SUD de l’EPSM de Caen ont été à l’initiative d’une première Assemblée Générale des hôpitaux en lutte, le 4 avril à Caen. Cette première AG qui a réuni des représentants de plus de quarante hôpitaux a permis la rédaction d’un appel (voir CA n°240 Mai 2014) et a affirmé la nécessité d’actions coordonnées.
Le mouvement se construit  : Deuxième AG le 22 Mai à Nanterre, 57 établissements présents, des militants syndiqués à la CGT, SUD, la CNI(3), l’UFAS(4)... ou non syndiqués, décident de passer à l’offensive. Cela s’est concrétisé par « l’appel de Nanterre », où il est notamment décidé d’une mobilisation nationale à Caen le 18 juin, en soutien à L’EPSM de Caen. En effet, après avoir, le 19 décembre 2013, fait intervenir la police contre les hospitaliers qui occupait la porte de l’hôpital, le directeur attaque les syndicats au tribunal administratif. SUD et la CGT ont été condamnés, le 30 avril, à 1000 euros d’amende chacun, pour avoir empêcher par deux fois le CTE et le CHSCT de se réunir. De plus, toute personne qui empêcherait de « quelque manière que ce soit » la tenue des instances risque une amende de 500 € par jour.
Le 18 juin, quelques 600 hospitaliers, venus en bus de Bretagne et Paris et de toute la France, malgré la grève à la SNCF, soutenus par SUD, la CGT, la FSU et l’UFAS(4) ont manifesté dans les rues de Caen. Partie de l’EPSM, cette manifestation haute en couleur et très combative, s’est rendue à la préfecture où une délégation a été reçue. Elle a porté une motion demandant au ministère de la santé de ne pas minimiser la colère des hospitaliers, déplorant la judiciarisation et criminalisation de leurs actions et exigeant l’abrogation de la dette des hôpitaux et l’arrêt de la suppression de postes.
Pendant le pique nique sur les pelouses de la préfecture, les différents hôpitaux présents ainsi que les syndicats et les intermittents du spectacle ont pris la parole.
L’après-midi, les 200 personnes présentes à l’assemblée générale ont choisi de s’appeler « Convergence des hôpitaux en lutte contre l’Hôstérité », un logo est en cours de réalisation pour identifier le mouvement partout en France.
L’AG a décidé la création d’un comité de liaison chargé d’assurer l’information sur les luttes en cours et la coordination, cet été, d’actions tournées vers la population, les usagers et l’ensemble des hospitaliers, un jeudi tous les 15 jours, avec un premier temps fort le 3 juillet. Elle souhaite des « convergences » avec les établissements du social et du médico-social et les comités de défense des hôpitaux de proximité représentés à l’AG.
Une mobilisation nationale devant le ministère de la santé le 23 septembre, sera la prochaine étape. C’est trois semaines avant les débats sur le Plan de financement de la Sécurité Sociale, qui déterminera les moyens alloués au secteur sanitaire et médico-social privé et public, pour l’année suivante.



Répression patronale.

Pour imposer les restrictions budgétaires les directions attaquent les acquis sociaux et la qualité des soins. Une guerre d’usure contre les militants et les attaques au porte-monnaie vise à museler les personnels en lutte et les organisations syndicales. Ce patronat de choc du service public dispose de tout un arsenal juridique et disciplinaire pour faire taire toute forme de contestation organisée : saisine des tribunaux administratifs, mises à pied, assignations en référé, accusations de diffamation, sanctions...
Quelques exemples : à l’hôpital psychiatrique Paul Guiraud de Villejuif, les syndicats sont assignés pour occupation de locaux ; à Arcachon, une militante est sanctionnée par l’administration pour avoir dénoncé lors d’une réunion publique, la dégradation des soins dans son hôpital ; à Montauban, les syndicats de l’hôpital assignés pour avoir retenu le conseil de surveillance ; à l’EPSM de Caen, Sud et Cgt sont condamnés au Tribunal Administratif pour empêchement de tenue d’instance et menacés de 500 € d’amende par manifestant ; à Talence des grévistes sont assignés pour nuisance sonore...
Dans le social et le médico-social : à l’ANRAS (association du médico social) en Midi Pyrénées, poursuite en diffamation des délégués centraux d’entreprise  ; à la Fédération des Œuvres Laïques de Haute Savoie, licenciement du délégué syndical SUD et enquêtes sur les militants, par un détective privé.
Seule une riposte massive et unitaire coordonnée des établissements en lutte est capable de mettre un terme à la criminalisation des actions revendicatives.

Tentatives de coordination des luttes

A Caen le 18 juin, ce sont toutes les organisations syndicales qui étaient appelées à manifester contre les menaces d’attenter aux libertés fondamentales de manifester et de faire grève. Seules la FSU, la CGT et Solidaires étaient présents.
Une tentative de 3 cortèges, intermittents, cheminots, hospitaliers se rejoignant à la préfecture, n’a pu se réaliser. Les intermittents ont participé à la manifestation. Des usagers organisaient en même temps, un rassemblement en soutien à la grève des cheminots, ils nous ont rejoint à la préfecture.
Le 19 juin à la gare Montparnasse, une délégation d’hospitaliers est venue manifester en soutien à la grève des cheminots et leur a remis une motion décidée la veille à l’AG de Caen des Hôpitaux en lutte contre l’Hôstérité.
A Caen, la Koordination des Intermittents du Calvados occupent une place jusqu’à fin juin et organise une marche des 507 km. La KIC appelle les intermitent-e-s, intérimaires, chômeur-euse-s, expulsé-e-s, cheminot-e-s, salarié-e-s de l’EPSM, de Caen et sa région, en proie aux mêmes politiques anti-sociales, à se coordonner pour ne pas subir sans rien faire.

Du coté des syndicats

La situation est différente suivant les hôpitaux, mais dans la plupart ce sont des intersyndicales CGT/SUD qui sont à l’initiative des luttes, où une seule de ces organisations. Si la fédération Sud Santé Sociaux a soutenu dès le début cette convergence des hôpitaux en lutte, la CGT nationale a peu de gout pour les coordinations qui risquent de la dépasser. Ainsi, bien que de nombreux syndicats CGT des hôpitaux participent de façon active à cette convergence, leur fédération a manifesté son désaccord dès la première AG du 4 Avril Caen, évoquant la difficulté à mobiliser et nous conviant à une grande manifestation de la CGT.. en septembre. Le 18 juin, la CGT Nationale a appelé à une mobilisation avec piquet de grève dans chaque hôpital, alors que leur syndicats de base rejoignaient la manifestation nationale à Caen.
Dans certains endroits les mobilisations sont soutenues par FO, voire la CFDT. Il n’y a guère que le CHU de Caen qui a récemment réussi à mettre les sigles CFDT, CFTC, CGT, FO, SUD, UNSA, en haut d’un appel à la grève, que la plupart souhaitait sans lendemain.
La CFDT a depuis longtemps montré sa collaboration avec les directeurs d’hôpitaux. A l’EPSM de Caen après avoir participé à la mobilisation de juin 2013, la CFDT a négocié, en catimini, pendant l’été avec la direction, prête à lui lâcher des miettes. Depuis, la CFDT n’a eu de cesse de critiquer la lutte et les organisations syndicales irresponsables qui ne faisaient qu’accroître le déficit de l’hôpital. A Paul Guiraud à Villejuif, les militants CFDT ont été sommé de quitter l’intersyndicale qui mène une grève dure avec occupation des locaux de la direction et la cour d’honneur depuis le 2 juin. La section syndicale a quitté massivement la CFDT et continue la lutte.

Des directeurs bien soutenus : Le Syncass-CFDT(5) met en cause le fait que la Direction Générale de l’Offre de Soins ait reçu, le 17 juin, l’intersyndicale de Paul-Guiraud, qualifiée de « syndicats agissant dans l’illégalité ». Il réitère son soutien à la direction de l’établissement et « déplore que l’attitude ministérielle n’assure pas le respect de la fonction de directeur ».
Le CH-FO (cadres hospitaliers) assure, qu’il « veillera à ce que les autorités ne laissent pas ’seules au front’ les équipes qui, à la direction des établissements, mènent les réformes difficiles indispensables à maintenir la qualité et l’efficience des hôpitaux français, alors que les budgets sont à la traîne ».
De son coté, le Syndicat des manageurs publics de santé (SMPS) exprime, « sa vive préoccupation devant la situation très difficile vécue par l’équipe de direction » de Paul Guiraud. « Devant cette situation, exemplaire de la difficulté croissante des directeurs à mener un dialogue social serein dans un contexte de forte contrainte budgétaire alors que la règle de droit leur donne raison, le SMPS rappelle son attachement au respect, au dialogue et à la responsabilité quels que soient les enjeux. Il réaffirme - et réaffirmera - sa solidarité totale avec toutes les équipes de direction qui subissent des pressions physiques et morales dans l’exercice de leur difficile mission ».

Seule la lutte paiera !

Le bras de fer engagé entre les directions d’hôpitaux (soutenus par les ARS, le gouvernement et certaines confédés syndicales) et les personnels en lutte, ne verra son issue que dans une mobilisation nationale obligeant le ministère de la santé a augmenter les dotations financières aux établissement. L’heure est à l’action dans chaque hôpital le 3 juillet, puis tous les 15 jours pendant l’été. La détermination des hospitaliers de plusieurs hopitaux a empêché de nombreux plan « de modernisation » d’être déjà effectifs. Et c’est déjà une victoire !

Psych’O, Caen le 29/06/2014

lien : page facebook des hôpitaux en lutte

(1) EPSM : Établissement Public de Santé Mentale = hôpitaux psychiatriques

(2) ARS : Agence Régionale de Santé

(3) CNI : Coordination Nationale Infirmière

(4) UFAS Union fédérale autonome santé (affiliée à l’UNSA) présente sur 7 départements

(5) Syncass-CFDT : Syndicat national des directeurs, cadres, médecins, chirurgiens-dentistes et pharmaciens des établissements sanitaires et sociaux publics et privés-CFDT

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3 Messages

  • L’été sera chaud dans les hostos !

    14 août 2014 12:49, par Miche Fouco

    La santé nécessaire à l’exploitation de la force de travail est sauve ! Merci les hôpitaux en lutte ! Merci pour votre rôle de flic reproducteur de la force de travail ! Hôpitaux en lutte = comicos !

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    • Ouais, c’est ça, la santé est nécessaire à l’exploitation des travailleurs...

      C’est sûr qu’il vaut mieux qu’ils crèvent, qu’il ne soient pas soignés... , c’est sûr que ça va attaquer le capital !

      Comme le logement aussi : plus les prolos ont du confort, moins ils sont révolutionnaires, c’est ça ?

      Vive les taudis insalubres, les maladies soignées seulement pour les riches !

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      • L’été sera chaud dans les hostos ! 20 août 2014 11:10, par Miche Fouco

        Pas de santé pas d’exploitation, pas d’exploitation pas de santé. Donc oui la médecine est une nécessité au maintien de l’ordre capitaliste, tant sur le plan matériel (capital fixe) que sur le plan idéologique (idéologie de la santé, morale du bien-être, prophylaxie sociale etc.)

        Tous les dispositifs du capital doivent être attaqués, la médecine et son pouvoir n’y échapperont pas. Tout est doit être critiqué, TOUT ! N’en déplaise aux cocolibs gardiens de l’ordre économico-légal et moral bourgeois !

        http://1libertaire.free.fr/MFoucaul...

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