mercredi 11 avril 2007, par
Quelle est la différence entre Nicolas Sarkozy et Segolène Royal ? Ils payent tous les deux l’impôt sur la fortune, mais l’un paye son billet de train tandis que l’autre, son billet de train elle paye. Tout comme certainement François Bayrou et Jean-Marie Le Pen l’ont toujours fait. Décidément, nous ne sommes pas du même monde ! Les preuves abondent chaque jour.
La France risquait de s’ennuyer. Les compétitions sportives serrées qui entretiennent le suspense, permettent aux journalistes d’exister et à la vie d’être moins terne, battent de l’aile cette année : rien n’empêchera plus Lyon d’être champion de France, l’incertitude ne demeure plus que pour les dernières places. Certitude également pour l’épopée de la petite reine, ce sera un dopé qui remportera le Tour de France ! Heureusement le match qui oppose, tous les 5 ans seulement hélas !, les candidats à la présidentielle s’annonce, cette fois, encore plus serré. L’indécision est entretenue par les sondeurs, bichonnée par les médias ; le spectacle est superbe dans l’arène, les blogs déblatèrent, les paris font les délices des zincs et des dîners en ville. Les compétiteurs sont plutôt compétents et, pour quatre " grands " du moins, parviennent à paraître différents tout en disant la même chose. Du grand art !
Sarkozy avait placé, on s’en rappelle, " l’effort récompensé " au cœur de sa campagne (voir CA février 2007). Il a encore rajouté une couche aux accents pétainistes, à la suite des " incidents " de la gare du nord : " La vérité c’est que rien n’est gratuit, que tout se mérite, c’est que le travail crée le travail. Moi je veux contruire avec cette jeunesse un avenir où chacun recevra selon son mérite, ou chacun aura sa chance ". Une pensée précisée par l’invitation faite aux jeunes à forcer leur destin : " Je veux que chacun d’entre vous, chaque jeune fille, chaque jeune homme [...] puisse se dire "pourquoi moi aussi je n’essaierai pas de forcer mon destin ?" ". Seul problème, cette précision n’a pas été apportée par le candidat lui-même mais par sa supposée opposante, Segolène Royal dans le cadre d’une rencontre avec les jeunes dans le Puy-de-Dôme où elle a conclu ainsi : " Forcez votre vie ! Saisissez votre liberté ! ". Il est vrai que le travail rend libre ! La candidate socialiste précisait en plus qu’elle aussi avait forcé le destin en faisant des études et en refusant de " rester aux fourneaux " (pas de problème puisque son couple s’offre les services d’une bonne, en attendant mieux sous les lambris élyséens). Sarkozy aussi rappelait qu’il ne devait à personne le fait " d’en être arrivé là où je suis ", mais à sa pugnacité et à ses efforts. Sachant que le nombre de postes ou de positions sociales " arrivée " à prendre dans une société est limité et non extensible et que, de surcroît, il existe encore quelques esprits chagrins pour qui l’arrivisme n’est pas une qualité, ces déclarations, conformes à une idéologie parfaitement élitiste, en disent long sur le sort qui sera fait aux ratés de la réussite, aux mécréants de l’effort, aux fainéants de l’ascenseur social !
Eh bien rassurez-vous braves électeurs. Celles et ceux-là ne seront pas les oubliés du socialisme de l’ordre juste, Royal vient de dégainer une nouvelle arme : Le contrat première chance. L’Etat financerait pendant un an le salaire et les charges des jeunes sortant du système scolaire sans qualification qui seront recrutés dans le secteur du commerce et de l’artisanat. Autrement dit, Il offrira aux entreprises concernées, qui ne débourseront pas un centime, une main-d’œuvre pendant un an. Il sera simplement demandé à ces patrons de " respecter le jeune " et, s’il donne satisfaction, de " le recruter sur un emploi stable et durable ". Mais il ne s’agit là que d’un vœu, d’une incitation assortie d’aucune mesure contraignante. C’est un " pacte de confiance " dont on sait déjà ce qu’il produira : la grande majorité de ces jeunes pourront aller, au bout d’un an, s’inscrire, non plus à l’ANPE, mais dans les nouvelles officines privées de placement qui poussent comme des champignons en écartant progressivement la Grande Agence, jugée trop coûteuse en personnels, mais qu’on ne ne regrettera quand même pas. Le salaire de ces " employés première chance " sera modulé sur la base du smic mais négocié en fonction de la région et du secteur (une vieille idée de Royal pour éliminer définitivement le vieux " à travail égal salaire égal ".
Comment cette mesure sera-t-elle concrètement mise en place et financée ? Rien n’est précisé pour l’instant sinon un coût fantaisiste de 1 milliard d’euros. Ce sera le boulot de la sociologue du travail Dominique Méda d’en finaliser la mise en place. Qui est Dominique Méda ? Après avoir constaté que le travail en tant que tel s’éloignait des préoccupations centrales des salariés et de la société tout entière, elle s’efforce depuis des années de promouvoir une forme moderne de réhabilitation du travail pour le réconcilier avec cet autre honorable pilier de la société, la famille. De gauche, il faut que le travail permette l’accession au temps libre, féministe il faut que le travail permette néanmoins aux femmes qui y ont accédé de s’occuper des enfants (avec le père quand même) et de réhabiliter la famille, il ne manquait à Méda que Le drapeau et La Marseillaise pour reconstituer une version de gauche moderne de la célèbre trilogie, c’est chose faite grace à la candidate socialiste. Cela ne fait qu’illustrer une vieille et constante préoccupation des socialistes : comment donner une apparence " de gauche " aux valeurs et aux orientations de la droite. Par exemple, dans un entretien avec des petits patrons la candidate a affirmé qu’elle ne veut ni démotiver ni culpabiliser " ceux qui gagnent de l’argent ". Sortir de " l’idéologie punitive du profit " a-t-elle précisé, version actuelle de la " réhabilitation de l’entreprise " des Mauroy, Rocard et Cresson des années 80. " Il n’y a pas de honte à faire du profit " précise-t-elle, comme si c’était une question de honte ! la mauvaise conscience appartient peut être aux électeurs de gauche, pas aux patrons qui n’ont nul besoin de l’imprimature de Royal pour ne pas être culpabilisés. La conséquence de ce salmigondi va quand même au-delà d’une simple mixture idéologique : " d’accord pour les délocalisations si l’entreprise réinvestit sur le terrtioire national ! ". Sous forme de villas sur la côte d’azur ou de l’acquisition de clubs de foot ? Rien ne les obligera à des investissements d’un autre type. Les délocalisés de la période apprécieront.
Bref, tout le monde court après tout le monde dans la plus traditionnelle confusion et la démagogie la plus éhontée. Un paradoxe tout de même : alors qu’il n’a plus aucune chance d’être un jour élu, ni même de refigurer au second tour, Le Pen n’aura jamais été autant le moteur, la référence et l’élément dynamique de cette campagne. Sa conception du monde est comme une carotte devant tous les lapins du concours... Lui, tient la canne quelques pas derrière. Et dire qu’il y eu des gens de gauche pour reprocher à Rocard d’avoir dit que la France ne pouvait accueillir toute la misère du monde alors que le PS ne régularisera pas les sans-papiers (ce qui veut dire que comme avec Sarko ils seront expulsés) ; ou d’avoir reproché " les mauvaises odeurs " dans la bouche de Chirac... C’était le bon temps ! Et dire que l’argument suprême du PS est le vote utile au premier tour pour barrer la route à le Pen !
JPD