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CA 325 Décembre 2022

Occupation du Centre d’action sociale de la Ville de Paris

mardi 6 décembre 2022, par Courant Alternatif

L’actualité des luttes* a installé un studio pour réaliser une émission de radio en direct des locaux occupés jour et nuit du Centre d’action social de la ville de Paris [1], rue Palikao. Ce centre représente un effectif de 6200 agents, dont 800 postes ne sont pas pourvus ; autre façon pour les municipalités de réduire leur budget social et de reporter sur les travailleurs en place la charge de travail. Restaurant solidaire, maisons de retraite, SDF, Personnes âgées, sans papier, 14 EPHAD... tel est le public visé.
Le tiers des agents n’ont toujours pas bénéficié du SEGUR [2] et veulent leurs 189 euros supplémentaires par mois.
Nous y avons rencontré des salarié·es déterminé·es et heureu·ses d’être ensemble, syndiqués à la CGT ou non syndiqués. Nous retranscrivons ici leurs propos :


« Dans un premier temps nous avons fait deux grèves de deux jours reconductibles, devant le silence de la mairie on est passé à des moyens plus déterminés, pour pouvoir avoir le temps de s’organiser, de manifester. Depuis le 6 octobre nous sommes en grève illimitée et depuis le 13 octobre nous occupons les locaux jours et nuits.
Après la crise sanitaire, en réponse à la colère des hospitaliers notamment, l’État a répondu par le SEGUR. La CGT et SUD ne l’ont pas signé, parce qu’ils demandaient 300 euros et pour tous. Suite à des mobilisations le SEGUR a été élargi aux EPHAD, après il y a eu le SEGUR 2 qui sur Paris à concerné les aides à domicile, puis suite à de fortes mobilisations du secteur social le SEGUR 3. Mais sur les 6200 agents du CASVP il en reste encore 1500 qui en sont privés (cuisine et administratif), ce qui fait que dans une même structure certains ont l’augmentation les autres non ce qui crée une ambiance détestable.
Tout l’été on a tourné sur les services pour organiser la grève, faire des AG, mettre en place une caisse de grève en prévision d’un conflit dur.
C’est dur de se mettre en lutte dans les métiers comme les nôtres, ou la relation humaine est au centre, la culpabilisation est grande, mais nous sommes soutenus par nos usagers, malgré la gène occasionnée ; ils ont fait des pétitions en notre faveur. On est en pleine injonction contradictoire, l’institution nous demande de ne pas nous attacher, de ne pas créer des rapports humains et en même temps d’être là coûte que coûte auprès des usagers. »
C’est la CGT qui est à l’initiative de cette lutte, ses militant·es de la base sont déterminé·es, décident en AG hebdomadaires syndiqué·es ou non, de la poursuite de la grève. Espérons que ça dure !
« Nous sommes des travailleur·ses du social est nous n’avons pas les moyens de vivre décemment. Nous rationnons nos vies. Nous travaillons sur Paris mais vivons en banlieue.

*** Des priorités politiques

Les choix de la Maire de Paris sont politiques, plus axés sur l’organisation des jeux Olympique, les illuminations des champs Elysées... Et il n’y a pas d’argent pour nous !
La situation ne date pas d’hier, la casse du service public et social est antérieure au Covid. On a vue au fur et à mesure la dégradation de nos conditions de vie. Au niveau des plats servis, tout c’est progressivement dégradé ; en quantité, en qualité, en autonomie, en attention. Pour Noël il y avait du foie gras, une rose, des chocolats… on est des exécutants sans initiatives. Ils essaient de faire de nous des moutons, là ils ont été surpris.
Les 20 centres d’action sociale disséminés dans la ville, les 44 restaurants se sont réveillés au même moment, se sont réunis et ont a fait bloc ensemble. Le processus de prolétarisation s’observe dans tous les métiers ; dépossession de nos savoirs faire, de notre outil de travail, de notre voix au chapitre, de notre expertise.
Nous avons organisé avec la CGT chômeur « un bureau de recrutement » pour pourvoir les postes manquants. Ça a eu en certain succès. Il y a eu pas mal de candidatures qui attendent toujours leurs lettres d’embauche !

*** « J’ai 32 ans de maison et je n’atteins même pas les 2000 euros ! »

Notre lutte parle, beaucoup de gens nous suivent, notre caisse de grève est achalandée surtout par le monde de la CGT ; aussi bien par les UL, la Confédération, les bus, Pole emploi… On a fait des soirées de soutien, on quête lors des manifestations, et c’est important parce que ça nous permet de tenir. On n’a toujours pas d’ouverture de négociation, la solidarité est indispensable. Malheureusement une échéance est venue s’imposer à nous ; les élections professionnelles dans la fonction publique se termine le 8 décembre et la ville de Paris se sert de ce prétexte, pour selon elle ne pas vouloir privilégier un syndicat plutôt qu’un autre. C’est vraiment du foutage de gueule car la seule inégalité de traitement elle est entre les salariés de l’action social.
Consolider la cohésion inter catégorielle au sein de notre collectif de travail, on ne va pas se mentir, la propagande dominante pousse à l’individualisme, au culte du développement personnel. On est tous·tes le produit de notre environnement, alors les collègues qui bénéficient des 189 euros on les sent très distants. C’est le rôle du syndicat de gérer cette frustration et de proposer des moments d’échanges, de rencontres, sans faire le jeu du patronat qui cherche à nous diviser et à nous opposer entre nous. On a prévu d’organiser des moments de discussion dans notre lieu occupé, sur la division du travail dans les tâches mais aussi dans l’espace, poser des thématiques qui peuvent faire venir des collègues soignants ou travailleurs sociaux. Il faut développer une intelligence qui est un peu à contre courant de la société, du ressentiment et le syndicat c’est fait pour ça. »

*** Le pouvoir nous veut diviser, à nous de construire du commun

« La grève, l’occupation a créé une famille, une vie, je redoute la fin de la grève ! Je suis dans le mouvement depuis le 22 septembre et j’espère qu’on continuera de se voir. On a créé des liens avec des collègues qu’on connaissaient pas, on a rencontré des personnes supers, on est pas seul à faire passer l’humain en priorité. On dort là, on apprend à se connaître, à partager des moments d’intimité, voir les collègues en pyjama... On a perdu le goût de l’humain, dans la mise en avant de l’individu ! Quand on aura fini, on aura gagné de l’argent, on aura gagné sur le plan personnel, collectif. On en sortira grandi ! »

« On est déterminé et solidaire. Il faut qu’on tienne jusqu’au mois de décembre ! Tout ceux et celles qui sont convaincues que la grève est l’arme des travailleurs pour inverser les situation d’injustice, nous vous appelons à cotiser et si vous ne pouvez pas à diffuser, à en parler autour de vous. On a une cagnotte en ligne : cotizupCGTCASVP. On va gagner ! »

* A partir de L’actualitedesluttes.info du 19 novembre 2022.
L’actualité des luttes émet sur Fréquence Paris Plurielle 106.3fm ou rfpp.net, tous les jours de 12h30 à 13h30

Notes

[1CASVP. Toute ville de plus de 10000 habitants est tenue d’en avoir un

[2Accords de juillet 2020 qui consacrent 8,2 milliards d’euros à la revalorisation des métiers des établissements de santé et des EHPAD et à l’attractivité de l’hôpital public....

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