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Une Charte revendicative de la révolution iranienne

jeudi 16 mars 2023, par Saint-Nazaire


Voir en ligne : La source en persan (Conseil de coordination des associations syndicales des enseignant·es d’Iran)

Femme, Vie, Liberté
Charte des revendications minimales des organisations indépendantes syndicales et civiles d’Iran

Peuple d’Iran, juste et épris de liberté !

Au quarante-quatrième anniversaire de la révolution de 1979, un tourbillon de crises et de confusion fait vaciller les fondements économiques, politiques et sociaux du pays de telle sorte qu’on ne peut envisager aucune perspective claire et crédible dans le système politique actuel. C’est pourquoi à travers le pays, le peuple opprimé d’Iran – femmes, jeunes épris·es de liberté et d’égalité – a mis les rues au centre d’un combat historique et décisif contre la situation inhumaine actuelle. Depuis cinq mois, leur dévouement sans précédent ne se dissipe pas, malgré la répression sanglante de l’État qui met leur vie en danger.

À travers le pays, du Kurdistan au Sistan et Baloutchistan, femmes, étudiant·es, enseignant·es, ouvrier·es, celles et ceux qui demandent justice [1], artistes, queers, écrivains et tout le peuple opprimé du pays, brandissent la bannière d’une résistance fondamentale contre la misogynie, la discrimination sexiste, l’interminable insécurité économique, l’esclavage que subit la force de travail, la pauvreté, l’oppression de classe et l’oppression nationaliste et religieuse et bénéficient d’un soutien international sans précédent. Il s’agit d’une révolution contre tous les despotismes religieux ou non religieux qui se sont imposés depuis d’un siècle à nous, peuple d’Iran.

Les protestations actuelles sont profondes et émergent des grands mouvements sociaux modernes et du soulèvement d’une génération invincible et déterminée à mettre fin à un siècle d’arriération et de marginalisation de l’idéal d’une société moderne, prospère et libre.

Après deux grandes révolutions dans l’histoire contemporaine de l’Iran [2], des mouvements sociaux progressifs – mouvement ouvrier, mouvement des enseignant·es et retraité·es, mouvement des femmes pour l’égalité, mouvement des étudiant·es et des jeunes, mouvement contre la peine de mort... – sont massifs et en mesure de changer par le bas la structure politique, économique et sociale du pays.

C’est pourquoi ce mouvement veut mettre fin, une fois pour toutes, à l’existence d’un pouvoir d’en haut et entamer une révolution sociale, moderne et humaine pour l’émancipation et la fin de toute forme d’oppression, de discrimination, d’exploitation, de despotisme et de dictature.

Nous, organisations syndicales et civiles signataires de la présente déclaration, nous nous concentrons sur l’unité et la cohésion entre mouvements sociaux et revendicatifs, et sur la lutte contre la situation inhumaine et destructrice actuelle. Nous considérons que la concrétisation de ces revendications minimales comme une première conséquence des protestations fondamentales du peuple d’Iran, comme son premier ordre et comme unique voie pour fonder une société nouvelle, moderne, humaine. Nous demandons à tous les êtres humains justes dont le cœur bat pour la liberté, l’égalité et l’émancipation d’élever l’étendard de ces revendications des usines aux universités, des écoles aux quartiers, et partout dans le monde.

1 – Libération immédiate et inconditionnelle de tous les prisonnier·es politiques, décriminalisation des activités politiques, syndicales et civiles, et procès en audience publique des commanditaires et exécutants de la répression des protestations populaires ;

2 – Liberté inconditionnelle d’opinion, d’expression, de pensée, de presse. Liberté inconditionnelle d’organisation et de constitution de groupes locaux et nationaux, syndicaux et populaires. Liberté inconditionnelle de rassemblement, de grève, de manifestation. Liberté inconditionnelle d’utilisation des réseaux sociaux et des médias audiovisuels ;

3 – Abolition immédiate de la peine de mort, de la loi du talion et interdiction de toute sorte de torture physique et psychologique ;

4 – Établissement immédiat de l’égalité des droits entre les femmes et les hommes dans tous les domaines politiques, économiques, sociaux, culturels, familiaux. Abolition immédiate de toutes les lois et formes d’exclusion visant certaines orientations sexuelles et identités de genre et reconnaissance de la communauté LGBTQ+. Décriminalisation de toutes les orientations sexuelles et respect inconditionnel du droit des femmes à contrôler leur corps et leur destinée, interdiction du contrôle patriarcal ;

5 – La religion est une affaire personnelle et ne doit ni être présente ni intervenir dans aucune loi politique, économique, sociale et culturelle ;

6 – Renforcement de la sécurité sur les lieux de travail et de la sécurité de l’emploi. Hausse immédiate des salaires des ouvrier·es, enseignant·es, fonctionnaires et de tous les travailleur·ses actif·ves et retraité·es, par la présence, l’intervention et l’accord des représentant·es élu·es d’organisations indépendantes et nationales ;

7 – Suppression des lois basées sur la discrimination, l’oppression nationale, religieuse, et création d’infrastructures adéquates pour distribuer de manière juste et égalitaire les ressources publiques pour le progrès culturel et artistique dans toutes les régions du pays, et mise en place des moyens nécessaires et identiques pour l’apprentissage et l’éducation de toutes les langues existantes dans le pays ;

8 – Suppression des organes de répression, limitation des prérogatives de l’État et intervention directe et permanente de toutes et tous dans l’administration des affaires du pays par l’intermédiaire de conseils de quartier et nationaux. La révocabilité de tout responsable gouvernemental ou autre à tout moment doit être un droit élémentaire des électrices et électeurs ;

9 – Confiscation des fonds de toutes les personnes morales ou physiques, des institutions étatiques,
semi-étatiques et privées qui pillent directement ou par la rente gouvernementale les richesses sociales du peuple d’Iran. L’argent et les biens issus de ces confiscations doivent être immédiatement utilisés pour la modernisation et la refondation de l’éducation nationale, des caisses de retraite, de l’écologie et des besoins des populations des régions d’Iran qui sous les deux régimes islamique et monarchique, ont beaucoup souffert et fait l’objet de privations ;

10 – Arrêt de la destruction de l’environnement, mise en oeuvre de politiques structurelles de restauration de l’environnement détruit depuis un siècle. Restitution à la propriété publique de toutes les parties de la nature qui ont été privatisées (entre autres les pâturages, les plages, les forêts et les montagnes) ;

11 – Interdiction du travail des enfants et protection de leur vie quotidienne et de leur éducation, indépendamment de la situation économique et sociale de leurs familles. Mise en place d’une protection sociale forte avec la création d’assurance chômage et d’une sécurité sociale pour toutes les personnes en capacité de travailler ou non. Gratuité de l’éducation et du système de santé pour toutes et tous ;

12 – Normalisation des relations extérieures au plus haut niveau avec tous les pays du monde, basée sur des relations justes et le respect réciproque. Interdiction des armes atomiques et efforts pour la paix mondiale.
Nous pensons qu’avec les ressources naturelles réelles et potentielles dans le sous-sol du pays, la population consciencieuse et capable et les jeunes et adolescent·es qui ont la conviction de pouvoir avoir une vie décente, joyeuse et libre, ces revendications minimales sont réalisables immédiatement.

Ces revendications sont les axes généraux des signataires de cette charte. Il est évident que la poursuite de la lutte et de la solidarité nous permettra d’apporter plus de précisions.


organisation signataires :

  • Conseil de coordination des associations syndicales des enseignant·es d’Iran (CCITTA)
  • Union libre des ouvriers d’Iran
  • Union des associations étudiantes
  • Association des défenseurs des droits de l’Homme
  • Syndicat des ouvriers de la canne à sucre Haft – Tapeh
  • Conseil d’organisation des protestations des ouvriers pétroliers contractuels Maison des enseignant·es d’Iran (Khafa)
  • Éveil féminin
  • La voix des femmes d’Iran
  • La voix indépendante des ouvriers métallurgistes du groupe national de l’aciérie d’Ahvaz Association de défenseurs des droits ouvriers
  • Association syndicale des ouvriers électriciens et métallurgistes de Kermanshah
  • Comité de coordination pour l’aide à la constitution des syndicats ouvriers
  • Union des retraité·es
  • Conseil des retraité·es d’Iran
  • Association des étudiant·es progressistes
  • Conseil des élèves libres-penseurs d’Iran
  • Syndicat des ouvriers peintres en bâtiment de la province d’Alborz
  • Comité de soutien à la fondation de syndicats ouvriers d’Iran
  • Conseil des retraité·es de la Sécurité sociale

Date de publication en persan : Le 15/02/2023

Notes

[1Les familles et proches des prisonnier·es politiques ou des mort·es dans les manifestations

[2Révolution constitutionnelle de 1905 et révolution de 1979

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