Editorial de CA 342
samedi 13 juillet 2024, par
Maintenant c’est certain ! La macronie est un navire en perdition et elle entraîne avec elle le peu de vernis de démocratie libérale qu’il reste encore à la Ve République. Pour tenter de la sauver, un partisan de la francisque et un « Nouveau Front Populaire » (NFP) se penchent à son chevet. On nous somme dès lors de choisir entre « socialisme ou barbarie ». Ne nous y trompons pas ! Ce qui se joue n’est pas une tragédie dont l’histoire a le secret, mais bien une mauvaise farce dont il ne faut pas négliger les conséquences.
Les premiers responsables : Macron et ses petits soldats qui perpétuent la mise en « concurrence libre et non faussée » (dégradation des services publiques, réforme de l’assurance chômage) tout en légitimant les thèmes chers à l’extrême droite (loi asile immigration). C’est eux qui par leurs propos, leurs réformes et leurs actions, rendent la vie insupportable aux classes populaires et continuent d’ouvrir la porte du pouvoir à l’extrême droite. Porte largement ouverte par le Parti Socialiste (d’ailleurs, Macron et une partie de sa clique y grenouillait). C’est cette gauche caviar, de type Hollande, qui dans une logique absurde, n’a eu de cesse de faire monter l’extrême droite pour garder le pouvoir. Qu’attendre d’un NFP électoraliste soutenu par des éléphants surgis du passé comme Strauss-Kahn (spécialiste de l’égalité homme/femme) ?
Quel que soit le verdict des urnes, le perdant on le connaît déjà, c’est le prolo ! En effet, la Vème République est un régime politique d’une bourgeoisie française arrogante, repue de profits qui refuse de partager quoi que ce soit. Les classes populaires appelées à un « front républicain » et non pas un « front anticapitaliste », n’ont que peu de prise et sont rarement les bienvenues dans les directions des partis ou des corps intermédiaires.
Concernant l’extrême droite, celle-ci n’est pas la résultante d’une faillite morale des « masses » qui seraient gagnées par le fascisme, mais la traduction d’un raidissement d’une partie des nantis qui nous mènent une guerre de classe sans merci. Le bloc macroniste s’effrite. Qu’à cela ne tienne ! Pour les classes dominantes et le patronat, le RN fera le job, ce sera un bon garant de la marche forcée de la « planification capitaliste », de la casse sociale et de l’élimination des plus faibles pour générer plus de profit. Et évidemment de l’ordre ! Tout cela en s’appuyant sur leurs éternels fondamentaux réactionnaires ciblant les racisés, les précaires, les femmes, les minorités sexuelles, les handicapés, la différence...
D’ailleurs, il n’y a pas que la bourgeoisie qui s’est radicalisée, mais également les discours médiatiques : cette propagande qui diabolise la gauche contestataire et banalise l’extrême droite.
Dans ce contexte nauséabond, il y a une forte incitation au vote. Tous, du RN au NFP, jouent avec notre peur, pour qu’on vote avec nos émotions et non nos convictions.
Certes la victoire du NFP amènerait une accalmie bienvenue, concernant les oppressions économiques et systémiques : sexisme, racisme, homophobie, islamophobie... Mais, le NFP engrangera des voix avant tout pour faire barrage et non par adhésion à son programme réformiste. Une large partie d’entre eux est capitalistes et pour la paix sociale. Il y a 1 an, après la mort de Nahel, hors LFI, ils se sont tous désolidarisés des émeutiers et maintenant ils les appellent à voter pour eux ?! Les grèves, les grandes avancées sociales… on verra cela après. Les appels au calme ont commencé dès le 30 juin au soir ! Au point qu’on se pose la désagréable question : le NFP a-t-il plus peur du RN ou de la colère des masses ? Il y a un décalage terrible entre les attentes sociales de la population (GJ, quartiers populaires...) et le programme de gauche présentée comme extrême alors qu’il n’est pas en rupture avec le néolibéralisme et qu’il s’invente une filiation avec le « Front Populaire » alliance de deux partis ouvriers.
Au grand dam des antifascistes, il est impossible de faire perdre le RN sans proposer au quotidien une alternative de solidarité, des perspectives aux classes populaires. C’est l’écueil de l’antifascisme qui s’est principalement positionné sur un plan moral, qui a trop souvent refusé de faire de la politique, ne proposant rien d’autre que le chemin des urnes ou d’être à la traîne de la sociale démocratie… et dont les groupuscules restant risquent de se faire dissoudre dès l’arrivée de Bardella.
Pour nous, la solution n’est pas dans les urnes, que l’on vote ou pas, cela ne fera pas changer d’idées ceux qui spéculent sur la vie des gens. Dans ce climat de tension politique, on nous présente l’illusion électorale comme seule perspective. Donc oui, entre la bourgeoisie qui s’en accommoderait, la propagande médiatique, la politique de casse sociale et la surdité de la gauche, oui, le RN gangrène maintenant toutes les classes sociales. Avec comme résultat très concret au soir du 30 juin environ 34% des suffrages pour le RN.
Seules nos luttes pourront imposer une forme de « guerre civile » (pour reprendre le terme de Macron) aux bourgeois et aux patrons. Transformons cette peur, qui nous est insufflée au quotidien, en rage, en politique d’émancipation.
Face au parti pris des médias mainstream de ne présenter que des discours d’extrême droite, nous pouvons décider des débats que nous souhaitons avoir, que ce soit dans la rue, sur les lieux de travail, dans nos journaux, afin de diffuser une parole qui corresponde à ce que nous vivons d’une part et rêvons d’autre part. Rendons leur discours inaudibles sur tous les sujets qui nous concernent. Sur le nucléaire, alors que dès le soir des Européennes Macron annonçait 8 nouveaux réacteurs « dans le sérieux budgétaire » ?! Contre la violence de classe intrinsèque à la société capitaliste comme en dénonçant France Travail. Contre les violences racistes en soutenant par exemple les mineurs de Belleville en passe d’être expulsés. Contre les violences coloniales partout dans le monde et aussi perpétrées par la France (comme en Kanaky ou à Mayotte). Contre les violences patriarcales en s’inspirant des luttes féministes internationales.
Toutes formes d’aliénations et d’exploitations diffuses dans la société, font résonner en nous, un sentiment de colère, une volonté de reprendre ce qui nous a été volé (que ce soit pour le kanak sa terre, sa culture et son identité ou pour le prolo le produit de son labeur). Que cela démarre avec des émeutes, des grèves syndicales ou sauvages, soyons forces créatrices anticapitalistes et capables d’organiser la solidarité. C’est ainsi que nous appelons à participer à tous les rassemblements devant les prisons pour exiger la libération des indépendantistes kanak déportés en métropoles.
Passé l’abattement temporaire, il faut avoir confiance dans l’imagination des masses pour créer collectivement des réponses à l’aliénation économique et raciste : notre capacité de réaction n’a pas été anéantie. Et dans ce sens, il n’est pas utopique de penser que le mouvement social puisse trouver des chemins pour déborder les partis et les bureaucraties syndicales, nous permettant de nous libérer de la domination et d’éviter l’avènement du « fascisme ».
OCL-Strasbourg, 30/06/23