CA 343 octobre 2024
Les radicalismes religieux : désislamiser le débat. Pierre Conesa, Éditions Robert Laffont, 2020
vendredi 25 octobre 2024, par
Dès le titre on est dans le vif du sujet. Car Dieu, pour les croyants, leurs prêtres, églises et communautés est au-dessus de la loi humaine. Et pour les radicalismes religieux tout doit plier devant ses commandements : obéissance et confiance aveugle, multiplication genrée des interdits, pratiques religieuses uniformisées et contrôlées, réorganisation et contrôle en profondeur de la vie collective et individuelle. Il s’y ajoute une lutte acharnée, méthodique et exterminatrice contre les « Autre » à soumettre ou à détruire : laïques et athées massacrés par des groupes extrémistes au Bangladesh et en Inde ; yézidis et chrétiens par l’État Islamique en Irak, chiites afghans massacrés par les Talibans, puis par l’État Islamique ; chrétiens condamnés à mort au Pakistan, emprisonnés en Inde mais aussi victimes des violences d’extrémistes juifs à Jérusalem ; musulmans marginalisés, réprimés et tués par le pouvoir indien...
Et, il ne faut pas oublier le sort systématiquement réservé à la moitié des populations de ces pays. Les femmes, sont les cibles permanentes de l’ordre masculin et bigot (au pouvoir ou pas) et à qui on n’accorde au mieux qu’un statut de subalternes, mariées de force, violées, exploitées et soumises à vie. Pour des fautes graves contre l’absolutisme religieux et patriarcal tortures, viols, assassinats et exécutions publiques sont dans la norme. Pour les minorités sexuelles c’est au mieux l’exil ou la prison et au pire la mort.
Le sous-titre rappelle lui, que pour comprendre ces nouveaux extrémismes religieux dans leur globalité et leur unité il faut éviter l’effet de loupe occidental qui réduit (pour des raisons politiques et idéologiques) les radicalismes religieux à un seul, le musulman, alors qu’ils se déploient sur tous les continents et dans toutes les religions.
L’action meurtrière et terroriste de ces systèmes politico-religieux se déploie sur tous les continents avec un renouveau marqué depuis les années soixante-dix et la chute du « bloc socialiste » : fascisto-religieux juifs ; soldats de Dieu de l’évangélisme américain ; sionistes chrétiens anglo-saxons dont l’intérêt pour Israël s’appuie autant sur leur antisémitisme que sur leurs délires messianiques de la fin des Temps ; pouvoirs bouddhistes épurateurs ethniques et massacreurs en Birmanie et au Sri Lanka...
Qu’ils soient au pouvoir ou en position de pouvoir dans des systèmes dictatoriaux ou démocratiques (Iran, Arabie Saoudite, Inde, Brésil, Liban, États-Unis…) et producteurs de projets impérialistes (États-Unis, Israël, Iran...) ou dans des oppositions frontales à l’ordre établi (groupes djihadistes divers et variés en Afrique et Asie) ; qu’ils soient à vocation universelle (chrétiens et musulmans) ou localisée (indouisme et bouddhisme) tous ces mouvements « dessinent une nouvelle géopolitique et sous-tendent nombre de crises violentes. »
Conesa analyse finement à l’aide de nombreux faits historiques et politiques l’unité profonde reliant tous ces mouvements violemment antagoniques :
Bref un ouvrage à lire car d’une part, il nous force à reprendre en compte un élément essentiel de la critique anarchiste celui l’oppression religieuse dans ses nouvelles formes et d’autre part il incite à mener une réflexion critique sur les questions qu’il pose ou effleure pour alimenter les luttes d’émancipations ici et ailleurs : poids du religieux sur le politique, rôle déterminant ou pas des facteurs économiques dans la montée des radicalismes, justification de l’exploitation forcenée des humains et de la nature car c’est Dieu qui le veut, validité du concept de religion des opprimés véhiculé par les trotskistes anglo-saxons et les post-modernes…
Eugene the Jeep