CA 348 mars 2025
dimanche 23 mars 2025, par
"Il ne faut pas parler de suicide en prison, il faut dire que la prison tue" Ahfed benotman
Le nombre de détenus en France a encore explosé pour atteindre un nouveau record en janvier : 80800 personnes emprisonnées sans compter les 200000 personnes sous main de justice, donc sous contrôle de l’Etat. La prison est une des institution étatique en pleine expansion pour gérer la misère. La France, anciennement figure de prou des droit de l’homme s’écroule juste avant Chypre et la Roumanie concernant sa surpopulation carcérale - selon une étude publiée en juin 2024 par le Conseil de l’Europe. Les conditions de détention y sont infectes, à l’absence de perspectives vient s’ajouter la violence carcérale. Les prisonniers sont des numéros que l’administration gère avec mépris et violence.
Dans ces oubliettes modernes aux hauts murs, 125 prisonniers meurs chaque année en se suicidant ou de morts suspectes. Ces chiffres sont largement sous estimés. Le risque de suicide y est dix fois plus élevé que dans la population générale chez les hommes, et quarante fois plus chez les femmes. C’est lors des premières semaines d’incarcérations que les prisonniers meurt le plus. La prison est mortifère et c’est à l’isolement qu’elle peut détruire le plus sûrement. L’administration pénitentiaire est responsable de la sécurité et de l’intégrité des prisonniers qu’elle enferme. Quand un homme ou femme meurt entre ces murs c’est qu’il y a eu manquement, négligence, violence que ce soit sous des coups de co-détenus placés là par l’AP, de matons ou de désespoir à en mourir.
A l’extérieur, l’année 2024 a été particulièrement meurtrière en matière de violences policières avec 55 morts recensés l’année passée en France par le collectif « Désarmons-Les », c’est le nombre le plus élevé depuis plus d’un demi siècle. La mobilisation des collectifs, des familles a réussit à incarner les quelques lignes que l’on peut trouver dans la presse et a dépeindre le véritable visage de l’Etat. Le poids de la vie commence sérieusement à ne plus peser grand chose et de ce fait à annihiler notre humanité collective. Alors si l’on rajoute le cloisonnement des hauts murs, le désintérêt pour la chose carcérale, le combat pour la vérité est encore plus dur à faire éclater en prison, la police comme les surveillants jouissant d’une impunité insoutenable.
Quelques cas de morts suspectes en prison : Jules est mort au mitard de la maison d’arrêt de Seysses dans la nuit du 5 au 6 décembre 2020. Il avait 20 ans. L’administration pénitentiaire prétend qu’il s’est pendu, mais les prisonniers sont formels : Jules ne s’est pas suicidé. Ils sont très nombreux à témoigner, et c’est toujours la même équipe de surveillants qui est en place.
En septembre 2020, Idir est mort de façon très suspecte au mitard (quartier disciplinaire) de la maison d’arrêt de Lyon Corbas. Sa mère se bat pour connaître la vérité et dénonce les cellules de punition.
Le 9 août 2022, Romain Leroy prisonnier longue peine est mort. Il est mort d’une rupture de l’aorte. Il avait 38 ans.
Sambaly est mort en 2022 d’asphyxie après une agonie de trente-cinq minutes, les pieds entravés, les mains menottées dans le dos, bâillonné avec une serviette, écrasé sous le poids de quatre ou cinq matons.
Le 9 octobre 2024, Robin Cotta, 22 ans, trouve la mort dans la cellule 504 du quartier des arrivants de la maison d’arrêt des Baumettes, frappé, assommé, puis froidement égorgé par un codétenu avec les tessons d’un bol en porcelaine, après avoir demandé à maintes reprises de changer de cellule.
Le « corps sans vie » d’un détenu, a été retrouvé le 13 janvier 2025 dans la maison d’arrêt de La Talaudière (Loire). Le procureur parle de suicide. Il était condamné à une peine de 18 mois de prison pour un « refus d’obtempérer avec mise en danger, conduite sans permis, recel de vol de véhicule et violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique ».
Assane Gueye, 51 ans, est mort le 17 août 2025 à la prison de Meaux, où il était détenu à la suite d’une erreur du parquet. La justice et la famille s’interrogent sur une intervention des agents pénitentiaires juste avant son décès.
Alassane Sangaré, est mort le 24 novembre 2022 à l’age de 36 ans, dans des circonstances suspectes à Fleury-Mérogis. Sa mort intervenue cinq jours après son incarcération, est officiellement attribuée à un suicide, mais sa famille — sa mère et ses sœurs — refuse cette version et mène un combat acharné pour faire éclater la vérité. Elles dénoncent l’invisibilité des violences carcérales.
Cette affaire est symptomatique du fonctionnement de la police, justice, prison : Alassane vie avec sa femme et ses trois enfants, il travaille chez Bouygues. La cohabitation avec la voisine se passe mal, plaintes, harcèlement, faits imaginaires, convocation au commissariat. Alassane demande une conciliation, qui reste lettre morte. Suite à une altercation ou Alassane n’est pas concerné, la police vient l’interpeller.
Il passe en comparution immédiate et contre toute attente, vu le teneur du dossier, il est incarcéré sans possibilité d’aménagement. Cette justice expéditive devient la règle ; moins coûteuse, efficace, elle incarcère plus, se basant uniquement sur les allégations policières, laissant peu de temps pour préparer une défense. Un ersatz de justice bon pour les pauvres.
Il est mort cinq jours après au quartier des arrivants. La famille a été prévenue un jour et demi plus tard par la police. Le temps nécessaire pour construire et organiser un scenario plausible. La famille de son coté est tétanisée par la violence de l’annonce, l’univers carcéral leur est étranger. Djenaba, sa sœur, a pour voisine Assa traouré qui lui transmet immédiatement les bons gestes ; se rendre le plus vite possible sur les lieux et demander à voir le directeur pour avoir des informations précises sur les conditions de la mort. Il n’y a personne mais le personnel parle de suicide. C’est le choc, pourquoi aurait il commis ce geste ultime ? Comment l’accepter, en parler à ses enfants ?
La famille chercher à en savoir plus, elle ne pas se contenter de la version carcérale. Elle va immédiatement devant la prison pour parler avec les familles qui vont voir leurs proches aux parloirs et tenter d’avoir des témoignages. Elle demander des informations sur les réseaux sociaux, les prisonniers qui ont des téléphones peuvent transmettre et répondre. Il y a eu un véritable élan de solidarité réconfortant qui a payé ; des centaines de témoignages de solidarité et des informations sur les conditions de détentions en générale et en particulier là ou était incarcéré Alassane. Rapidement la famille comprend qu’il y a eu une altercation entre des surveillants et Alassane, elle se bat pour voir le corps et avec courage photographie les hématomes, les blessures qui accréditent les coups mortels et pourront servir d’éléments lors d’un éventuel procès (Il faut refuser le rapatriement du corps ou un enterrement rapide pour pouvoir effectuer éventuellement une contre autopsie). Il faut également prendre un avocat combatif qui connaît les rouages de l’instruction et qui saura déjouer les pièges nombreux pour endormir ce type d’affaire, la mener jusqu’au tribunal et faire le procès de l’administration pénitentiaire et des surveillants mis en cause. La famille sait que le combat sera long, qu’il faudra s’entourer, ne pas rester seule, rester en contact avec d’autres familles pour se nourrir de leurs expériences, mais aussi comprendre plus avant cette institution qu’est la prison, qui a détruit le vie d’Alassane et de tant d’autres et que l’on ne sera jamais assez nombreux pour cela.
Solidarité Courage et détermination
Nadia M
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