CA 348 mars 2025
Vertement écolo
mardi 1er avril 2025, par
Dans le temps, il y avait dans certaines communes agricoles des canons à grêle gérés par les paysans du coin, qui envoyaient ponctuellement quelques fusées exploser dans les nuages en espérant les transformer en eau. C’était très bruyant et quelquefois efficace.
Depuis, le dérèglement climatique provoqué par l’Anthropo-Capitalocène impacte la planète entière et les activités humaines dont une l’agriculture.
Les pinardiers millionnaires du Bordelais sont donc passés à l’étape supérieure. « La Région de Saint-Émilion est à la pointe de la géo-ingénierie, cet ensemble de techniques visant à modifier le climat terrestre. » comme si ce n’était pas déjà fait...
Comment : en lâchant collectivement des « ballons chargés de sels… qui ensemencent les nuages et évitent la formation des grêlons. »(1)
Louée soit Sainte Technologie qui permet de pallier à une météo devenue imprévisible et de maintenir les profits des industriels de la vinasse de luxe.
Ces techniques limitées à un territoire sont malheureusement peanuts, par rapport à ce qui se trame dans les labos et entreprises de géo-ingénierie.
Dans notre monde, plus la crise globale s’aggrave, plus l’humanité se sent coincée, plus la crise devient existentielle « Les apprentis-sorciers du climat »(2), illusionnistes technophiles se sentent pousser des ailes (en Kevlar ou en fibre de carbone, forcément).
Des ingénieurs ont des solutions aussi géniales que disruptives allant « de l’injection d’aérosols dans la stratosphère, à l’installation de miroirs géants dans l’espace » afin de « renvoyer dans l’espace une partie du rayonnement solaire »(3) pour refroidir la planète.
Un discours bien calibré se met en place :
D’abord on change de nom : la géo-ingénierie, devient « l’intervention climatique ».
Ce sera une « option de dernier recours » (recours à la peur pour tétaniser et faire adhérer) « afin de gagner du temps » (pour nous sauver mais aussi, le temps c’est de l’argent) sur le passage à la neutralité carbone (qui ne fera pas baisser les températures dans l’immédiat) avec des « solutions plus drastiques et rapides » (une dose de techno-autoritarisme à but humanitaire)… Tout ce blabla provient d’une association américaine, Silverlining(4) qui met la pression sur le monde scientifique et politique dans un secteur d’activité très peu encadré et donc profitable. Avec des risques de
« déploiements unilatéraux de certains États ou acteurs privés. »
C’est ce qu’envisage la région de San Francisco pour faire baisser les températures sur la côte du Pacifique ou le Massachusetts pour faire baisser la concentration en carbone du golfe du Maine (côte est des États-Unis).
Quelques expérimentation ont eu lieu sur le terrain : en Australie, sur les nuages marins de la Grande Barrière de Corail ou aux USA l’envoi sauvage par l’entreprise Make Sunsets, de ballons emplis de dioxyde de soufre dans la haute atmosphère.
Or, cette solutions est leurre de plus :
Premièrement, comme dab, elle s’attaque aux symptômes mais pas aux causes (l’activité de la méga-machine capitaliste) et favorise encore une fois une religion qui se veut rationnelle, le techno-solutionnisme,
Deuxièmement, elle suppose des interventions permanentes dans l’atmosphère (injection de sels ou de soufre, entretien et remplacements de miroirs) pour maintenir les effets attendus,
Troisièmement, c’est se mettre à perpétuité dans les pattes de faiseurs auto-proclamés de pluie et de beau temps,
Quatrièmement, c’est capituler définitivement devant la privatisation de l’atmosphère et de l’espace sournoisement en cours,
Cinquièmement, nos apprentis sorciers sont incapables de comprendre la complexité du fonctionnement de la machine climatique qui régit la planète. Ils ignorent ou feignent d’ignorer les répercussions systémiques que leurs interventions vont fatalement provoquer. Des chercheurs américains ont modélisé l’impact du projet de San Francisco. « Résultat : en raison de la baisse de la couverture nuageuse, de l’augmentation des températures [qui se poursuivra du fait du dérèglement toujours en cours] et du ralentissement du fameux Gulf Stream [que nos géo-ingénieurs ne connaissent sans doute pas]… le refroidissement de la Californie serait « au mieux très limité… entraînerait un stress thermique à l’échelle du globe générant une vague de chaleur en Europe ! »(5)
Ces projets et discours associant peurs existentielles, urgence, salvation par la technologie, promesse d’un avenir identique au présent, ressemblent furieusement à ceux qui ont été - et qui sont à nouveau tenus- par les nucléocrates, extractivistes, éleveurs de puces, planteurs de data centers, ou petits chimistes du désastre.
Le monde animal est souvent présent dans nos vies par le biais de magazines, livres et films documentaires qui ont généralement tendance à le représenter au travers de certaines espèces - avec une forte prédominance des mammifères - (félins, koalas, éléphants, dauphins…), certains comportements (prédation, élevage, jeux…) tandis que d’autres (les moches, les mauvais clients difficiles à filmer, les trop communs comme le renard ou le hérisson…) n’existent pas. Bref c’est assez normé avec en plus un implicite : ces espèces seraient à la fois emblématiques et représentatives du monde animal.
Allons voir ce qu’il en est dans la réalité vraie de la vie après un peu d’écologie scientifique.
Biosphère : c’est l’ensemble des organismes vivants et de leurs milieux de vie (atmosphère, hydrosphère et lithosphère).
Biomasse : c’est l’ensemble des organismes vivants (animaux, végétaux, champignons, bactéries...) présents dans la biosphère. La biomasse se répartit entre océans et terres émergées. Elle se mesure en gigatonnes (milliards) de carbone (Gt C).
Les scientifiques estiment (il s’agit d’ordres de grandeurs) la biomasse terrestre à 550 Gt C.(6) Les plantes en pèsent 450 (80%), les bactéries 70 (15%), les champignons 12 (3%) et le monde animal 2,6, soit moins de 0,5 % du total. Donc les animaux terrestres ça pèse pas lourd en tonnes de carbone, mais le meilleur est à venir.
Les chercheurs ont ensuite étudié comment se répartit ce monde animal terrestre : grands vainqueurs les Arthropodes (insectes et araignées en gros) (1,7 GtC), suivis des Annélidés. Les Mammifères sont très loin derrière.
Chez les mammifères, l’espèce humaine (unique) a une biomasse « dix fois supérieure à celle de l’ensemble des Mammifères sauvages (5 500 espèces connues) ! »(7)
Et ce poids déjà énorme est encore accentué par celui des animaux domestiques « les bovins, ovins et porcins représentent une biomasse 14 fois plus importante que celle des Mammifères sauvages »
soit « 60% de la biomasse des mammifères ». Parmi eux, domination écrasante des bovins. Et chez les zoziaux c’est pas mieux « Les espèces domestiquées représentent… 71% de la biomasse des oiseaux. »(8) et là ce sont les poulets qui dominent.
En conclusion, avec ces chiffres, les animaux emblématiques et représentatifs devraient être des vaches pisseuses lait et des poulets en batterie avec en arrière-plan un invité permanent, l’humain. C’est sûr, c’est moins vendeur qu’un zèbre mais plus réaliste car l’activité humaine, l’agriculture et l’industrialisation (avec les systèmes économiques et idéologiques qui vont avec) sont les responsables de cette situation et faudrait assumer. « Animal, on est mal... »
Freux et eugene the Jeep
Notes
1 – Préavis de Grêle. Le Canard Enchaîné. 26/06.2024
2 – cf le livre « Les Apprentis sorciers du climat Raisons et déraisons de la géo-ingénierie » de Clive Hamilton, paru au Seuil en... 2013 !
3 – Géo-ingénierie : des experts craignent la dérive. Audrey Garric. Le Monde. 27/01/2025
4 – https://www.silverlining.ngo/
5 – Géo-ingénierie À quand un shérif pour encadrer ces apprentis sorciers ! Fabrice Nicolino. Charlie Hebdo n° 1675. 28/08/2024
6 – Répartition globale de la biomasse au sein de la biosphère. Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité. Synthèse de l’article « The biomass distribution on Earth. Yinon M. Bar-On, Rob Phillips, and Ron Milo (2018). PNAS Proceedings of the National Academy of Sciences 115 »
7 – La biomasse des mammifères est à une écrasante majorité composée des humains et de leurs animaux d’élevage. Patrick Pla. Planet Vie. 29/03/2023
8 – Est-il vrai que l’ensemble des animaux d’élevage représente 93% de la biomasse totale ?. Libération. Olivier Monod. 10/04/2019