Mais voilà qu’on nous parle de guerre

L’industrie de l’armement, comme celle de la surveillance, est étroitement liée à la numérisation de nos sociétés. D’abord parce que les armes sont de plus en plus sophistiquées et nécessitent des outils électroniques de contrôle et de guidage. (...) La société capitaliste actuelle, s’appuyant fortement sur le numérique, favorise le développement d’outils de contrôle des populations. L’abondant dossier consacré à la numérisation dans ce numéro de Courant Alternatif en effectue la démonstration sous divers aspects.

Mais voilà qu’on nous parle de guerre [1].…

La Une du Populaire du Centre du 19 mars, sur fond de photo de canon Caesar en action, porte comme gros titre « Comment payer la guerre ? ». Cette question est développée sur plusieurs articles en page 2 et 3. Comment ce journal, d’origine socialiste, mais dont la seule trace est une minuscule citation de Jaurès « Aller à l’idéal et comprendre le réel [2] » peut-il s’afficher ainsi ? On pourrait rappeler aux dirigeant de ce groupe de médias (Centre France) que Jaurès a aussi prononcé la phrase « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage [3] »

Ce qui est remarquable dans cette Une, c’est que ce journal ne se pose pas la question de la nécessité ou de l’opportunité de mener une guerre, ni contre qui. Il considère que la question est réglée, que nous sommes déjà en guerre, et qu’il faut « réarmer la France » ; le seul problème restant celui des moyens financiers. Comme l’a écrit Rabelais dans Gargantua : « Les nerfs des batailles sont les pécunes ». L’article de ce médiocre quotidien régional s’inscrit parfaitement dans la rhétorique de la classe politique au pouvoir, de l’extrême centre à l’extrême droite.

Les ressorts capitalistes conduisant aux guerres sont de 3 ordres.

• Le premier, le plus classique, datant de l’antiquité, est la conquête de nouveaux territoires ou du droit d’exploiter de nouveaux territoires. Le marchandage de Trump pour accéder aux terres rares de l’Ukraine, sa volonté d’absorber le Groenland, relèvent de cette catégorie primaire.
• Le second ressort est la destruction créatrice : détruire des infrastructures publiques ou des unités de production à faible taux de rentabilité permet de les remplacer par des projets espérés plus rentables. Dans cette optique la destruction d’une partie de la population est tout à fait logique ; ce fut le cas avec le génocide des paysans que fut la boucherie de 14-18. Demain, une fois la bande de Gaza sera détruite et vidée de sa population, la construction et l’exploitation des hôtels de luxe sur la future « riviera » d’Israël devraient attirer des capitaux gigantesques.
• Le troisième ressort est l’injection de capitaux publics dans le complexe militaro industriel. Même si l’État est l’actionnaire principal de certains groupes (70% de Thalès en comptant les « investisseurs institutionnels »), d’autres sont essentiellement privés (Dassault).
  L’effort de guerre qui sera demandé aux citoyens français favorisera la croissance de ces groupes d’armement et enrichira leurs actionnaires. Il correspond tout à fait au principe capitaliste de socialisation des pertes et privatisation des bénéfices.

L’industrie de l’armement, comme celle de la surveillance, est étroitement liée à la numérisation de nos sociétés. D’abord parce que les armes sont de plus en plus sophistiquées et nécessitent des outils électroniques de contrôle et de guidage. Ainsi, des éléments fabriqués en France par Thalès se retrouvent dans les drones qui facilitent le génocide des Palestiniens.
Cette société capitaliste actuelle, s’appuyant fortement sur le numérique, favorise le développement d’outils de contrôle des populations. L’abondant dossier consacré à la numérisation dans ce numéro de Courant Alternatif en effectue la démonstration sous divers aspects. Nous poursuivrons ces réflexions dans le numéro suivant car ces aspects nous paraissent essentiels par rapport à l’évolution de la société, la destruction de la planète et l’aggravation du contrôle sur nos vies.
Plusieurs de ces articles ouvrent sur des pistes de réflexion sur comment résister. Elles seront à approfondir. Il nous semble nécessaire de mener une bataille culturelle sur ces thèmes. Il faut réussir à rétablir des vérités et essayer de remplacer le vocabulaire de nos ennemis par des termes plus exacts. Par exemple, il faut exprimer clairement que la « dématérialisation » n’existe pas ; il s’agit le plus souvent du remplacement du matériel papier par du matériel informatique beaucoup plus coûteux en termes de consommation de métaux, d’eau et d’énergie (et beaucoup plus difficile à cacher quand il s’agit de se faire passer des messages).

Favoriser l’humain et le simple dans les relations nous semble essentiel aujourd’hui. Soutenir les luttes contre l’exploitation minière est aussi essentiel que de s’opposer à un gouvernement corrompu. Les Serbes en montrent un bel exemple avec des démonstrations de force massives.
Pour ce qui est d’ici, il est absolument nécessaire de s’opposer à la dérive de la société française vers les idées d’extrême droite. L’opposition à une loi régressive sur la justice des mineurs doit être soutenue. Le succès relatif des manifestations du 22 mars peut nous donner quelques espoirs : augmentation du nombre de collectifs et associations y participant, augmentation du nombre de lieux de manifestation. Mais l’antiracisme et antifascisme restent minoritaires en France aujourd’hui. Il est nécessaire de rappeler que le danger n’est pas tant le risque d’arrivée au pouvoir des partis dits d’extrême droite, que l’application d’idées d’extrême droite par le pouvoir actuel.

Un petit motif d’espoir est malgré tout donné par le micro-trottoir effectué par les journalistes du Populaire du centre dans le petit dossier cité en début de cet édito. Pas une seule personne interrogée ne répond positivement à la question « Êtes-vous d’accord pour que votre épargne finance une partie du réarmement ? ». Un couple insiste même ainsi : « Nous ne donnerons rien qui puisse financer la guerre ».

« Aussi longtemps que le capitalisme existera, Aussi longtemps la guerre existera. » [4]
Nous ne pourrons arrêter les guerres qu’en détruisant le capitalisme et tous ses outils.

OCL Limoges 23/03/25