vendredi 6 février 2009, par
L’article qui suit ne constitue qu’une vision parcellaire de ce qui se passe en Grèce depuis décembre : il est le fruit d’un modeste séjour à Athènes, début janvier, volontairement limité au quartier d’Exarchia.
Nous y sommes allés dans un esprit de solidarité internationale avec la volonté de comprendre et de rencontrer des personnes habitant ce quartier ou/et impliquées dans les évènements qui secouent Athènes depuis le meurtre du jeune Alexis.
Il nous faut cependant tout de suite préciser que si ce meurtre a constitué un élément détonateur d’importantes émeutes, le niveau des mobilisations, actions et occupations est habituellement élevé en Grèce où la conscience politique est très développée. L’héritage conscientisé de « l’époque de la dictature des colonels » de 1967 et des évènements de 1973 (entrée des chars dans l’école polytechnique occupée) n’est pas une vue de l’esprit : il est très présent dans la façon dont nombre de Grecs perçoivent les évènements y réagissent et se racontent.
La situation économique de la Grèce a ceci de particulier que pour satisfaire aux critères de convergence du traité de Maastricht et parvenir à entrer dans la zone euro en 2002, l’Etat a volontairement fourni des chiffres erronés et transgressé les règles du pacte de stabilité. Comme partout ailleurs, des pressions importantes se sont exercées sur la protection sociale et des mesures structurelles ont été prises sur toute l’économie (privatisations, précarisation massive des travailleurs, etc.) mais ici il a fallu mettre les bouchées doubles pour tenter de réduire un déficit bien plus important que les chiffres présentés initialement.
Les Jeux Olympiques ont rapportés 0,5 point de croissance en 2003 et 1 point en 2004. Mais le budget général des Jeux était estimé à 4,6 milliards d’euros pour finalement atteindre…une douzaine de milliards, sans compter les 100 millions annuels pour entretenir les infrastructures surdimensionnées pour le pays.
Par ailleurs, la Grèce recevait jusqu’à présent des subsides européens (45 milliards pour la période 2000-2006) dont les versements se tarissent en 2009.
Les principales ressources économiques proviennent du tourisme. Vient ensuite la marine marchande. Pour être complet il faudrait évoquer la situation de l’agriculture qui a été littéralement ravagée par le projet du capitalisme européen, détruisant quasi totalement l’agriculture paysanne et « vivrière » pour installer le modèle industriel. Agriculture et élevage restent un secteur économique important. Cet aspect mériterait un dossier à lui seul. Ajoutons à cela l’immense destruction de territoires lors des incendies de 2007 en Péloponnèse notamment avec deux cent milles hectares agricoles et forestiers ravagés par les flammes et 4,5 millions d’oliviers détruits dans une région qui fournit 30% de la production nationale.
Ces quelques éléments n’expliquent qu’en partie une situation sociale très détériorée avec peu d’espoir d’amélioration des conditions de vie pour la population.
Athènes compte environ 5 millions d’habitants, soit près de la moitié de la population grecque. Cette répartition date de la dictature des colonels qui avait vidé la campagne de ses habitants. La métropole est constituée d’immeubles de 5 à 6 étages datant des années 60 et s’étend à perte de vue.
Il n’y a pas vraiment de « banlieues » (au sens de lieu de relégation telles que nous les connaissons, de grandes forteresses urbaines) : les quartiers sont plus ou moins pauvres et le brassage des populations reste encore relativement important.
Exarchia, foyer des évènements de décembre
Exarchia est un des quartiers du centre de la ville où se côtoient des personnes de classes d’âge et de classes sociales différentes. Une pépinière de la contestation, de la rébellion. L’Ecole Polytechnique s’y trouve en bordure. A cinq minutes, l’Université d’Athènes (fac de Droit), à dix minutes le Parlement et la place Syntagma. Historiquement, Exarchia est fortement marqué par un esprit de résistance, d’anarchie. L’autonomie y est très implantée : c’est là, entre autre, que les évènements de 1973 se sont déroulés (voir article du numéro précédent). Actuellement, une quinzaine de groupes anarchistes y sont installés dont le plus ancien « Nosotros » (du mouvement anti-autoritaire) fait figure d’institution implantée avec son Centre Social autonome (lieu de rencontres, de discussions et d’échanges de savoirs ou encore de cours de langues gratuits)
Exarchia est un quartier d’intense activité : nombreux cafés que les autorités aimeraient pouvoir fermer, petites imprimeries et librairies, épiceries, bazars, ateliers de coutures, petit artisanat, locaux associatifs,…les rues ont gardé la parole et les murs foisonnent d’affiches militantes et politiques. Les habitants d’Exarchia se qualifient eux-mêmes comme étant le « quartier latin » d’Athènes (se référant à l’image mythique des années 60 à Paris).
Ce sont précisément ces types de quartiers qui ont été détruits par les requalifications urbaines partout en Europe.
Le siège du parti socialiste (PASOK) est installé sur la rue principale qui borde Exarchia (H. Trikoupi) justifiant la présence permanente d’un car de police anti-émeutes.
C’est à 100 mètres de là, dans une petite rue piétonne, fréquentée par beaucoup de gens de tous âges jusque tard en soirée, que le samedi 6 décembre vers 21 heures, un groupe de trois jeunes ont invectivé une voiture de police. L’un des flics est sorti, a insulté les jeunes et a tiré. En quelques heures, des centaines de personnes se sont retrouvées, d’abord à Exarchia, puis plus largement dans la ville (près de 10 000) et dans d’autres villes du pays pour exprimer leur colère sur les faits qui venaient de se dérouler, donnant le coup d’envoi à trois semaines d’émeutes, de révolte généralisée ou d’insurrection en marche, selon les sensibilités qui s’expriment pour qualifier ce mouvement.
Tous nos interlocuteurs ont insisté sur le fait que dès les premières heures, ce ne sont pas seulement les jeunes copains d’Alexis, des lycéens ou des étudiants qui ont pris part concrètement aux actions de riposte et de rébellion mais des membres de la population de tous âges. Ceux qui craignaient de descendre dans la rue jetaient des pots de fleurs ou de l’eau sur les policiers anti-émeutes qui ont très vite occupé le quartier. L’occupation policière a noyé Exarchia de milliers de mètres cube de gaz chimiques (nouvelles grenades livrées par Israël) occasionnant des abandons de logements pour quelques jours et provocant des troubles graves de santé dont trois fausses-couches.
Ces manifestations de révolte ont pris une ampleur totalement imprévisible en l’espace de deux à trois jours où des réactions de sympathie envers les manifestants se sont exprimées de façon très spontanée, par des petites gens, parfois des personnes âgées, particulièrement en ce qui concerne la destruction des banques et des systèmes de vidéosurveillance.
De plus, elles ont concerné des catégories de population différentes. Parmi eux, des jeunes issus de l’immigration et des migrants Albanais, Rom ou Afghans. Ces journées ont été nommées « magiques » par certains et ce qui s’est produit a conduit des participants organisés à considérer que les cloisons d’appartenance à tel ou tel groupe social étaient tombées pour incarner une figure d’insurgé. On retrouve en cela une certaine symétrie historique avec l’Italie de l’autonomie qui au lendemain de l’assassinat d’un étudiant dans la ville de Bologne en 1977 avait littéralement détruit toute la ville en tant que « vitrine du pouvoir et de la domination ».
Si une accalmie s’est dessinée pendant les fêtes de fin d’année, l’arbre de noël géant implanté devant le parlement de Grèce fût sans doute le mieux gardé d’Europe. Brûlé une première fois, le second fut imprégné de produit ignifugeant. De nombreux « petits jésus » ont été enlevés des crèches par le mouvement afin de les échanger contre la libération des prisonniers insurgés.
Nous avons pu constater que les habitants d’Exarchia sont restés mobilisés. Les évènements étaient commentés très librement par des personnes rencontrées dans le bus ou dans les cafés avec un espoir de reprise des mobilisations à l’occasion de la manifestation programmée le 9 janvier. Celle-ci était initialement prévue afin de commémorer l’assassinat d’un instituteur par l’extrême droite, en 1991.
Dans la nuit du 4 au 5 janvier, un flic s’est fait tirer dessus derrière l’Ecole Polytechnique, surveillée de près en permanence. Cet évènement déclencha une vague de perquisitions et d’arrestations. La police anti-émeutes a de nouveau envahi Exarchia, décollant les affiches hostiles, interdisant l’accès à certaines rues de la zone où s’amoncellent les fleurs, les mots de sympathie et les dépôts en tout genre à la mémoire d’Alexis.
Dès le lundi soir, le Comité d’Habitants tenait une assemblée pour discuter de l’attitude à adopter : un débat animé autour de la question « comment virer la police du quartier ? ». Si certains exprimaient leur peur de l’affrontement avec les « batsi » et le fait qu’ils ne cautionnaient pas qu’on leur tire dessus, pour tous il était insupportable que la police occupe Exarchia. Une femme est venue prévenir que les « batsi » étaient stationnés devant la porte du Centre Social « Nosotros » et que personne ne pouvait y entrer ou en sortir. En fin d’assemblée, vers minuit, il a été décidé que tout le monde (une centaine de personnes présentes) descende à Nosotros pour faire partir la police.
Face à la détermination de cette centaine de personnes, passant entre eux pour entrer à Nosotros ou s’interposer entre eux et le local, les batsi se sont retirés.
C’est au cours de cette même assemblée que la décision a été prise de manifester le lendemain à 13 heures pour exiger le départ de la police.
« Descendez dans la rue pour chasser la peur » ; « Dehors les flics, Exarchia est historiquement un quartier libre » ; « Flics, vous voulez faire quelque chose d’utile ? Suicidez- vous ! » ponctuaient la déambulation, ainsi que le fameux « Batsi, gurunia, dolofoni ! » (flics, porcs, assassins !)
Plus de 1000 personnes étaient présentes le lendemain pour cette manifestation qui a repris le lieu où a été tué Alexis mais qui s’est aussi rendue derrière l’Ecole Polytechnique, là où un flic avait été pris pour cible 2 nuits plus tôt, pour invectiver les « batsi » et hurler qu’un demandeur d’asile avait été tué la veille devant l’office de l’immigration par un de leur collègue. La rue répondait aussi directement à la stratégie de défense de l’assassin d’Alexis et à la propagande médiatique. En effet une des déclarations du flic avançait que lui aussi était fils d’ouvrier et ne gagnait que sept cents euros par mois, ce à quoi la manif opposait :
« Batsi vous n’êtes pas les fils d’ouvriers mais les chiens des patrons »
Cette manifestation a été vécue comme un succès : depuis cette date la police se tient autour du quartier mais n’occupe plus l’intérieur.
Les assemblées du Comité d’Habitants se poursuivent à l’heure actuelle à un rythme d’une par semaine.
Revenir sur l’image de l’Ecole Polytechnique
L’Ecole Polytechnique d’Athènes a été vidée de la plupart des étudiants il y a déjà plusieurs années.
Seule reste la filière architecture qui a refusé de quitter les lieux, les autres filières ont été installées aux confins d’Athènes, à environ 30 km du centre.
L’occupation de décembre a été réalisée par des personnes de toutes catégories sociales (travailleurs ou pas, étudiants ou pas, jeunes ou pas) de différentes sensibilités, plutôt anarchistes.
L’asile universitaire est toujours existant mais il a été fragilisé par une loi prévoyant que le Procureur peut, en concertation avec les profs appartenant au conseil universitaire, autoriser la police à y intervenir. Cela s’est produit une fois en 1995, avec plus de 500 arrestations.
En décembre, l’occupation dura 18 jours. Et les occupants ont craint une évacuation par la force mais l’Etat n’a pas choisi cette option. Par contre la police est présente en permanence derrière Polytechnique, d’autant plus depuis le tir du 5 janvier.
De même, le ministre de la défense de Grèce aurait proposé au gouvernement, en décembre dernier, de « régler le problème en 20 minutes », proposition qui n’a pas été retenue. L’occupation s’est stoppée de sa propre initiative le 24 décembre à minuit sur décision de l ‘assemblée ouverte des insurgés solidaires des prisonniers.
Dès le 8 janvier, les assemblées générales ouvertes reprenaient à l’Ecole Polytechnique. Pour la première, il s’agissait d’élaborer une affiche commune et de s’organiser pour la manifestation du 9 janvier. Plus de 500 personnes étaient présentes pour une soirée et nuit de discussion. Trois propositions d’affiche intégrant un texte s’adressant à la population, une atmosphère passionnée et passionnante, avec ses pics de tension liés à des divergences politiques de fond. Parfois des prises de parole intempestives, des engueulades, bref un bouillonnement chaotique mais créatif.
Plus profondément, l’enjeu de cette assemblée était la poursuite du mouvement : certains préférant se limiter au soutien aux inculpés et prisonniers de décembre, considérant de la sorte l’insurrection éteinte. D’autres voulant envisager une mobilisation beaucoup plus large, incluant des actions en direction des populations immigrées ou d’origine étrangère dans la logique des implications de décembre. Des textes aux accents lyriques ou plus lapidaires étaient évoqués et défendus. Au milieu du tumulte quelqu’un exprime sa perception des barricades brièvement : « derrière les barricades, il y a aussi le plaisir »
« Les conséquences de leur violence sont irréversibles »... » La haine a trouvé son reflet dans des milliers d’yeux »… « l’unité nationale s’est cassée en milliers de morceaux »... « la crise des relations sociales leur appartient »... « Nos cris sont devenus des mots qui se sont structurés »... « Seul signe sur le temps notre sensibilité est magique car elle est multiforme »… « nous sommes l’histoire vivante qui va « détruire » la cité interdite »… « Nous avons l’objectif de créer les circonstances d’un état d’urgence réel contre le patronat de ce monde, dans la durée »...
« Ce qui est immédiatement réversible est la détention des insurgés dans les cellules de leur démocratie. Cela concerne tous ceux qui ce sont engagés dans le combat contre la police, tous ceux qui ont compris, tous ceux qui comprendront ».
La référence à des évènements ayant eu lieu en France a souvent été évoquée, en particulier les émeutes de 2005 (mais pas seulement) : « si les étudiants et les immigrés se mettaient ensemble, se serait l’explosion » évoque un participant en rappelant l’intervention du Bonaparte français. Il y a aussi eu une proposition d’affiche en français « Ils ont arrêté vos gosses, n’est-il pas temps de donner une réponse ? » (16 insurgés sont des adolescents de la ville de Larissa, incriminés sous la loi antiterroriste). D’autres projets prévoyaient des textes en albanais, en turc ou en bulgare car de nombreux immigrants ont pris part aux évènements et font partie des personnes incarcérées ou inculpées à la suite des émeutes insurrectionnelles.
A l’issue de la manifestation du vendredi 9 janvier, alors que la police dispersait les manifestants à grands coups de grenades chimiques et procédait à des arrestations en nombre, l’Ecole Polytechnique servait à nouveau de lieu de repli où les manifestants se sont protégés de l’intervention policière et ont élaboré la suite à donner à cette journée.
Les mobilisations de janvier
Le 9 janvier, environ 10 000 personnes se sont rassemblées à Panepistimio (Université d’Athènes) joignant leurs revendications liées aux évènements récents (arrêts des poursuites contre les insurgés de décembre, libération des prisonniers) aux revendications sociales et à la commémoration de l’instituteur assassiné à Patras en 1991 par l’extrême droite.
La manifestation s’est déroulée sous haute surveillance, les hélicoptères survolaient la ville depuis le matin, 3200 policiers « spéciaux » quadrillaient le centre ville et protégeaient les galeries marchandes derrière les grilles fermées.
Le rassemblement a été accueillie par une sono où Kenny Arkana (entre autre) chantait à tue tête « Nous avons la rage », un bombage sur l’Université reprenait ce slogan. Une déclaration du sous-commandant Marcos, enregistrée sur Indymédia Athènes fut diffusée.
La manifestation a duré plusieurs heures, reliant Panepistimio à Omonia puis Syntagma où les premières grenades lacrymo fusèrent et retour à Panepistimio.
Quelques caméras de vidéosurveillance ont été cassées.
La police a cherché à disloquer la manifestation très vite, cherchant à éviter que les manifestants ne se réfugient dans l’Université : une partie du cortège s’est trouvé encerclée et des dizaines d’arrestations et tabassages ont eu lieu.
Un groupe d’avocat du « legal-team » a été molesté et arrêté également. Ce groupe participe par principe à toutes les manifestations et actions de façon à pouvoir intervenir aussitôt pour obtenir des infos et assurer autant que possible la défense des personnes arrêtées et/ou incarcérées. Les 8 avocats arrêtés ce jour-là ont déposé plainte contre l’Etat pour eux-mêmes et les personnes arrêtées avec eux rue Asklipiou.
L’autre partie de la manifestation s’est rendue à Exarchia et à l’Ecole Polytechnique. De violents échauffourées avec les flics ont duré jusque tard dans la nuit, ceux-ci cherchant à interdire l’accès de Polytechnique mais n’y parvenant pas.
Au lendemain de cette forte mobilisation, un groupe d’employés (actifs ou non), de
travailleurs non payés, de travailleurs au noir, d’étudiants, de stagiaires de l’industrie des médias allait occuper le siège du syndicat des journalistes (ESIEA) pour une semaine. Ils énoncent leur solidarité aux insurgés de décembre et lient leur conditions de travail à la façon dont les patrons de médias traitent l’information : toujours du côté des dominants, appareillage idéologique de l’Etat. Ils dénoncent également le rôle de l’ESIEA qui fonctionne comme un syndicat du patronat, refuse les travailleurs tant qu’ils n’ont pas 5 années de maison avec fiches de paies. Ce qui a pour effet que sur 9000 salariés des médias, seuls 4000 sont syndiqués et possèdent donc une couverture sociale.
Dans les assemblées qui ont regroupé jusqu’à 600 personnes, la question du rôle des médias dans l’insurrection a été posée. Ainsi que la critique de leur fonction et des moyens d’en détourner les buts. Dans cet objectif une assemblée générale ouverte aux travailleurs du secteur a été créée et se poursuivra après l’occupation. La fin de l’occupation s’est déroulée sur le spectre d’une vague de licenciements d’une centaine de personne dans un quotidien national. En quittant le siège, l’assemblée exigeait une implication forte du syndicat pour empêcher ces licenciements !
Certains participants à cette occupation considèrent que leur lutte continue par l’implication soutenue contre ces licenciements annoncés.
Dans la foulée, plusieurs universités du pays ont été ou sont toujours occupées (environ 70 sites en Grèce), ainsi que des mairies.
De même, le soutien aux inculpés et incarcérés de l’insurrection reste constant. Exemples : le 17 janvier à Larissa pour la libération des détenus arrêtés pendant les émeutes, la levée des inculpations et l’abolition de la loi antiterroriste. Le 24 janvier dans le quartier athénien de Monastiraki.
Signalons également le blocage du port d’Astakos, à l’appel du FPLP signalant au peuple grec le transit d’armes livrées pas les USA à Israël. La livraison a échoué.
Des initiatives, humbles mais symboliques, prises au cours de décembre, sont en cours de réalisation.
Dans certaines villes ou quartiers, des vitrines de petits magasins ou des kiosques de rue ont été cassés ou incendiés, soit par erreur, soit par des policiers infiltrés. Les manifestants, sur une initiative le plus souvent d’anarchistes, se sont cotisés. C’est ainsi qu’à Thessalonique,
13 000 euros ont été offerts pour dédommagement d’un kiosque. A Athènes, 10 000 euros ont été récoltés pour le moment.
Le soutien à Konstantina Kuneva est une grande préoccupation depuis que cette femme a été agressée le 23 décembre dernier.
Konstantina ne survivra peut-être pas. Et si elle survit, elle restera gravement diminuée. Une caisse de solidarité a été mise en place pour qu’elle puisse faire face aux soins et à son quotidien.
Un pouvoir qui marche sur des braises.
Le premier ministre Karamanlis a survécu aux incendies de la Grèce en 2007 conforté par l’émergence d’une extrême droite à 3%. Face à l’embrasement de décembre, il a opéré un remaniement ministériel passé totalement inaperçu, la veille du nouveau rassemblement du 9 janvier. On peut considérer qu’il tente de jouer sur un pourrissement du mouvement et sur les dissensions internes en essayant avec les médias de dissocier lycéens-étudiants/anarchistes/ migrants/travailleurs/précaires. Bien qu’il en ait le pouvoir légal, l’Etat n’a pas tenté de s’attaquer au droit d’asile universitaire, ce qui risquerait de démultiplier la légitimité du mouvement. Quant à une intensification militaire, elle serait explosive ! Par contre les forces spéciales tentent de couper la retraite aux facs lors des manifestations et de paralyser les possibilités d’assemblées ouvertes. L’intervention des forces de police se limite à une présence ostensible et à des échauffourées. Au final, aux vues des évènements, le nombre d’inculpation et d’incarcération reste assez faible (67 incarcérations, environ 300 inculpations).
Quoiqu’il en soit, une nouvelle phase s’est bien amorcée dans ce mois de janvier avec les occupations multiples. L’élargissement des préoccupations politiques se confirment et ne faiblissent pas ! Pourtant les meilleurs chiens de garde de ce pouvoir et de l’état s’incarnent par le parti communiste Grec qui qualifie le mouvement autonome, anarchiste, d’agents de la CIA. Quant aux syndicats ils jouent le jeu attentiste du PS Grec qui se tient en embuscade, se présentant comme l’alternative perpétuelle. Difficile d’analyser l’attitude du parti Syrisa qui bien que présent dans les mobilisations semble dénigrer les potentialités de ce mouvement essentiellement auto-organisé, de même que les potentialités du mouvement anarchiste. Il tend à légitimer surtout les lycéens et les étudiants, foyer potentiel de recrutement pour de nouvelles échéances parlementaires.
Rien ne sera plus jamais comme avant martèlent les compagnons de l’insurrection ! On peut douter en effet que tout ceux qui ont participé à ce mois de décembre rentrent un tant soit peu dans le rang tandis que les maîtres, les traîtres, les assassins, et les tortionnaires courent toujours. Ce mouvement qui est présenté comme le plus important depuis la création de l’état grec par d’autres compagnons, est de nature à ensemencer l’Europe entière… Alors le pouvoir et l’Etat, dans la braise ?
Aspe-Ouest, Pyrène