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Cordistes en colère s’invite aux championnats 2024

mercredi 7 août 2024

Les jeudi 27 et vendredi 28 juin 2024, c’était la onzième édition du championnat de France des cordistes, organisé par France travaux sur corde (FTC) organisation patronale qui cette année a refusé la présence des organisations de salarié·es.

Durant les deux jours, 102 cordistes concourent sur des épreuves finement préparées. Brillantes de matériels neufs qu’on aimerait voir plus souvent sur les chantiers.
En parallèle, fabricants de matériels, agences d’intérim et centres de formation tiennent des stands pour promouvoir une profession toujours en plein essor.

De leur côté et comme prévenus en amont, ni l’association, ni le syndicat, qui représentent conjointement les ouvrières et ouvriers cordistes, n’ont droit pas à un stand.

Le récit complet de ces championnats et la façon dont la parole des cordistes est parvenue à s’imposer est à lire sur le site cordiste en colère. Nous reproduisons ici la prise de parole qui s’est imposée avant la remise des prix.

Championnat de France cordistes 2024 Marseille

PRISE DE PAROLE CORDISTES EN COLÈRE ET SOLIDAIRES

Pardon d’interrompre une si belle remise de prix.
Nous nous tenons au côtés de nos collègues compétiteurs, mais nous avons un message à délivrer à FTC.

Ce n’était pas prévu au départ. Nous intervenons dans un contexte bien particulier.
Hier, un collègue a perdu la vie. Il s’appelait Iason.
En avril c’est Philippe qui chutait mortellement à Nice. Mais aussi Marc, qui perdait la vie dans un accident de trajet avant d’arriver sur chantier un lundi matin.
Toutes nos pensées vos à leurs proches et leurs collègues.
Vous célébrez autour de ce podium l’esprit de compétition, de vitesse, de prise de risque, d’engagement à outrance du corps. Alors que les règles élémentaires de sécurité au travail prônent tout l’inverse : la prudence, l’observation, l’attention, la préservation de soi et des autres.

Mais nous avons bien compris que ces règles vont à l’encontre de vos valeurs cardinales, le profit, la rentabilité, la performance. Qu’elles sont un frein à la bonne marche des affaires.
Souvent, ça passe.
Quelquefois ça casse.
Pas grave, l’être humain se remplace. Les morts s’oublient.
Business must go on.

Pardon d’interrompre une si belle remise de prix, mais vous ne nous avez pas laissé le choix.
En 2019, vous nous aviez acceptés du bout des lèvres. Pensant peut-être que nous ferions de la figuration.
En 2022, vous nous avez opposé un refus catégorique. Vous avez toutefois accepté le syndicat Solidarité Cordistes, pensant peut-être qu’il ferait de la figuration.
Cette année, pas d’association, pas de syndicat.
Circulez, y a rien à voir. Y a rien a dire.
Pour plus de sûreté, vous avez également supprimé la table ronde, évacuant ainsi toute velléité de prise de parole qui ne vous caresserait pas dans le sens du poil. Vous appliquez pour une fois le premier des principes généraux de prévention énoncé par le Code du travail : supprimer le risque.
On aimerait vous voir appliquer le même zèle lors de l’organisation des chantiers.

La suppression de cet espace de parole constitue une marque de mépris pour nous, travailleuses et travailleurs.
Mais au-delà, c’est une violence sans nom infligée aux proches de cordistes morts dans l’exercice de leur métier.

En 2022, Martine est venue crier sa douleur. Celle qui ne la quitte plus depuis l’accident de son fils Régis. Plus que quelques gouttes de sang sur une affiche, elle a gâché la fête, votre fête, comme certains d’entre vous l’avaient pleurniché. Juste en dénonçant les réalités du métier.
Refuser d’entendre cette parole est indigne. C’est scandaleux. C’est révoltant. Par ce refus vous montrez votre point faible.

Martine n’est malheureusement pas un cas isolé.
Combien de mères, de pères, de sœurs, de frères maudissent à tout jamais le métier de cordiste ? Combien de femmes, de compagnes, luttant pour se reconstruire, pour que passe la justice ? Combien d’enfant grandiront sans la main de leur père ou de leur mère pour les guider ?

Faut-il le rappeler, depuis 2006, 36 cordistes sont morts dans l’exercice de leur profession. 36 vies arrachées à leur famille, à leur proches, à leur avenir. Combien d’accidents graves ?
Les ignorer, c’est les tuer, les mutiler une seconde fois.
Les invisibiliser, c’est infliger une double peine à leur entourage.
Mois après mois, année après année, la liste de nos morts et de nos accidentés continue de s’allonger. Inexorablement. Les mêmes causes, répétant sans cesse les mêmes accidents.
Et pour cause, ces accidents ne font l’objet d’aucun retour d’expérience. D’aucune analyse propre à éviter leur réitération.

Pour France travaux sur cordes, les accidents ça fait tâche. Ça gâche la fête. La fête du business.
Sur le sujet, votre organisation patronale n’en est plus à son coup d’essai.
Refus de la mise en place d’une plateforme accidentologie, après vous y être engagés. Refus de soutenir la mise en place d’un code APE. Multiples manœuvres pour repousser, invalider, voir bloquer de tout votre poids la plupart des propositions pour enrayer l’hécatombe des accidents.
Certains vont même jusqu’à invoquer la fatalité. Certifiant la main sur le cœur que le risque zéro n’existe pas. Que les récents accidents survenus en milieux naturels sont dus à une nature imprévisible, hostile et sacrificielle, prélevant quelques vies au hasard de ses humeurs. Travailler en milieux naturels ce serait une vocation qu’il faudrait choisir en acceptant de prendre des risques. En acceptant, qu’un jour, peut-être on y laisse sa vie.
Pratique, quand on veut s’exonérer de ses obligations légales.

Que le risque zéro existe ou non de manière théorique, la question n’est pas là.
Les risques doivent être maîtrisés par tous les moyens possibles. C’est le code du travail qui l’impose.
Autrement que le podium du meilleur ou de la meilleure cordiste, nous voulons vous rappeler les classements sur le podium de la mort au travail.
Au classement européen, la France fait partie des champions de la mortalité au travail.

Pour ce qui est du classement national des professions les plus exposées, les cordistes et élagueurs arrivent dans le peloton de tête aux côtés des marins pêcheurs, des bûcherons, des couvreurs et agriculteurs.
C’est un fait, cordiste est l’un des métiers les plus mortels de France.

Pour rappel, la moyenne nationale, c’est 3,5 morts au travail pour 100 000 salariés chaque année.
Dans le BTP, c’est 10,2.
Chez les cordistes, ce taux s’élève à 37, 5 morts pour 100 000 travailleurs !
3 fois plus que dans le BTP. 10 fois plus que la moyenne nationale !
Mais visiblement, il en faudrait plus pour émouvoir nos dirigeants.

En France, plusieurs indicateurs sont synonyme de forte accidentologie : être jeune, ouvrier, intérimaire, travailler dans le BTP, travailler pour une entreprise sous-traitante.
Les cordistes cochent toutes les cases.
On peut en ajouter quelques unes : le manque d’encadrement, l’absence de supervision, le défaut de formation spécifique…

Cet inventaire à la Prévert nous promet une lutte de longue haleine.
Les exclusions, les intimidations et les procès bâillon ne nous feront pas taire !
Au contraire, ce mur de mépris nous rend plus déterminés que jamais.
Beaucoup nous rejoignent dans cette lutte. Ensemble nous bâtissons des possibles.
Ce n’est qu’un début.

Voir en ligne : lire le récit intégal de ces journées sur le site "cordistes en colère - cordistes solidaires"

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