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Où allons-nous ? Vers l’incertitude et le conflit permanent ! Quelques mots de et sur la révolte d’octobre

textes traduits 4

dimanche 3 novembre 2019, par admi2


Où allons-nous ? Vers l’incertitude et le conflit permanent !
Quelques mots de et sur la révolte d’octobre

"A partir d’un certain point, il n’y a plus de retour.
C’est le point à atteindre."
Franz Kafka

La protestation indomptable des lycéens contre la hausse du ticket de métro et la réaction répressive immédiate ont été le scénario idéal pour que, quelques jours plus tard, la guerre sociale surgisse crument.

La dynamique du conflit fut rapide, imprévisible et instinctive. Le malaise centré principalement sur le métro s’est répandu et a commencé à exploser et à devenir visible, avec des formes de combat qui éclatent - littéralement - dans tous les coins de Santiago. Le 18 octobre 2019, un contexte de révolte généralisée s’est déchaîné dans toute la capitale ; barricades et affrontements se sont succédé à tout moment et en tout lieu. Différents symboles, structures et infrastructures du pouvoir ont été attaqués dans toute la ville, et bientôt dans tout le pays. L’ordre se fissurait et la transgression inondait toutes les rues, et soudain les sujets se regroupaient et attaquaient ce qu’ils ont toujours considéré comme leurs chaînes. Il n’y a pas de planification, mais une spontanéité qui reconnaît clairement son ennemi : l’État, le capital et ses forces répressives. Les cibles sinistrées ou pillées en sont le meilleur exemple : Ministères, institutions financières, sociétés prédatrices de la terre, grands entrepôts de stockage de marchandises et de nourriture, etc..

La violence révolutionnaire a éclaté et a été validée sur les terrains les plus larges de l’oppression.

Certains théoriciens détestables ou soucieux de la plus basse "compétition » entre groupes politiques ont demandé : Où étaient les anarchistes ? Or la réponse est des plus simples : dans la rue, dans les quartiers, dans les villes, dans la révolte multiforme, dans les combats de rue. La vérité est qu’il n’y a pas eu beaucoup de temps pour s’asseoir afin d’écrire ou d’esquisser quelques idées, pendant ces jours-ci nos jours, ça a été simplement impossible.

Face à l’ampleur et à la profondeur de la révolte, qui semblait parfois capable de secouer l’Etat de réellement et efficacement en peu de temps, la réponse des puissants a été de décréter un "état d’urgence", de mettre l’armée dans les rues pour patrouiller et d’instaurer un couvre-feu qui a duré plusieurs jours dans plusieurs lieux.

La suspension rapide de la hausse du tarif du métro par les autorités a montré que cette révolte n’a pas une revendication précise. Elle n’a pas de "demandes" ou d’ "exigences" spécifiques, ou plutôt, il y en a tellement qu’elle est en définitive contre le monde gouverné par l’autorité et la marchandise.

Pour sa part, la répression s’est abattue avec un arsenal qui, bien qu’il n’ait jamais complètement disparu, renaît aujourd’hui et reprend sa propre continuité historique : violences sexuelles, milliers de détenus, centaines de blessés par balles, dizaines de camarades qui ont perdu leurs yeux, séances de torture, meurtres où les corps sont lancés dans des incendies pour couvrir les auteurs en uniforme des massacres, et mise en pratique de stratégies contre-insurrectionnelles distinctes et successives..

Les choses avancent rapidement et suivent leur cours ; les anarchistes sont dans la rue en cherchant à mener le mouvement à un point de non retour avec l’autorité. Différentes postures sont apparues dans la pratique même des combats, dans l’atmosphère de révolte et dans les possibilités qui en découlent. Plusieurs ont coïncidé dans des appels et des tentatives de formation d’assemblées de quartier, d’expériences de "contre-pouvoir" ou de "pouvoir populaire", joyeusement qualifiées par la presse de "conseils citoyens" qui permettraient d’élaborer une liste de revendications négociables et, bien sûr, de visages ou d’organisations avec lesquels s’accorder. Des assemblées qui, comme nous pouvons le voir, sont devenues l’alternative citoyenne et la sortie pacifique du conflit se révélant être un engrenage de plus de la domination.

L’intensification du conflit ouvre indéniablement des voies où il est possible de rencontrer, de construire et de générer des réseaux avec des personnes et des groupes divers, toujours dans une perspective de lutte et d’une manière anti-autoritaire, éloignés de et opposés à toute forme de direction éclairée ou de tentative de leadership centralisé. A ce stade, l’idée de confrontation permanente prend tout son sens quand on ne prend rien pour établi ou perpétuel, le dynamisme de la lutte doit nécessairement conduire à l’élimination de tout type d’autorité, que ce soit celles de l’Etat, de l’assemblée ou de tout autre instance qui prétend contrôler nos vies.

Cette révolte, qui n’a ni nom ni adresse unique, n’est à personne parce qu’elle est à tous les rebelles et insurgés qui se battent dans la rue ; c’est pourquoi prétendre de manière ridicule se voir s’attribuer telle ou telle action dans le cadre de cette révolte est simplement essayer grossièrement d’exercer sur elle son hégémonie.

D’autre part, nous avons besoin à présent de nous rappeler les débats du passé même si c « était dans une situation moins intense. Créer des espaces de coordination et de rencontre où l’axe fondamental est de parier sur une confrontation violente contre les appareils d’Etat. En ce moment, le pouvoir a sorti dans la rue son visage le plus brutal, ce qui, loin de nous paralyser, constitue un appel à lever notre ligne de mire en fonction des nouveaux scénarios qui se présentent et qui s’annoncent. L’offensive doit être envisagée comme une pratique réelle, au-delà du discours, et nous devons être capables de construire une infrastructure qui nous permette de nous tenir face à eux. C’est là que certains doutes nous agitent : sommes-nous capables de soutenir, d’intensifier et d’étendre la confrontation violente contre le pouvoir dans ce nouveau panorama ? La révolte est-elle contagieuse et reproductible, jusqu’à quel point ? Nous avons été témoins de la façon dont la social-démocratie a capté cette colère et en l’encapsulant dans des revendications qui étaient "en dehors" des demandes ; nous n’avons pas de revendications, mais des paris, et notre pari est la destruction de l’Etat, de ses promoteurs et défenseurs. Que la catastrophe sociale annonce l’effondrement des rapports fondés sur la logique capitaliste et que l’affinité nous pousse à continuer à marcher vers ce point de non-retour.

Comme d’habitude, nous n’avons pas les réponses à l’inverse d’autres organisations qui planifient déjà l’administration et les fédérations de ces assemblées, leur durée, leur révocabilité et leurs statuts, mais plutôt des questions et des inquiétudes pour ceux d’entre nous qui comprennent l’anarchie comme tension permanente. Face à l’incertitude du moment, nous recueillons des expériences, reconnaissons, lisons, apprenons et partageons des réflexions et des conversations urgentes entre les heures de confrontation intense dans la rue et la désobéissance au couvre-feu. Nous savons qu’il s’agissait, qu’il s’agit et qu’il peut s’agir d’un moment important et que se sont ouvertes des possibilités jamais envisagées auparavant quant à la destruction effective de l’État, mais notre boussole continue à être la critique, même dans ces moments cruciaux. Nous savons parfaitement ce qui nous transforme en esclaves, et nos pas doivent aller précisément dans la direction opposée.

Que ce soit clair. Ceux qui soutiennent, promeuvent et défendent le capital et la domination sont nos ennemis.

Pour la libération de tous les prisonniers de la révolte et des prisonniers subversifs !
Solidarité avec les blessés et les victimes !
La révolte est reproductible et contagieuse !

"Tu ne sais pas à quel point les puissants trembleraient si nous amenions la violence à la porte de leur maison. S’ils voyaient leurs privilèges et leurs vies menacés, ils négocieraient pour ne pas tout perdre."
Ulrike Meinhof

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