jeudi 4 octobre 2012, par
Extension du mouvement gréviste à de nouvelles mines, dont une de fer, poursuite de la grève des camionneurs, l’usine Toyota de Durban paralysée.
Le 3 octobre 2012
L’augmentation de 22% des salaires obtenus par les 3000 foreurs de Marikana (et les 11 à 15% obtenus par les autres catégories) a provoqué l’extension, jusque-là continue, d’un mouvement de grèves sauvages dans le secteur minier de l’Afrique du Sud. Pour l’instant, ni la répression policière, ni l’encadrement musclé et les intimidations violentes du syndicalisme officiel, ni les licenciements systématiques, ni les expulsions en masse des grévistes de leurs logements n’ont eu raison de la détermination des travailleurs des mines de platine, d’or, de chrome, de diamants et maintenant de fer, dans différentes régions du pays.
Une mine de fer et deux nouvelles mines d’or sont entrées dans le mouvement ces dernières 48 heures – Le chiffre de 100.000 grévistes sans doute dépassé – Alors qu’environ 28000 camionneurs entent dans leur deuxième semaine de blocages, l’essence et les billets de banque commencent à manquer – Les travailleurs de la grande usine Toyota située près de Durban, sont en grève depuis lundi.
Spéciale dédicace à ceux qui pensent que la lutte de classe est dépassée ou n’existe plus.
Deuxième spéciale dédicace à ceux qui admettent la lutte de classes, mais qui, par aveuglement ou imbécilité, par solidarité politique ou d’appareil avec les NUM, COSATU, Parti Communiste d’Afrique du Sud et ANC, tous au gouvernement de Pretoria, ne bougent pas le petit doigt, n’informent pas, ne se solidarisent pas avec le plus grand mouvement gréviste de ces quinze dernières années.
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Une mine de fer touchée par le mouvement
Mercredi 3 octobre, les mineurs d’Afrique du Sud ont démarré une grève sauvage à la mine de fer de la société Kumba Iron Ore (à Sishen, près de la ville minière de Kathu) dans le nord du Cap, signe supplémentaire de l’escalade des conflits du travail dans la plus grande économie d’Afrique. Après le platine et l’or, ainsi qu’une mine de diamants et une autre de chrome, c’est maintenant le secteur des mines de fer qui est touché.
« Nos membres à Sishen nous ont dit que les gars se sont mis en grève à 2 heures ce matin et nous avons cru comprendre que les cadres sont descendu au fond ce matin », a déclaré Gideon du Plessis, secrétaire général adjoint à l’industrie du syndicat Solidarity [syndicat de cadres].
Le syndicat Solidarity ne participe à la grève. Le porte-parole Kumba a refusé de faire un commentaire, mais a dit que la compagnie publierait une déclaration sous peu.
Kumba Iron Ore, qui est une filiale de la société minière mondiale Anglo-American, est l’un des 10 premiers producteurs de minerai de fer, qui est utilisé principalement dans la production d’acier. La société a produit 41,3 millions tonnes de minerai en 2011.
Deux nouvelles mines d’or en grève
Harmony Gold Mining. Le producteur d’or Harmony Gold Mining (n° 3 du secteur en Afrique du sud) a également déclaré mardi que les travailleurs de la mine Kusasalethu, près de Carletonville (75 km à l’ouest de Johannesburg), dans le Nord-Ouest, avaient cessé le travail. La grève a commencé lorsque 300 mineurs se sont barricadés dans un secteur de la mine, bloquant l’arrivée de l’équipe de nuit.
Selon la porte-parole de la mine, Marian Van der Walt, la majorité des 5400 travailleurs était en grève mercredi. Elle a déclaré que les négociations entre les grévistes et la direction avaient déjà commencé.
Gold One. Une autre grève sauvage a frappé la compagnie Gold One International, hier mardi, quand les mineurs ont cessé le travail à la mine Cooke 4 d’Ezulwini, près de Westonaria, (West Rand, province de Gauteng). Mercredi, la direction de la mine d’or Gold One a annoncé avoir suspendu « 1.300 à 1.400 de ses 1.800 employés » en grève illégale sur son site de Ezulwini. Les trois autres mines (Cooke 1, 2 et 3) ne seraient pas touchées.
Cette nouvelle grève dans le secteur des mines de fer ainsi que dans un nouvelle mine d’or survient au moment où les conflits s’étendant dans le secteur des mines et où une grève nationale des camionneurs nationaux a commencé à bloquer les fournisseurs de carburant dans le pays.
Les revendications d’augmentation des salaires des mineurs (platine et or surtout) varient de 12.500 à 18 500 rands [*]. Les travailleurs d’une mine de diamants de Kimberley Underground, dans le Northern Cape (centre-ouest du pays), qui appartient à la société Petra Diamonds (siège social à Jersey), exigent eux 21.500 par mois.
Dans une autre grève illégale sur les salaires dans la compagnie minière Petmin, un garde de sécurité a été retrouvé mort. Il aurait été frappé par le couteau que brandissaient ses assaillants de la mine de Somkhele, dans la province du KwaZulu-Natal, ont rapporté les médias locaux citant des sources policières.
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Combien de grévistes ?
Difficile de savoir avec précision, selon que les sources veulent minimiser ou dramatiser.
Mardi soir, la presse disait qu’au moins 75.000 mineurs, soit 15% de l’ensemble des travailleurs du secteur minier de l’Afrique du Sud, étaient déjà en grève dans les mines de platine et d’or, dont
Selon Lesiba Seshoka, le porte-parole du syndicat des mineurs National Union of Mineworkers (NUM), opposé aux grèves « sauvages », les grèves illégales en cours impliquent plus de 100 000 travailleurs (soit environ 20% des mineurs de tout le pays) dans 7 entreprises :
Avec les nouvelles grèves de la Harmony Gold Mining et de la Gold One International, ce chiffre devait encore augmenter.
T-Shirts syndicaux brûlés
Les travailleurs en grève de la mine de chrome de Samancor ont bloqué l’entrée de la mine et brûlé leurs t-shirts du Syndicat national des mineurs (NUM) à Mooinooi, près de Rustenburg, ce mercredi 3 octobre.
« Nous ne voulons pas de la NUM », ont-ils crié alors qu’ils plaçaient leurs t-shirts rouges sur un faux cercueil auquel ils ont mis le feu.
Pule Pooe, un mineur, a déclaré que les travailleurs ne voulaient plus de la NUM pour les représenter. « Les responsables syndicaux nous ont trompé. Ils ne servent plus nos intérêts », a-t-il déclaré
Il a dit que brûler les t-shirts symbolisait l’enterrement de la NUM.
Un leader des mineurs, Phillip Mntombi a déclaré qu’ils avaient barricadé la route avec des pierres et des rondins parce qu’ils s’étaient vu refuser l’accès aux bâtiments de la mine afin de parler à la direction. « Les travailleurs ont décidé de prendre d’assaut le bâtiment après qu’un comité qu’ils ont élu s’est vu refuser l’accès afin de rencontrer la direction. Ils ont dit que si la direction ne pouvait pas répondre à cinq personnes, elle devait répondre à tous les travailleurs. »
Mntombi a déclaré que les ouvriers se sont mis en grève vendredi dernier, exigeant un salaire mensuel de 12.500 Rands. « Au total, notre revendication est de 17.000 Rands, y compris les allocations », dont une indemnité pour travail souterrain de 1800R et une allocation de vie à l’extérieur de 1500R.
La police surveillait les ouvriers, qui s’étaient rassemblés sur le terrain de sport. La situation est arrivée à un point de non-retour lorsque la police leur a demandé de déposer leurs bâtons et knobkerries [bâtons ressemblant à des clubs ou à des cannes, terminés par une boule : sert pour des combats rapprochés]. Certains ont refusé et la police a pris leurs armes de force tandis que beaucoup d’autres grévistes parvenaient à s’enfuir en courant dans les buissons avec leurs bâtons.
Toyota touché par une grève
Une grève a éclaté lundi après-midi dans l’usine automobile de Prospecton, à Durban, provocant l’arrêt de la production de véhicules, a confirmé un porte-parole société Toyota mercredi, qui a parlé d’une « absentéisme de masse ». Toyota South Africa Motors (TSAM) est le principal producteur automobile d’Afrique du sud. L’usine a une capacité de production de 220.000 unités par an. Elle fournit le marché intérieur et est aussi une plateforme d’exportations (50% environ de la production du site). Le conflit portrait sur les salaires (augmentation de 3,22 rands de l’heure, soit 30 centimes d’euro).
Le mouvement est semble-t-il là aussi parti de la base, car déclaré « illégal », le syndicat national des métallurgistes (NUMSA) ayant en outre déclaré être « en discussion avec direction de Toyota et les ouvriers » sur un mouvement social sur les salaires déclenché alors que l’accord salarial qu’il a signé court jusqu’en 2014.
Le mouvement des camionneurs continue
Pour la deuxième semaine consécutive, environ 28.000 grévistes ont reconduit le mouvement. Ils demandent 12% d’augmentation des salaires. Des manifestations ont eu lieu dans les principales villes.
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Des distributeurs de billets ne sont plus approvisionnés. Les stations-services ont commencé à se tarir, notamment dans plusieurs régions de la province de Gauteng, le centre économique du pays, selon l’Association sud-africaine de l’industrie pétrolière (SAPIA). SAPIA a averti le public de ne pas faire des achats de panique, affirmant que les pénuries ne sont pas encore très répandues.
Les autorités du transport estiment que 80% du transport des marchandises dans le pays se font par la route.
La grève a également interrompu la livraison de charbon dans les hôpitaux publics, qui ont besoin de carburant pour fonctionner leurs chaudières pour l’eau chaude et le chauffage. Les pièces détachées de certaines industries en flux tendus, dont l’automobile, commencent à manquer, tandis que les stocks commencent à s’étoffer.
Tous les jours, la presse fait état de camions sabotés ou brûlés.
Combien de nouveaux décès ?
En début de semaine, la NUM avait annoncé qu’au moins 5 personnes avaient été tuées dans des violences liées au conflit minier pendant le week-end. Un porte-parole de la police a déclaré qu’un seul meurtre pouvait être mis en relation avec le conflit, un garde de sécurité de la mine de Somkhele, dans la province du KwaZulu-Natal, les quatre autres décès résultant plutôt de bagarres privées.
Bourgeoisie noire et de gauche
Le président Jacob Zuma prévoit de dépenser 18 millions d’euros d’argent public pour faire rénover sa résidence rurale privée. Située à Nkandla, à l’est de l’Afrique du Sud, c’est là-bas que vivent ses quatre épouses et ses enfants. C’est ce que révèle le journal City Press, se basant sur des documents officiels mais confidentiel.
La rénovation de la résidence privée, entamée en 2010, devrait inclure la construction d’un héliport, d’une clinique pour le président et sa famille, dix maisons pour le service de sécurité, un parking souterrain, des aires de jeu et un centre pour visiteurs.
Le président avait initialement annoncé qu’il paierait de sa poche la facture, mais selon des documents du département des Travaux publics, publié par le journal City Press, le chef de l’Etat sud-africain n’aurait à payer que 5% des travaux.
Syndicats débordés en plein confusion
Depuis le départ du mouvement, à Marikana, le syndicat NUM est totalement débordé. Après avoir essayé physiquement d’empêcher le déclenchement de la grève, le syndicat des mineurs n’a eu de cesse de dénoncer le patronat des mines qui accorde des augmentations de salaires malgré le caractère « illégal » des grèves et le fait qu’elles se situent en dehors du cadre de la négociation collective. Selon la NUM, les patrons en cédant aux grévistes, encouragent les violences et les désordres. Le syndicat visait surtout les compagnies Impala Platinum (conflit du début de l’année) et Lonmin (Marikana) d’avoir cédé aux grévistes et du coup d’avoir placé le syndicat en porte-à-faux.
Mais cette position se révèle réversible. Le 29 septembre, le secrétaire général de la COSATU a annoncé devant les grévistes de la mine d’or Gold Fields que son syndicat allait reprendre la voie des négociations avec le patronat des mines sur les salaires. Tentative évidente de reprendre la main, une première rencontre était programmée pour le mercredi 3 septembre avec la Chambre patronale des mines en particulier en demandant une révision de l’accord bi-annuel en cours dans le secteur des mines de charbon et d’or. Cet accord ne concerne pas les mines de platine.
Le 3 octobre 2012
(d’après ABN Digital, miningweekly.com, Reuters, AP, Times de Johannesburg,…)
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Note
[*] Cours du rand ce jour, 1 rand = 0,0919 euros.
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Infos précédentes ici :
http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article1224
http://oclibertaire.free.fr/spip.php?breve464
(avec les infos additionnelles placées dans les commentaires)
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