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Tribune : Ils ont volé la banderole du lycée Mozart

mercredi 12 décembre 2018, par OCL Paris

« Lycée Mozart 93 – des besoins, des désirs pas de moyens, c’est ça la violence » : voilà ce qui était inscrit sur la banderole du lycée Mozart du Blanc-Mesnil que des CRS ont confisquée aux professeurs partis manifester à Saint Lazare le samedi 8 décembre à l’appel du comité vérité et justice pour Adama pour rejoindre la manifestation des gilets jaunes. Cette banderole, nous l’avions confectionnée en 2010 pour protester contre les EMS (Equipe Mobile de Sécurité) qui consistent en des espèces de milices de l’éducation nationale dont la fiche de poste mentionnait la « pratique des arts martiaux » et qui, aujourd’hui, sont systématiquement appelées pour venir casser les blocus d’élèves. Depuis, cette banderole a fait son apparition dans plus d’une centaine de manifestations et actions menées par les professeurs et/ou lycéens de Mozart. Ce vol de notre banderole dit l’essentiel de la politique du gouvernement Macron : faire disparaître les revendications pour laisser libre cours à une répression féroce et aveugle.


Cette répression qui, après avoir touché les gilets jaunes, s’est abattue cette semaine sur les lycéens en lutte depuis le vendredi 30 novembre, a eu notamment pour effet, par un tir tendu de flash ball, de défigurer Issam, un élève de Terminale du lycée Simone De Beauvoir à Garges-les-Gonesses et de fracturer le front d’Oumar un élève de Seconde du lycée Jacques Monod près d’Orléans, de mettre à genoux les mains derrière la tête deux heures durant 151 lycéens à Mantes-la-Jolie et de mettre en garde-à-vue des dizaines d’autres. Cette volonté de répression avait déjà été affichée par ce gouvernement avec la nomination d’un chef gendarme détaché pour assumer la charge de proviseur au lycée Utrillo de Stains début novembre dernier et a été réaffirmée depuis par ces stages de proviseurs de l’Académie de Versailles dans des camps militaires de l’armée ainsi que par l’annonce de la création de nouveaux « centres éducatifs fermés » en lieu et place de moyens supplémentaires pour nos lycées. Il s’agissait déjà de stigmatiser nos élèves comme des délinquants potentiels, de la « racaille » qu’il s’agit simplement de mater.
La stratégie de cette dernière semaine a confirmé cette volonté de décrédibiliser la lutte des lycéens. Comme de nombreux autres collègues dont notamment ceux de Mantes-la-Jolie, nous avons dénoncé, en dépit de nos demandes répétées et parfois appuyées par l’exercice de notre droit de retrait, le refus catégorique des rectorats et des préfectures de fermer les lycées qui, de ce fait même, deviennent des cibles toutes désignées pour cette partie de la jeunesse dont l’abandon est tel qu’il déchaîne une colère sans bornes. C’est ainsi que l’Etat a obtenu ces images de façades de lycées aux vitres totalement brisées, de feux de poubelles ou encore de voitures incendiées et s’est permis alors de traîner dans la boue la mobilisation lycéenne. Ce refus de fermer les établissements en danger relève d’une décision politique préméditée et d’une irresponsabilité affirmée.

Que veut donc faire taire et disparaître le gouvernement Macron ?

Ce sont toutes les revendications que nous portons par tous les moyens (manifestations, audiences, communiqués, motions votées au CA, blocages lycéens) depuis une dizaine d’années et de manière plus urgente encore depuis deux ans au vu de l’aggravation brutale et constante de la situation que nous subissons. Ce sont les revendications qui concernent d’abord le manque de moyens humains (alors que l’effectif des élèves de notre lycée est passé de 700 à 1100, seul un demi-poste de CPE a été créé) et matériels (exiguïté des locaux, chauffage et isolation défectueuses). Ce sont les revendications qui concernent l’accès aux études et à l’Université avec la dénonciation du système de sélection à l’université (Parcoursup) qui a frappé de manière absolument violente nos élèves habitants des quartiers populaires. Ce sont celles enfin qui nous conduisent à refuser la « réforme » du bac (disparition programmée du diplôme national qui ne fera que renforcer la sélection et creuser les inégalités) et celle du lycée (instauration d’un contrôle continu qui dénaturera la relation que nous entretenons avec les élèves et empêchera tout processus d’apprentissage digne de ce nom).
Nous n’avons eu de cesse non plus de dénoncer les mensonges du gouvernement par la voix de son ministre Blanquer :

Non, Parcoursup n’a pas apporté plus de justice ni d’équité mais n’a fait que renforcer les inégalités et la violence de la sélection.
Non, les politiques sécuritaires n’ont jamais réglé les problèmes que connaissent les lycées.
Non, cette réforme n’a nullement pour but de permettre à tous les élèves de réussir.

Contrairement à ce que cet homme continue de clamer partout, au moyen d’une méthode managériale dont les dégâts sont maintenant connus de tous, il n’a pas consulté des milliers de professeurs et d’élèves avant de fixer les programmes et de déterminer les modalités de ce nouveau fonctionnement du lycée. Car tout est fait dans l’ombre, à l’abri du regard des principaux concernés, et quand le rideau se lève, tout est déjà joué et la fin de la pièce aura déjà eu lieu sans ses acteurs. À l’heure actuelle encore, nous n’avons ainsi aucune information précise sur les spécialités que notre lycée proposera dès la rentrée prochaine. Nous ne connaissons absolument pas non plus le nombre d’élèves qui composeront les groupes dans lesquels les élèves sont répartis car, avec la disparition des filières, il n’y aura désormais plus de classes. Blanquer oublie de dire que la flexibilité du nouveau système et l’absence de seuil maximum pour la constitution des groupes ne sont là que pour rendre possible les milliers de suppressions de postes annoncées clairement cette fois par le ministre, en septembre dernier. Nous n’avons pas non plus d’informations sur la nature des épreuves et des exercices qui donneront lieu à des évaluations alors que nous devrions dès maintenant y préparer nos actuels élèves de Seconde qui en seront donc les premières victimes expiatoires et la génération sacrifiée sur l’autel d’une réforme. Les informations distillées au compte-goutte et au moyen de fuites des maisons d’éditions scolaires informées avant les organisations syndicales enseignantes, sur les différents programmes nous ont donné à voir des listes improbables sans rigueur scientifique aucune et idéologiquement douteuses de notions qui nous sont apparues pour certaines proprement infaisables.

Nous rappelons alors que nous sommes solidaires et luttons, professeurs et lycéens, contre la répression, pour l’abrogation des réformes du bac et du lycée général et professionnel et de la loi ORE sur la sélection à l’université. Nous disons ici aussi que notre lutte n’a pas « rien à voir » avec celle des gilets jaunes comme l’affirme encore le ministre car, comme eux, nous réclamons plus de justice sociale et comme eux nous demandons des comptes sur l’utilisation de l’argent public : où sont les écoles, les collèges, les lycées, les universités supplémentaires qui permettraient d’accueillir dignement tous les jeunes gens de ce pays ? Où passe l’argent qui devrait servir à embaucher davantage de surveillants, de CPE, d’assistantes sociales, d’infirmières, de conseillères d’orientation ou de professeurs pour les seconder dans leur effort d’apprentissage ?

Demain nous confectionnerons une nouvelle banderole, le slogan restera le même mais quelque chose a désormais changé qui ne s’arrêtera plus : grâce à la brèche ouverte par les gilets jaunes dans laquelle nos élèves ont commencé à vaillamment s’engager, nous n’avons plus le même sentiment d’impuissance. Des premières victoires ont été obtenues par les gilets jaunes : elles prouvent de manière éclatante que, plus que jamais, nos batailles contre Blanquer, contre la violence sans nom du manque de moyens et contre la répression dégueulasse dont nous sommes victimes peuvent être gagnées !

Signé par des professeurs qui enseignent ou ont enseigné au Lycée Mozart (Le Blanc-Mesnil, 93)

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