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La grève de Cadix rayonne au-delà de l’Adour !

mercredi 22 décembre 2021, par Saint-Nazaire

Les métallurgistes de Cadix, en Espagne, ont fait grève pendant 9 jours à la fin du mois de novembre jusqu’à ce que les principaux syndicats signent avec les employeurs un accord que beaucoup considèrent comme insuffisant, voire insultant. Néanmoins, les choses sont à peu près revenues à la normale et il est temps de faire le point sur cette affaire.


Voir en ligne : l’article en anglais sur le site d’Angry Workers

Cadix, dans le sud de l’Espagne, est une région très déprimée où le chômage est endémique - actuellement plus de 50% pour les travailleurs de moins de 30 ans. Historiquement, le seul revenu disponible pour la plupart des familles de la baie de Cadix provenait du travail sur les chantiers navals ou dans l’hôtellerie pendant la saison estivale. Depuis le milieu des années 80, la majeure partie du secteur métallurgique a été délocalisée dans d’autres pays et le peu qui reste aujourd’hui ne survit que grâce aux grèves, à la mobilisation inlassable de ses travailleurs et au soutien de leurs communautés qui considèrent le secteur métallurgique moribond comme leur dernière planche de salut.

Cette grève, la première depuis 2018, a commencé à couver au début de l’année lorsque les travailleurs ont commencé à réaliser que le pouvoir d’achat de leurs salaires était en chute libre. Les syndicats ont d’abord tenté de contenir la situation dans le cadre des négociations de la convention collective. Mais les employeurs ne cèdent pas. L’inflation augmente leur rentabilité et ils veulent la consolider.

Les syndicats, sous la pression croissante des travailleurs, convoquent alors une réunion publique et prennent l’initiative d’appeler à la grève. Il est clair que ce n’était pas leur propre initiative. Dans d’autres secteurs où des grèves syndicales avaient été déclenchées, comme dans l’industrie de la viande, les syndicats ont évité la grève en concluant des accords sur des augmentations salariales inférieures à l’indice des prix à la consommation (IPC).

La combinaison de l’inflation et de la "maîtrise des salaires" joue un rôle central dans la "stratégie de relance¨ telle que la conçoit le gouvernement Parti socialiste-Podemos-CP. La grève des métallurgistes à Cadix, qui a rapidement trouvé un écho dans tout le pays, est non seulement un "exemple dangereux", mais forcément inconfortable pour le ¨gouvernement le plus progressiste qui soit¨.

Le cirque médiatique est mis en branle. Les organes d’information vont faire de gros efforts pour limiter le débat public à la prétendue "violence" des manifestations. Le parti "communiste" dit aux travailleurs d’avoir confiance dans le gouvernement, et les prévient même que la grève ne fait qu’aider les partis de droite de l’opposition. Leur cynisme ne fait qu’ alimenter la méfiance et le mécontentement des travailleurs, qui font monter la pression et organisent une manifestation devant le siège du syndicat.

Le mardi 23, les étudiants de Cadix se mettent en grève et des manifestations de solidarité commencent à être organisées dans différentes régions du pays. Pour certains, la grève est perçue comme un changement de rythme bien nécessaire face à l’inaction de ces dernières années au milieu d’une crise sans fin.

Et puis, mercredi soir, juste avant un week-end marqué par plusieurs manifestations de solidarité programmées dans tout le pays, les premières nouvelles d’un accord ont émergé d’une réunion à huis clos entre les principaux syndicats, CCOO et UGT, et les employeurs.

L’accord conclu va à l’encontre de l’objectif de la grève et ne diffère que par des détails de l’offre initiale des employeurs. Au lieu de couvrir les effets de l’inflation (4,6% aujourd’hui, peut-être 6% d’ici la fin de l’année), ils se sont contentés d’un tiers (2%) plus la promesse ( !) d’une révision pour couvrir jusqu’à 80% de ce qui a été perdu.

Les syndicats disent :¨Nous sommes parvenus à un accord, que nous transmettrons aux délégués syndicaux de chaque entreprise et, ensuite, chacun d’entre eux dans son entreprise, s’il le juge bon, le soumettra au vote.¨

Moins de douze heures plus tard, le jeudi matin, les détails de l’accord sont divulgués à la presse et la grève est annulée avant même que la plupart des travailleurs aient eu l’occasion de voter sur quoi que ce soit.

La vérité est qu’en l’absence de véritables comités de grève, les représentants syndicaux des CCOO et de l’UGT ont été informés par leur direction que ce n’est que si, un par un, chacun d’entre eux rencontrait beaucoup de résistance, qu’ils pourraient organiser un vote... et un vote secret.

Entre-temps, les syndicats alternatifs (CGT et CTM), qui organisent des manifestations de soutien à la grève, ont rejeté l’accord et appelé à la poursuite de la grève. Mais en fin de compte, ils se plient aux règles imposées par les syndicats : avenant de lieu de travail à lieu de travail et vote à bulletin secret.

Mais les dés sont jetés : les médias célèbrent l’"accord" avec éclat, et la confusion et la frustration, voire la démoralisation, règnent.

Personne n’est satisfait de l’accord, mais les travailleurs reprennent le travail, résignés, et traitent la trahison des syndicats comme une affaire courante. À ce stade, on ne peut même plus la considérer comme une trahison.

Cependant, les 220 travailleurs de CYMI, un sous-traitant de Dragados dont les contrats sont parmi les plus précaires et qui n’a même pas de représentation syndicale, ont décidé de poursuivre la grève pendant près de deux semaines au total jusqu’à ce qu’ils obtiennent des augmentations de 200 à 400 euros.

Il y a eu d’autres grèves dans toute l’Espagne, qui se terminent normalement par des résultats similaires, mais on a l’impression que de plus en plus de travailleurs commencent à en avoir assez de toute cette situation. La question est de savoir si les travailleurs trouveront le moyen de s’organiser d’une manière qui leur permette de se battre à leurs propres conditions.

Certains bureaucrates syndicaux ont du mal à garder les travailleurs dans le rang, comme ce représentant de CCOO qui dit à ce groupe de nettoyeurs que la grève a été annulée et qui lui dit d’aller se faire foutre. Un classique instantané.

Vidéo : commissions de travailleurs contre la grève du nettoyage à Castellon

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