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Méga-bassines : manifestation du 29/10 à Sainte-Soline
Une réussite certaine

mardi 1er novembre 2022, par OCLibertaire


Les 29 et 30 octobre, à Sainte-Soline dans les 2 Sèvres, un rassemblement à l’appel de BNM - Bassines Non Merci ! - , les Soulèvements de la Terre et plus de 140 associations, syndicats et partis, a réuni près de 8000 personnes malgré une interdiction de la préfecture et la présence de 1700 gardes mobiles.

Une montée en puissance

Entre 4 000 personnes selon les organisateurs et 7 000 selon la police... On peut parler d’une « réussite » (même si l’objectif annoncé par BNM avait été de réunir 5 000 à 10 000 personnes) qui voit une participation croissante à chaque initiative, une audience médiatique élargie certaine et des signataires plus nombreux des appels - on y reviendra -, dans un contexte difficile, puisque les préfectures avaient à la fois interdit toute manifestation et mis des arrêtés interdisant aux non-résidents de Sainte-Soline et d’une partie de 11 autres communes de circuler dans ce périmètre, de vendredi soir à lundi matin. Les participant-e-s ont fait preuve d’une première détermination à rejoindre le camp de départ, dés le vendredi soir avant l’heure du « couvre-feu » de la préfète. L’opposition aux bassines se déploie de mois en mois, du fait d’un travail d’agitation, d’information (comme notamment sur le net avec des communiqués réussis, sérieux ou humoristiques, comme BNM TV Info) et de mobilisation.

La mobilisation contre la bassine de Sainte-Soline est emblématique du fait de sa taille - 17 ha de superficie totale et 170 000 m3 -, du réseau de pompage pour la remplir, Le Poulpe - 18 kms de tuyaux, 6 points de pompage, 100 jours pour la remplir... s’il y a assez d’eau ! -, et du fait qu’elle est la première de six méga-bassines programmées dans les 2 Sèvres, avant d’être multipliées sur tout l’Hexagone. Le camp qui s’est tenu sur un champ prêté par un opposant (ex adhérent au Syndicat de l’eau, promoteur des bassines...) a permis la construction d’une vigie pour surveiller l’avancée du chantier, permettre une présence permanente et faciliter si besoin de nouvelles initiatives.

Un savoir-faire

Les organisateurs de cette manif (Bassines non merci, Soulèvements de la Terre et Confédération paysanne surtout) ont œuvré pendant des mois pour réussir ce week-end. Ils ont montré leur capacité d’organisation concernant non seulement le campement (du monde était là dès le mardi, plus de 500 personnes le vendredi soir), mais aussi les moyens d’y accéder. Il y a par exemple eu samedi matin au moins deux points d’infos, à Lezay et Vanzay, où des militant·es orientaient les voitures arrivant vers un lieu de rendez-vous, pour qu’elles partent ensuite en convoi (à une soixantaine) sur des petites routes ou chemins pour contourner la zone interdite tout en s’approchant du campement. Après avoir garé ces véhicules et avoir marché à travers champs, leurs occupant·es ont ainsi pu y accéder. À souligner une organisation réussie pour le déroulement de la manifestation du samedi : trois cortèges – les teams blanche, rouge et verte – ayant un rôle spécifique à tenir, ainsi qu’une action rondement menée par les « bleus de travail » pour faire avancer les manifestant·es jusqu’au site de la bassine, en affrontant les flics à chaque passage de route avec une détermination non feinte.

La manif s’est tenue et a atteint son objectif… car son objectif avait changé : il s’agissait « juste » de pénétrer sur le site de la bassine. Il a fallu redéfinir cet objectif quand les engins du chantier ont été retirés du site, le vendredi – il n’était de ce fait plus possible de les immobiliser. De même, comme la bassine n’était pas installée, il était impossible de la dégrader. L’objectif est donc devenu de parvenir jusqu’au site malgré les forces de l’ordre (1 700 flics mobilisés, avec 6 hélicoptères, un ou des canons à eau, un drone au moins… Et du gaz, des grenades et des flash-ball), pour foutre en l’air les grilles qui en interdisaient l’accès, et cela aussi a marché.

Les points positifs

La dynamique anti bassines se poursuit et elle intéresse pas mal de gens, de tous âges et de divers milieux (même si les classes moyennes – inférieures ? – y sont largement représentées) :

  • parce que la question des ressources (telles que l’eau) à préserver est importante pour beaucoup ; surtout après un été caniculaire qui semble confirmer les prévisions le plus pessimistes, avec ses rivières et fleuves à sec, ses incendies...
  • parce que pas mal de personnes éprouvent de la sympathie pour les petits agriculteurs contre les gros, la lutte du pot de terre contre le pot de fer…

Cette résistance aux bassines, comme les autres oppositions aux projets inutiles imposés (aéroport, ligne TGV, autoroute, centre commercial, etc), met en question l’utilité du travail et de l’activité économique, la contradiction entre la rentabilité financière et la défense de nos conditions d’existence. L’artificialisation des terres au profit d’intérêts privés, contrairement aux affirmations de l’état, continue de plus belle, et les bassines en sont une criante illustration.

Les initiatives portées par BNM et les Soulèvements de la Terre proposent à la fois une participation d’expression « citoyenne » et une pratique collective régulière de sabotages et d’action directe, qui semblent ne pas émouvoir plus que ça les participant-e-s de divers bords, probablement parce que la conscience de « parler à un mur » s’est imposée dans les têtes, face à un État macronien qui défend d’abord des intérêts de classe sans mollir, quitte à renier si nécessaire sa ligne libérale sur l’argent magique, le quoi qu’il en coûte, ou encore l’écologie, préoccupation prioritaire du quinquennat.

Les risques pour cette lutte

On peut mesurer, au nombre de signataires de l’appel à manifester le 29 octobre (150 organisations, partis, syndicats ou associations), l’importance de l’enjeu que représente la lutte contre les bassines pour les forces politiques de gauche, d’extrême gauche ou écologistes.

Une récupération politicienne est à l’œuvre depuis le début de la lutte anti bassines, mais, samedi après-midi, les fanions de toutes leurs chapelles étaient vraiment de sortie, et les discours qui ont précédé le départ des trois cortèges émanaient surtout d’élu·es. On a pu voir parmi ce beau monde, portant pour partie une écharpe tricolore, des personnalités d’EELV prononcer sans fard force discours démagogiques – en particulier les députées Sandrine Rousseau (Paris) et Lisa Belluco (Vienne), ou l’eurodéputé Benoît Biteau – et être applaudies (seul Yannick Jadot a été sifflé).

De même pour la députée de La France insoumise Manon Meunier (Haute-Vienne)…
La mobilisation anti bassines est en effet construite sur les bases de «  l’unité à tout prix », comme celle à Notre-Dame-des-Landes précédemment, ce qui entraîne l’acceptation des discours les plus divers et laisse les médias libres d’attribuer la lutte (et son succès) à qui leur plaît. France Inter parlait par exemple, samedi soir, d’une manifestation « écologiste », un terme qui renvoie davantage aux Verts qu’au NPA ou aux libertaires, pourtant présents à Sainte-Soline sur des bases a priori au moins aussi anticapitalistes qu’écologistes. L’affirmation anticapitaliste des termes de la lutte ne serait pas un luxe quand des collectifs comme Alternatiba, ou EELV qui sont les premiers à se désolidariser dans la répression, ou condamner des actions, viennent s’afficher sans problème.

Les Soulèvements de la Terre, de leur côté, tireront sans doute un gros bénéfice de la mobilisation à Sainte-Soline, étant donné qu’ils en ont été à la fois la « tête pensante » et la « cheville ouvrière ». Cela continuera d’attirer à ce mouvement toute une jeunesse… Mais si l’on peut reconnaître à sa direction un certain savoir-faire en matière de logistique et de « communication », on peut aussi craindre l’accentuation de son fonctionnement déjà assez opaque et avant-gardiste.

Sur ce dernier point, on ne voit pas un débat s’élaborer collectivement dans la mobilisation anti bassines. Déjà l’été dernier à la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes, à l’occasion du festival ZAD Envie du 8 au 10 juillet, le débat annoncé sur « S’organiser - échanges croisés sur des tentatives en cours d’organisation politique autonome à différentes échelles » avait donné lieu à une succession aride et décourageante de déclarations plates et cadrées des collectifs présents (qui tenaient de la carpe et du lapin, rendant une convergence improbable, entre une liste électorale nantaise alternative, des antifascistes de Nantes et Paris, le syndicat de la montagne limousine, XR, les Soulèvements...), mais pas exactement une réflexion collective, avec cheminements, contradictions, interrogations sur la stratégie, les pratiques ou l’organisation. Bref, un vrai débat où l’on met les questions à plat et on esquisse des perspectives communes, ou pas. Idem à Sainte-Soline, le dimanche matin pour « l’Assemblée des luttes de l’Eau « et demain ? » sensée « construire collectivement les suites de la mobilisation... », où on restait sur sa faim mais ce n’est peut-être que partie remise.

Quelles suites ?

Le porte-parole de BNM a donné un ultimatum de 15 jours à l’état pour démanteler la bassine de Ste-Soline, mais on peut raisonnablement prévoir que d’autres mobilisations seront indispensables pour stopper le projet dans les semaines ou les mois prochains, à partir du camp-vigie construit sur le terrain du rassemblement. Il y a aussi la question de la répression, des blessés à soutenir selon leur état et des personnes mises en garde à vue à Melle et Ruffec. Cela constituera aussi un moment nécessaire de mobilisation et de solidarité. A suivre.

Des participant·es du 29-30/10.

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