vendredi 31 mars 2023, par
Témoignage de F. l’un des trois inculpés dans « l’affaire du 15 juin » dans le limousin
Mon nom est F., je suis l’un des trois inculpés pour destruction d’antennes de télécommunication sur le site des Cars en Haute-Vienne et de véhicules de l’entreprise Enedis à Limoges. Ma mise en examen fait suite aux arrestations du 15 juin 2021 opérée en Limousin avec l’aide des services de la police antiterroriste. Je suis actuellement en contrôle judiciaire, mais je ne souhaite pas parler de ma situation personnelle qui n’a aucune importance quand on la compare aux questions posées par cette affaire.
La répression
C’était une journée semblable à toutes les autres, au petit matin, ce 15 juin. Un bruit nous réveille, la serrure de la porte vient d’être fracturée. Elle n’était pourtant pas fermée, il suffisait de tourner la poignée. Encore ensommeillé, je regarde la pièce du bas. Des rais de lumière laser parcourent les murs et le plafond. Des hommes cagoulés, habillés bizarrement, entrent dans la pièce. Je pense : « tiens, les jeunes nous font une surprise, c’est le carnaval ! ». D’un coup, j’entends : « Police ! Police ! » et je réalise. A mes pieds se déroule comme une scène de rafle. Aussitôt, une partie de la troupe monte à la mezzanine, le reste se répand dans la maison. Je suis debout à côté de mon lit, complètement nu. Un policier commence à me « fouiller » avec zèle, comme un automate. Il tremble. Je lui dis : « tranquille, tranquille » ‒ un mec armé d’un fusil d’assaut qui tremble devant toi, c’est toujours dangereux. Je me laisse passer les menottes, j’entends les chefs d’accusation de destruction d’antennes qu’on me lit et j’attends de pouvoir m’habiller. Je pense, « sale journée ! ». Lors de la garde à vue, les faits qui me sont reprochés ne me concernent pas. Je les nie. Par contre, je manifeste ma solidarité avec les personnes qui ont agi de cette manière. C’est de ça dont je voudrais parler.
Contre la 5 G et son monde
Tout d’abord, le monde, notre planète, l’unique chose qui nous donne la vie est en train d’être détruite. Nous ressentons vivement le réchauffement climatique, nous constatons la disparition des espèces animales et végétales ainsi que des déplacements massifs de populations.
Au moyen de milliers de satellites et de l’intelligence artificielle, un contrôle général des populations se met en place. Des milliers d’antennes relais sont posées au mépris des habitants, sans consultation. Et ainsi de suite.
Au moment où l’on parle, les compteurs Linky et les antennes 5 G sont en train de se répandre sur tout le territoire. Bientôt, un épais nuage électromagnétique va couvrir tout le pays et sans doute le monde entier. Les lobbies ont placé leurs experts au sein du gouvernement et dans les commissions officielles de protection de la santé publique. Pourtant, les expertises des scientifiques indépendants prouvent la dangerosité des rayonnements électromagnétiques, mais ils sont contrecarrés par des études réalisées par des laboratoires et des scientifiques subventionnés par les lobbies. Ceux-ci affirment que la dangerosité de ces émissions n’est pas prouvée scientifiquement.
Cette manœuvre n’est pas nouvelle. Les industriels l’ont déjà utilisée pour le tabac, la dioxine ou l’amiante ! En attendant, ils se frottent les mains devant l’ampleur du bizness que représente l’arnaque des objets connectés. Pendant ce temps, le principe de précaution est ignoré, ainsi que les droits démocratiques des citoyens et des élus qui refusent l’installation de nouvelles antennes sur leur commune. Le pire des scénarios de science-fiction est en train de se réaliser devant nous. Tout le monde est conscient de l’arrivée d’un désastre, mais une sorte de fatalisme règne. Entre temps, la plupart des politiques font beaucoup de blablas sur ces questions. On a le même blabla de la part des lobbies économiques qui ne reculent pas devant les pratiques mafieuses pour diriger le monde. En même temps, ils poursuivent leur travail de destruction du vivant et d’épuisement de la planète.
Et nous le peuple, les citoyens, dans tout ça ?
On est tenaillé par la peur : « J’ai peur de perdre mon travail, mon logement, ma sécurité ; j’ai peur d’aller en prison ! ... ». C’est notamment en jouant sur ces peurs, que l’extrême droite prospère.
En fait, on a peur de quoi ? Chacun d’entre nous va disparaître, c’est notre condition de mortel. Pas de problème, on se doit de vivre au mieux, le plus honnêtement possible et accepter notre fin. C’est certainement ça, être libre. L’unique peur qu’on devrait avoir c’est de laisser derrière nous, à nos enfants, un monde invivable. Pourtant, on continue avec les blablas, c’est tellement plus confortable. Depuis très longtemps, on considère que le monde est fait de prédateurs et de proies. C’est le monde du bien et du mal, du blanc et du noir, etc. C’est vrai et c’est faux à la fois : c’est trop simpliste. En faisant l’effort de regarder en nous-mêmes, on peut découvrir ce que d’habitude nous refusons de voir : des egos parfois démesurés ou blessés, ainsi que nos désirs de reconnaissance et de pouvoir. On peut voir l’énergie que nous dépensons pour fabriquer des images flatteuses de nous-mêmes et aussi beaucoup de peurs. Reconnaître ainsi notre fragilité et nos faiblesses, c’est déjà commencer à changer notre monde. Avoir de la compassion pour les autres ne veut pas dire accepter le monde des prédateurs. Si on n’a plus d’ego à protéger, on arrête d’avoir peur et on peut se battre avec confiance pour un monde juste.
Au milieu de l’année 1943, en pleine guerre contre le nazisme, la Résistance s’est unie pour former le Conseil National de la Résistance, le CNR. Il s’agissait de lutter plus efficacement contre le fascisme et de préparer des « Jours Heureux » pour l’après-guerre. Son fondateur, Jean Moulin et ses compagnons, étaient qualifiés de terroristes et traités comme tels. Aujourd’hui, on les appellerait écoterroristes ou ultragauches. A présent, la situation paraît même pire que pendant la guerre, car à cette époque, les malheurs n’empêchaient pas d’avoir espoir en l’avenir et de préparer un monde meilleur. Le sol se dérobe sous nos pieds. La destruction du vivant connaît une accélération exponentielle. Certains envisagent même d’aller sur Mars ! Les changements dépassent les prévisions des scientifiques qui sonnent l’alarme. Le bon sens nous indique à tous que le temps des belles paroles arrive à sa fin. Il faut agir, même si je ne me permets pas de dire aux autres ce qu’ils doivent faire ou pas.
La Loi protège les bourgeois
Une chose est sûre, la loi et la justice sont deux choses différentes. Dans le passé, la loi a pu légaliser les pires horreurs de l’histoire : l’esclavage, la domination de la femme par l’homme, la grande misère des populations... Aujourd’hui, la loi continue de défendre les intérêts d’une petite minorité de lobbies économiques internationaux qui détruisent notre monde. Quand tout le monde se serre la ceinture, on voit bien comment une entreprise comme Total, avec la bienveillance de juges et de politiques, réalise des bénéfices monstres et profite d’une guerre pour spéculer. Nous n’avons pas à respecter la loi quand elle est injuste. Par contre, si on veut rester des humains, nous avons l’obligation morale de nous battre pour la justice et le bien commun. Et quoi dire des serviteurs de la loi : juges et policiers ? Je me revois pendant ma garde à vue à Saint-Junien, après un interrogatoire. En face, un jeune inspecteur de la SDAT, la police antiterroriste, me montre tout fier la photo de son jeune enfant qu’il sort de son portefeuille. Je lui dis, « profite de ton enfant, ça ne dure pas longtemps ». Et lui continue à regarder la photo. J’ai compris que la plupart de ces gens ne sont pas des monstres, ils aiment les enfants comme toi et moi. Simplement, comme de bons fonctionnaires ils obéissent aux ordres et ne se posent pas la question : « à quoi sert mon travail ? ». Comme l’écrit Hannah Arendt : « S’il cesse de penser, chaque être humain peut agir en barbare » [1]. La banalité du mal est quelque chose de terrible pour tous.
En Limousin, le triste souvenir de la rafle du 29 août 1942 est toujours là : 450 juifs de la région de Limoges dont 68 enfants furent arrêtés et déportés à Auschwitz. En gare de Limoges, sur le train dans lequel partait ces enfants, une pancarte avait été écrite ; elle indiquait, « colonie de vacances ». Ce travail avait été réalisé par des policiers obéissant aux ordres, une fois de plus. La Police et la Justice fonctionnent ensemble. C’est surprenant de découvrir ce petit monde : il y en a qui sont jeunes, l’air décontracté, presque cool, mais c’est juste une apparence. Au sortir de ma garde à vue, un gendarme me confiait : « on va te présenter à la juge, elle a l’air gentille, mais attention... » Ce matin, en ouvrant mon courrier, je retrouve une lettre. Pas vraiment du genre de celles qu’on aime recevoir : « convocation aux fins d’audition, le 15/07/2022 à 10 heures », Juge d’instruction n°2 ».
Les questions se succèdent à nouveau dans ma tête. Je suis inculpé de deux sabotages. Le premier se situe au Cars en Haute-Vienne où des antennes 5G, TV, Orange etc. ont été endommagées de nuit par le feu. Le second concerne la destruction, à Limoges sur un parking de la société Enedis, de 7 ou 8 véhicules équipés de matériels pour poser des compteurs Linky.
Résistance
Je ne connais pas les auteurs, mais je considère qu’il s’agit d’actions symboliques. Ces gens sont des lanceurs d’alerte sur la situation écologique du monde. Ils lancent un cri d’alarme sur les conditions actuelles de la vie sur Terre. C’est un appel à protéger concrètement la vie, ce bien commun, pour nous et pour nos enfants. C’est un message lancé avec force : un signal. Ces personnes ne méritent pas d’être condamnées, bien au contraire ! Leur alerte est un geste citoyen salutaire. Jean-Jacques Rousseau l’aurait entendu ainsi. Les dégâts matériels qui ont été faits sont complètement ridicules face aux profits des multinationales et aux ravages que ces « mafieux légaux » sont en train commettre sur notre planète. L’OMS évalue à 8 millions le nombre de morts supplémentaires provoqué chaque année par le seul tabagisme dans le monde. Alors que le brouillard électromagnétique s’apprête à couvrir la Terre entière, le nombre de morts et de malades pourrait être bien supérieur à celui causé par le tabac ou les pesticides. Qui sont les véritables délinquants ? Où sont les réels criminels ? On pourra aussi reprocher aux auteurs de la dégradation du relais TV que de vieilles personnes se sont retrouvées un moment sans télévision. Mais je pense que le problème de fond est ailleurs. C’est le fait que dans le monde actuel beaucoup de personnes âgées sont laissées dans la solitude, sans liens sociaux.
Pour finir, je ne résiste pas à l’envie de raconter une vieille histoire zen à l’attention de nous tous, humains, qui souffrons de cette société mortifère, et pour tous les copines et copains qui se battent pour la vie sur notre planète, afin qu’ils et elles ne se découragent pas. Voici l’histoire : « Un homme se promenait tout seul dans la forêt. Il rencontre un tigre affamé. Paniqué, l’homme s’enfuit à toutes jambes et arrive au bord d’une falaise. Il saute et réussit à s’accrocher à un arbuste qui poussait au milieu de la paroi. Le tigre fait le tour et attend sa proie au pied de la falaise. Les racines de l’arbre ne sont pas solides, l’homme commence à basculer dans le vide. Mais il découvre tout à côté, dans une anfractuosité, un pied de jolies fraises des bois sauvages. Savez-vous alors ce qu’il fait ? Il prend une fraise et la mange en disant : Qu’est-ce qu’elle est bonne ! »
Après tout ça, quel sera la suite ? Je n’en sais rien. Pour l’instant, je regarde de ma fenêtre le vol des grues qui partent vers le sud.
F.
[1] Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem. Rapport sur La banalité du mal.