lundi 4 mai 2009, par
Depuis quelque temps la campagne contre le rappeur Orelsan rappelle de biens mauvais souvenirs. Contre le révisionnisme nous avons eu Gayssot ! Contre le voile, l’UFAL..., par exemple.
Souvent le remède incarné par une campagne d’interdiction est pire à long terme que ce qui est dénoncé, et souvent, qui plus est, ne fait qu’en faire la promotion.
Cette recherche du pouvoir d’interdire est aussi malsaine, quant au fond, que les lignes du rappeur. Il y a derrière ces chastes sentiments offusqués comme un parfum de puritanisme. Mais c’est toujours pareil, les puritains s’offusquent sur la scène mais, en fait, font de la propagande au "mal", leur plaisir étant de le voir partout pour en jouir en coulisse, plus largement, en toute bonne conscience.
Pourquoi demain ne pas interdire Breillat, Millet ou Houellebecq, comme le dit le texte ci-dessous, mais aussi, la liste est longue, les Robbe-Grillet, la cinéaste Cavani, Sade et… Nietzsche (sans doute l’un des écrivains les plus machiste qui soit). Bref ces pétitionneurs de l’interdiction nous font froid dans le dos ! Qu’est-ce que ça serait s’ils accédaient au pouvoir ! Ils ne nous lacheraient plus, légifieraient, trieraient, nommeraient un ministère de la bienscéance et du politiquement correct, condamneraient…
Orelsan est un poète (ce n’est pas en soit une qualité !), là où certains lapident la femme infidèle, lui il l’avorte à l’opinel. Rien de bien neuf, juste un zest d’imagination pour renouveler la technique du châtiment. Reconnaissons, à ce zélateur de la pensée dominante le droit de chanter ses couplets aussi abjectes soient-ils, et à nous celui de nous donner concrètement les moyens de mener une lutte idéologique et non institutionnelle : les tomates et des sifflets ça existe !
C’est dans cet esprit que nous avons trouvé le texte d’une MJC de Rennes se refusant d’annuler le programme prévu, intéressant et justifié. Nous vous le livrons ci-dessous
OCL
Depuis quelques jours, nous sommes harcelés par un mouvement de protestation nous enjoignant de déprogrammer le concert d’Orelsan en première partie de Zone Libre vs Casey & Hamé / La Rumeur, le 21 avril 2009.
Ce mouvement est dû à la diffusion sur le net de deux clips en ligne depuis plusieurs années. Ces deux clips vidéo incriminés, choquent beaucoup de personnes. A la lecture froide, elles nous choquent aussi et la vue du clip « Sale Pute » nous met mal à l’aise.
Nous avons aussi été choqués, bousculés, par beaucoup d’autres artistes. Nous sommes nombreux à avoir connu des sentiments similaires en lisant des œuvres de Rodrigo Garcia, Catherine Breillat, Catherine Millet, Michel Houellebecq, ou encore en voyant « la Fura dels Baus », Salò ou les 120 journées de Sodome, L’Empire des sens, Les Valseuses... Et de tant d’autres...
Ces œuvres ont été critiquées mais elles n’ont pas été classées au rang de discours incitant à la haine et à la violence contre tel ou tel groupe de personnes.
Il nous semble dangereux de ne pas accorder la possibilité à un jeune artiste de narrer des sentiments.
On peut critiquer les idées, la valeur artistique, la qualité d’œuvre ou pas...
Qui parmi tous ces dénonciateurs, ces dénonciatrices, a écouté le disque d’Orelsan, intitulé « Perdu d’Avance » ?
C’est à l’écoute de ce disque en décembre, à paraître à la mi-février que nous avons programmé Orelsan, disque salué très positivement par l’ensemble de la presse qu’elle soit généraliste ou spécialisée. Il est aussi nécessaire de préciser que le titre qui fait l’objet de toutes les diatribes n’est pas sur l’album, n’a pas été chanté et ne le sera pas.
Mais...
Pourquoi Orelsan ne bénéficie t-il pas du même statut ?
Pourquoi ne lui accorde t’on pas la possibilité d’être le narrateur de tels sentiments ?
Pourquoi suscite-il tant de réactions parfois elles aussi très violentes ?
Et si c’était la peur de voir un jeune chanteur rappeur chanter cela ?
Et si c’était la peur de voir nos enfants exprimer cela ?
Peut-être, sans doute, cette crainte des adultes qui ne veulent pas voir le malaise de notre jeunesse, la violence de leur désespérance, la vacuité d’un projet non dessiné par leurs aînés, la perspective de vivre moins bien que les générations antérieures...
Peut-être, sans doute, cette méfiance, voir cette défiance d’adultes vis-à-vis de jeunes
considérés incapables de comprendre le sens de ces paroles et prêts sans aucune réflexion, en nombre et sans distanciation (dont seuls les adultes seraient capables), à passer à l’acte.
Votre jeunesse vous fait-elle donc si peur...
Il y a aussi, en arrière plan mais sans doute pas très loin, cette nouvelle façon de penser le monde martelé et asséné dans chacun de nos esprits par les dirigeants politiques et économiques pour nous désigner le bien et le mal, le bon et le méchant...
Il n’y a pas plus de censure administrative, chacun peut et doit être censeur, comme chacun doit désigner son voisin déviant aux forces de l’ordre...
Qui entend ces voix se lever contre le chômage de masse que l’on promet aux jeunes pour les années à venir et qui nous semble beaucoup plus destructeur ?
Qui entend ces mouvements s’indigner pour combattre le suicide chez les jeunes et tout particulièrement en Bretagne ?
Bien sûr, il n’y pas de corrélation entre cela et cela, bien sûr le mal-être des jeunes n’a rien à voir avec leurs sentiments, avec la façon dont ils envisagent leurs vies, leurs relations à l’autre, leurs équilibres sentimentaux...
Depuis le début de la saison, notre association a consacré de nombreuses heures de préparation pour des actions sur les relations garçons/filles avec des partenaires, plusieurs ateliers encadrés par des artistes avec des jeunes sur le même sujet, des heures de débats, conférences, projections de documentaires. Cette première semaine de vacances de printemps
ce sont 10 artistes et techniciens salariés qui construisent avec des jeunes dans le cadre de 4 projets différents des expressions artistiques et créatives tous à l’initiative de la MJC Antipode avec de nombreux partenaires et parents qui nous font confiance...
Il y a donc deux postures, tourner le dos à cette génération en ne voulant pas voir, pas
entendre ou bien se rendre disponible pour les écouter et pour tenter d’être avec eux.
Depuis longtemps et quotidiennement c’est cela que nous avons choisi, résolument... pour que ce ne soit pas « Perdu d’Avance ».
La Maison des Jeunes et de la Culture Antipode-Cleunay
le 8 avril