vendredi 30 mai 2008, par
Les mobilisations lycéennes
attirent plus l’attention que les
mobilisations d’enseignants.
Normal, ils sont plus
nombreux, plus dynamiques,
plus novateurs...
Normal aussi parce que la
mobilisation enseignante a été
importante, mais lente et difficile
au démarrage et
relativement dispersée.
En région parisienne, la mobilisation
a commencé par la traditionnelle
journée de grève du premier
trimestre, cette année le 18 octobre.
L’inquiétude était plus forte que d’habitude
: il y avait dans l’air les suppressions
de postes et le gouvernement
a constitué la « commission
Pochard » pour se pencher sur les missions
des enseignants et les réformes
de leurs statuts et missions à étudier.
Dès la journée de grève suivante, le
20 novembre, des appels à des A.G. de
ville, et à une mobilisation intense
commençaient à remonter de certains
établissements. Le rapport de la commission
Pochard a été rendu public fin
janvier : propositions de plus d’autonomie
aux établissements, notamment
pour l’organisation du travail des
enseignants, rémunérations complémentaires
à la discrétion du chef d’établissement,
reprise de l’idée de socle
commun, annualisation des horaires,
abandon des seuils nationaux de
dédoublement... Pour calmer les
esprits, une journée de grève est organisée
le 24 janvier.
Février et mars sont les mois des «
dotations horaires globales », c’est-àdire
la période où les conseils d’administration
des établissements secondaires
apprennent combien il y aura de
postes l’année suivante. Ceci a bien sûr
été le point de départ réel de la mobilisation.
D’autant que dans le cadre du
« travailler plus pour gagner moins »,
elles semblent anticiper une mesure
pas encore officielle bien qu’annoncée
: obliger les enseignants à accepter 3
heures de cours supplémentaires par
semaine. Rappelons que le gouvernement
avait déjà annoncé que les
heures supplémentaires seraient
payées 25% pour tous les fonctionnaires
sauf les enseignants, dont les
heures supplémentaires sont moins
rémunérées que les heures normales.
Les suppressions de postes semblent
relativement concentrées dans
les communes ou quartiers populaires,
et là, ça a été le choc dans beaucoup
d’établissements. Des lycées et collèges
jusque-là peu mobilisés sont partis en
grèves dures avec blocage et occupation.
Les premiers ont d’ailleurs souvent
récupéré les postes perdus. Et le
mouvement a commencé à faire tache
d’huile, en fonction de la gravité de la
situation. Bien sûr, très rapidement, les
rectorats n’ont plus rien lâché.
C’est dans ce contexte que l’Assemblée
Générale des établissements
d’Ile de France a commencé à diffuser
des appels à la grève reconductible. La
situation était un peu chaotique : des
établissements en grève illimitée mais
pas forcément représentés à l’AG car
sur leurs revendications locales, des
établissements moins touchés par les
suppressions de postes appelant à une
grève reconductible mais refusant de
s’y engager en premier de peur de se
retrouver seuls.
C’est à la mi-mars que la mobilisation
lycéenne a commencé à s’étendre,
au départ dans les établissements bloqués
et le mouvement a été très important
en Région Parisienne de la mimars
aux vacances de Pâques, avec des
manifestations complètement sousestimées
par les media (il y a eu plusieurs
manifestation de 50 à 60.000
personnes, essentiellement des
lycéens et des enseignants de banlieue,
avec une présence minoritaire mais
pas marginale des parents d’élèves).
Parallèlement, le gouvernement a
continué ses provocations vis-à-vis du
milieu enseignant en annonçant dès
début avril l’assouplissement de la
carte scolaire, la réforme du primaire,
l’instauration du service minimum et
en confirmant le passage du bac pro en
3 ans. Le même mois est publié le livre
blanc de la fonction publique qui propose,
entre autres, la possibilité de
licencier les fonctionnaires dans le
cadre de la RGPP (révision générale des
politiques publiques).
Cette année la Région Parisienne
était la dernière à partir en vacances,
elle était donc la seule mobilisée la dernière
semaine. Tout le monde retenait
son souffle pour savoir si la province
reprendrait le flambeau. Ce qu’elle a
fait mais, semble-t-il, plus du côté des
élèves que du côté des enseignants.
On peut dire sur cette affaire que le
binôme directions syndicales – gouvernement
a assez bien fonctionné.
Aux commandes, un gouvernement
qui multiplie les provocations et les
humiliations, qui annonce clairement
qu’il va démanteler le « corps enseignant
». En face des syndicats qui
répondent par des « temps forts »,
c’est-à-dire une journée de grève
rituelle de temps en temps. Le syndicat
majoritaire, la FSU, attend l’UNSA
et le SGEN-CFDT pour faire ses mobilisations
unitaires, et SUD et la CNT, parfois
appuyés par la CGT, essaient de
secouer la FSU pour que ça s’étende.
Concrètement, nous ne sommes
toujours pas capables de conduire un
mouvement d’ensemble sans qu’il soit
coordonné de fait par les syndicats.
Leur tactique est un peu incompréhensible
: on ne voit pas ce qu’ils ont
à gagner à leur attentisme, sachant
qu’officiellement du moins, tout ce que
le gouvernement leur avait promis
c’était de les exclure du champ des
ne doit concerner que le privé. Mais au
final la carotte vient peut être d’apparaître
avec l’accord sur le dialogue
social que Solidaire et la FSU viennent
de signer avec le gouvernement, et qui
leur permettra sans doute de trouver
un strapontin entre les « syndicats
représentatifs » aux futures tables de
collaboration sociale.
L’inconvénient des appels à la grève
reconductible, c’est qu’en gros les
enseignants les plus mobilisés étaient
déjà un peu essoufflés lorsque le mouvement
a commencé à s’étendre. D’où
sans doute le slogan lycéen : « Vous
êtes fatigués. On n’est pas fatigués » ?
Ceci dit, ce que j’ai vu de ce mouvement,
c’est un fonctionnement en
assemblée générale, des tentatives
d’AG de ville, des discussions intenses
en salle des profs sur l’évolution du
système éducatif, pas mal de réunions
d’information organisées en direction
des parents sur la réforme du primaire,
la carte scolaire, etc.
Et bien sûr, quand profs et élèves
sont en grève, leurs rapports changent...
La politisation et l’organisation
des lycéens se renforcent à une rapidité
foudroyante. Il y a déjà des
années-lumière entre les grèves
lycéennes contre la loi Fillon (l’année
avant le CPE) et les luttes actuelles.
Du fond des banlieues rouges,
Le hussard nouveau de la république
24 mai 2008