Courant Alternatif 212
dimanche 17 juillet 2011, par
Un éditorial surprenant dans le numéro d’été de Courant Alternatif qui commence par un étrange devoir de vacances, il s’agit d’une opération simple de calcul : les chiffres sont exacts, l’opération fausse et les milliards s’empilent. Nous n’y trouvions rien à redire lors de la rédaction, notre propension à dénoncer ce qui nous est insupportable a fait valider sans sourciller cette énormité de 232 milliards par personne au lieu de 232 dollars. Un lecteur attentif en a déduit qu’il y avait huit habitants sur terre ! Le gaspillage militaire et l’indécence du marché de l’Art, pour lesquels dans l’éditorial nous prenons les millions pour des milliards, nous semblent tellement au-delà de nos échelles de calcul que nous n’en sommes pas à une "approximation" près... Cela ne fausse par pour autant l’indignation car la part de l’économie militaire représente en 2010 pour l’Union Européenne un budget gigantesque de 382 milliards de dollars et pour la France 59,3 milliards de dollars.
Nous nous devons donc de mettre entre parenthèses les milliards pour rectifier l’éditorial de ce numéro 212 de Courant Alternatif.
Selon un bilan des forces militaires de 150 pays répertoriés [1], le budget mondial des dépenses militaires pour l’année 2010 s’élève à la somme faramineuse de 1600 milliards de dollars, soit un trillion ½, soit mille milliards ½, soit un million de million ½. Sachant qu’au 1er janvier 2011 il y avait 6,890 milliards d’habitants recensés sur la planète, ces dépenses représentent pour l’année 2010 la bagatelle de 232 (milliards) dollars par personne selon l’opération simple de diviser 1600 milliards par 6,890.
On recense 1210 milliardaires qui cumulent 4500 milliards de richesse, dont le n°1 représente 74 milliards et le n°2, 56 milliards.
Le veau d’or Golden Calf , œuvre de Damien Hirst, a atteint le prix de 13 millions (milliards) d’euros lors d’une vente, le 17 décembre 2009, de 223 œuvres pour un total de 140 millions (milliards) d’euros.
La commission européenne a décidé ce 20 juin 2011 de réduire la part attribuée à l’aide alimentaire de 500 millions d’euros à 113 millions d’euros ; cette part représente 1% du budget de la Politique Agricole Commune (PAC), concerne 13 millions de personnes en Europe et 2 millions en France qui reçoivent une aide alimentaire distribuée par près de 240 banques alimentaires.
La liste pourrait s’allonger à l’infini en comptabilisant les milliards dépensés de par le monde sans qu’on puisse en comprendre la logique, sauf celle du capitalisme bien évidemment.
La guerre est-elle misérable au nom de la morale ou de l’argent dépensé ?
En tout cas ce monde va bien de travers quand on ne cesse de dire que la pauvreté est un manque d’argent qui entraîne la faiblesse, la maladie, la mort ; mais pas toujours, car les miséreux entretiennent nombre d’organismes qui viennent à leur secours pour juste les maintenir en vie et alimenter le marché mondial du « Care ». Quand on constate que l’argent ne manquerait pas si, avec juste assez de bon sens, on redistribuait cet argent si mal utilisé à chaque habitant de cette terre ; certains en feront du commerce et peut-être essaieront de s’armer, mais il est clair que la majeure partie de la population utiliserait cet argent bien différemment ; les risques en tout cas ne pourraient être plus grands que dans les mains des capitalistes mafieux de l’industrie militaire.
Il en est du budget des armées comme de celui de la santé, on parle de milliards, de déficit insurmontable mais qui fixe le coût des services, des produits, des machines, bref qui décide du prix à payer ? Les industries militaires et les trusts pharmaceutiques sont pareillement côtés en bourse et leurs dividendes enrichissent les plus riches qui sont décideurs dans toutes les instances de pouvoir économique et politique. Ce sont des évidences qu’il est bon de rappeler à l’heure où le seul objectif est de reconduire le peuple à l’isoloir.
On peut se sentir impuissant-es face à l’énormité du marché qui domine nos sociétés mais c’est en oubliant qu’aucune usine, aucune multinationale et ses cotations en bourse ne sont possibles sans la production des produits servant à la spéculation ; les financiers ne prêchent pas dans le désert, il leur faut une base même précaire et misérable qui participe au système ; c’est la majorité du monde qui vend sa force de travail, sa vie pour survivre sans jamais pouvoir en décider des orientations.
L’indignation est une étape, certes insuffisante, mais lorsqu’elle est argumentée elle peut rendre inacceptables les beaux discours qui nous embrouillent au nom de la raison d’état, de la réal politique, d’un réalisme réformiste qui ne sert qu’à perpétrer le système d’exploitation en vigueur sur toute la planète.
Ne plus croire est une avancée vers l’émancipation, se forger soi-même une opinion et refuser le prêt à voter qu’on veut nous faire ingérer pendant les 12 mois à venir, permet de donner un sens à nos vies, de développer des solidarités et surtout d’agir collectivement. C’est la rencontre dans des groupes improbables, hétérogènes lors de diverses manifestations, grèves, blocages et actions de solidarité, qui nous donne la force de lutter sans garantie immédiate de succès mais avec ténacité. Les petits poissons unis sont plus forts que le gros, sauf qu’il faut aussi penser que ces gros prédateurs sont capables également de s’unir pour défendre leurs intérêts. Développer des formes de résistance, ne pas subir les injonctions de collaboration inévitable, et ne pas se laisser prendre au chant des sirènes, c’est bien du travail pour un été mais la période est propice à la réflexion, aux rencontres, aux échanges d’idées et pour s’apercevoir que décidément nous sommes nombreuses et nombreux à ne plus vouloir de cette vie d’esclave consentant ou non, sans perspectives d’horizon autre que celui en place depuis trop longtemps.
Le sujets particuliers de lutte ne manquent pas et il ne faut céder sur aucun d’eux, qu’il s’agisse du choix de l’énergie nucléaire ou de l’exploitation du gaz de schiste qui sont des dangers réels, de l’organisation du système scolaire qui formate l’individu au moule d’une société hiérarchisée, de la situation inacceptable faite aux étrangers et bien d’autres. Tous ces fronts de résistance peuvent se fondre en une révolte commune comme le font les insurgé-es des autres rives de la Méditerranée ou l’expriment les indigné-es en Europe …. « et un jour viendra où tous les pauvres s’y mettront ».
Juin 2011, CJ du Sud-Ouest
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[1] Le Monde, hors série Bilan Géostratégique 2011