Venezuela
Rafael Uzcátegui / El Libertario (Caracas)
jeudi 27 février 2014, par
Le 4 février 2014, des étudiants d’une université située à l’intérieur du pays, ont organisé une manifestation de protestation contre le viol dont avait été victime une de leurs camarades.
La manifestation a été réprimée, des étudiants incarcérés et les protestations se sont immédiatement étendues à presque toutes les universités du pays. Le mouvement a été ensuite rejoint par d’autres secteurs sociaux qui y ont ajouté des revendications sociales, en particulier contre les pénuries de produits de base. Là dessus, les partis d’opposition (droite) ont essayé de prendre en otage le mouvement de protestation en le mettant dans leur propre agenda politique et, du moins à Caracas, de se placer au centre de la contestation. Mais, les contestataires poursuivent les mobilisations par les “réseaux sociaux” de l’Internet. Pour le gouvernement et ses supporters, tout se résume à un coup d’État “fasciste”...
Quelques éléments de la situation avec un texte de Caracas (“Résumé express de la situation vénézuélienne pour personnes curieuses et peu informées” du 21/02) et quelques commentaires.
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Ajout du 25 février : “Douze questions fréquemment posées au sujet de ce qui se passe avec les troubles au Venezuela”
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Ajour du 27 février : “Actualisation express de la situation du Venezuela (25 février 2014)”
Rafael Uzcátegui
Le 21 février dernier, nous écrivions un résumé des événements pour les personnes de l’extérieur qui, sursaturées d’informations sur le Venezuela, auraient besoin d’une chronologie des faits (voir plus bas, “Résumé express de la situation vénézuélienne pour personnes curieuses et peu informées”). Quatre jours à peine se sont passés depuis ce récit, et il y a tant de nouveaux éléments qu’une mise à jour est nécessaire tout en sachant qu’une photographie quelconque de la réalité vénézuélienne sera encore différente au cours des prochaines heures.
Le premier élément qui ressort est que les manifestations des critiques du gouvernement ont continué jusqu’au moment de la rédaction de ce document, et il semble qu’elles ne arrêteront pas dans les prochains jours. La culture vénézuélienne s’était caractérisée par la promotion de l’effort pour des résultats à court terme, pas de durer dans le temps, de sorte que l’addition de chaque nouvelle journée de protestation contredit l’immédiateté politique du mode de « faire » courant dans le pays. C’est pourquoi le président Maduro lui-même a choisi, parmi ses tactiques, de favoriser son épuisement rapide en augmentant de deux jours la durée des vacances de Carnaval pour qu’elles commencent le 27 février, le jour du 25e anniversaire du soulèvement populaire du ‟Caracazo” avec ses dizaines d’assassinats encore impunis.
Un second développement, comme nous le suggérions dans notre précédent article, c’est que Caracas a cessé d’être l’épicentre de la mobilisation nationale. Le samedi 22 février, les pro-gouvernements et l’opposition ont appelé à des manifestations dans la ville de Caracas, avec, pour chaque camp, une importante participation. Cependant, dans au moins 12 villes de l’intérieur du pays, des manifestations dissidentes ont été organisées, certaines aussi massives proportionnellement que celle de la capitale. Dans la ville de San Cristóbal, capitale de Táchira (frontière avec la Colombie), l’intensité des protestations et des conflits, qui incluent les étudiants et la classe moyenne avec les secteurs populaires et ruraux, a conduit à la militarisation de la ville, placée sous le contrôle à distance de Caracas. Le gouverneur de l’Etat, José Vielma Mora, du parti au pouvoir PSUV, a critiqué publiquement la répression et a appelé à la libération des détenus, ce qui, jusqu’à présent, a été la première critique publique d’un membre du gouvernement envers les de Nicolás Maduro.
Au moment où ses lignes ont écrites, 15 personnes ont été tuées lors des manifestations ou dans des faits en relation avec les protestations, 8 d’entre elles dont la responsabilité s’oriente vers des policiers, des militaires et paramilitaires, 2 d’entre elles victimes de ‟pièges” tendus lors de protestations de l’opposition appelées ‟guarimba” et le reste lors de faits obscurs survenus autour des manifestations et qui doivent faire l’objet d’enquêtes et clarifiés (par exemple, le renversement d’un adolescent de 17 ans). Les reportages du quotidien Últimas Noticias, appuyés par des photos et des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, ont contraint le procureur à arrêter des fonctionnaires de la Garde nationale bolivarienne (GNB) et du Service bolivarien de renseignement national (SEBIN) afin qu’une enquête soit lancée sur leur participation présumée aux faits. Toutefois, de hauts porte-parole du Gouvernement National, tels que la ministre de la Communication, Delcy Rodriguez, et le président Maduro lui-même, continuent d’accuser l’opposition de tous les décès. Une mention spéciale doit être adressée au président de l’Assemblée nationale, Diosdado Cabello, qui, dans son programme quotidien “Con el mazo dando”, diffusée sur la télévision d’Etat, a prononcé des déclarations délirantes sur les causes des assassinats.
Le ‟Guarimba” est un mode d’action que les secteurs de l’opposition ont développé vers la fin de l’année 2002. Cela consiste à faire, dans un endroit considéré comme ‟sûr”, des protestations – généralement à proximité des habitations des manifestants – en fermant la route avec des barricades et des poubelles ou pneus incendiés. La ‟Guarimba” possède plusieurs caractéristiques qui la différencient des autres manifestations. L’une est sa relation symbolique avec le coup d’État et ce qui a été appelé le ‟Paro Petrolero” (grève du pétrole) de 2002, et qui donc la charge d’un contenu insurrectionnel tendant à la confrontation physique avec les organes de sécurité. La seconde caractéristique, conséquence de la première, est qu’elle a été criminalisée systématiquement par le gouvernement, en en faisant un moyen d’action excluant : si des gens pro-gouvernementaux peuvent se joindre à une manifestation pacifique pour des revendications communes, ils le feront difficilement avec une ‟guarimba”. Troisièmement, elles font l’objet d’un large rejet au sein des groupes de l’opposition eux-mêmes, comme en témoigne la manifestation de Caracas du 22 février, où il y avait autant de pancartes rejetant les ‟Guarimbas” que les actions des groupes paramilitaires. Dans la mesure où le président Nicolás Maduro a encouragé la répression en félicitant publiquement l’attitude de la GNB, en ne reconnaissant pas la responsabilité de l’État pour une partie des décès et en légitimant institutionnellement les actions des groupes paramilitaires en encourageant les ‟Commandos Populaires contre le Coup d’État”, cela a généré un terreau fertile qui a permis l’apparition de ‟Guarimbas” dans certains endroits, à Caracas et dans des villes du pays. Cependant, un regard sur toute la gamme des types de mobilisation dans l’ensemble des villes du pays, confirme que les manifestations continuent à être majoritairement pacifiques.
Quand le chef de l’opposition conservatrice, Leopoldo López, s’est rendu à la police le 18 février, ce fut une véritable ‟performance” pour propulser son image comme le ‟nouveau leader” de l’opposition vénézuélienne et le centre du mouvement national de protestation. Cette opération a été réalisée avec un rassemblement de masse à la frontière entre les municipalités de Libertador et Chacao, à Caracas. Cependant, jusqu’à aujourd’hui, la dynamique des foules mobilisées dans les rues reste celle de réseaux décentralisés avec de multiples centres. Il existe toute une série d’appels via les réseaux sociaux comme ‟pancartazos” [‟coups de pancartes”], ‟Faire des prières nationales en même temps” et même ‟dance-thérapies”. Certains deviennent viraux et sont assumés par une bonne partie du mouvement. De nombreux opposants habitués au modèle vertical d’organisation léniniste de l’ère analogique, exigent en permanence que les manifestations ‟aient une direction” et des ‟revendications communes‟.
Le gouvernement insiste sur le fait qu’il est confronté à un ‟Coup d’État”, certains disent que ‟se répète le scénario d’avril 2002” et d’autres affirment que ce serait un ‟Coup continué”. Nicolás Maduro a appelé à affronter les manifestants dans la rue en activant des ‟Comandos Populares antigolpe”. Cependant, les deux manifestations de ces derniers jours organisées par le gouvernement dans les rues de Caracas n’ont pas eu le soutien et les niveaux de participation que celles obtenues par Hugo Chávez. Bien que les niveaux intermédiaires et supérieurs du gouvernement aient exprimé publiquement leur soutien aux décisions de Maduro, le chavisme de base commence à s’irriter de la répression ouverte contre les manifestants, qui a généré des centaines d’images circulant à travers les téléphones portables. En outre, le président lui-même a émis des messages contradictoires sur la nature de l’hypothétique menace à laquelle il fait face : en appelant avec insistance à célébrer le carnaval, en dansant devant les caméras de télévision, en demandant publiquement – et à plusieurs reprises – une amélioration des relations diplomatiques avec les Etats-Unis, en désigner son représentant au Fonds monétaire international, en supprimant les accréditations de CNN au Venezuela – ce qui revenait de fait à son expulsion du pays – et, en 24 heures, en les invitant à transmettre de nouveau depuis le pays.
Bien qu’au niveau international la polarisation médiatique sur le Venezuela demeure, à l’intérieur du pays nous continuons de subir un blocus majeur des informations. Les chaînes de télévision diffusées nationalement n’informent pas sur les manifestations ni ne diffusent en direct les messages des dirigeants politiques de l’opposition, tandis que leurs écrans sont envahis par les déclarations des principaux responsables des autorités. Le gouvernement pense le conflit en termes analogiques, en pensant que l’invisibilisation télévisuelle et la répression seront suffisantes pour faire taire les protestations. Tardivement, il a entamé une offensive sur les réseaux sociaux, tandis que le service Internet, contrôlé par l’Etat, subit des ralentissements irréguliers et des blocages dans certaines des applications les plus populaires chez les utilisateurs, telles que Twitter et What’sApp.
La radicalisation des deux principaux camps du conflit, fait que la demande d’un dialogue pour résoudre » la crise ne soit pas, encore, majoritaire. Le président Maduro a appelé à une ‟Conférence nationale pour la paix” tandis que parallèlement son gouvernement – et lui-même – continue de disqualifier les opposants en les traitant de ‟fascistes de l’ultra-droite” et augmente le nombre de détenus dans tout le pays, lesquels dénoncent les tortures et les traitements cruels, inhumains et dégradants lors de leurs placements en détention. Le nombre croissant de personnes assassinées et blessées par des coups de feu, des plombs, des gaz lacrymogènes, fait augmenter la spirale de la violence et du ressentiment des deux côtés, ce qui, sans abandonner la voie politique pour la résolution du conflit, prépare le terrain pour que les militaires assument de garantir la ‟gouvernabilité” au moyen d’un coup d’Etat, qu’ils soient de tendances pro-gouvernementales ou liés à l’opposition. Les images extravagantes d’un général de l’armée vénézuélienne à la retraite, Angel Vivas Perdomo, perché sur le toit de sa maison en montrant des armes de guerre – lors d’une tentative de l’arrêter après l’avoir accusé d’être l’auteur intellectuel des pièges situés dans un ‟Guarimba” qui a provoqué un décès à Caracas – ont déclenché une tempête de rumeurs sur les ‟malaises” présumés au sein des Forces armées. A cela s’ajoute une série de pillages de magasins dans plusieurs endroits du pays, avec une coordination telle qu’elle soulève trop de suspicions.
Les événements sont en plein développement : la photographie de ce moment peut devenir totalement différente dans les prochaines 48 heures. Nous espérons continuer à avoir les connexions à l’Internet pour pouvoir en rendre compte.
[ Traduction : XYZ / OCLibertaire ]
Résumé express de la situation vénézuélienne pour personnes curieuses et peu informées
Rafael Uzcátegui, 21 février 2014
El Libertario (Caracas)
Le 4 février 2014, des étudiants de l’Université Nationale Expérimentale du Táchira, située à l’intérieur du pays, ont organisé une manifestation de protestation contre un abus sexuel dont avait été victime une de leurs camarades du fait de la situation d’insécurité dans la ville. La manifestation fut réprimée et plusieurs étudiants arrêtés. Le lendemain, d’autres universités ont réalisées leurs propres manifestations pour demander la libération des détenus, et des étudiants ont été à leur tour réprimés et certains emprisonnés. La vague d’indignation se nourrit du contexte de crise économique, la pénurie et la crise des services de base ainsi que le début de la mise en application d’un paquet de mesures économiques par le président Nicolás Maduro. Deux politiciens de l’opposition Leopoldo López et Maria Corina Machado ont essayé de capitaliser la vague de mécontentement en appelant à de nouvelles manifestations sous le slogan "Le Départ" pour faire pression en faveur de la démission du président Maduro. Leur appel reflétait aussi les divisions internes de l’opposition politique et le désir d’écarter Henrique Capriles, qui rejette publiquement les protestations, de son rôle dirigeant. La Mesa de la Unidad Democrática (MUD, la coalition des partis de l’opposition) ne les soutient pas non plus.
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Le gouvernement, en réprimant les manifestations de protestation, a obtenu comme résultat qu’elles s’étendent dans tout le pays. Le 12 février 2014, des gens se sont mobilisés dans 18 villes pour la libération des détenus et en rejet du gouvernement. Dans certaines villes de l’intérieur du pays, particulièrement frappées par les pénuries et le manque d’électricité et d’eau, les mobilisations sont massives. À Caracas, trois personnes ont été tuées dans le cadre de manifestations. Le gouvernement accuse les manifestants d’être eux-mêmes responsables de ces morts, mais le quotidien plus diffusé dans le pays, Últimas Noticias, qui reçoit la plus grande quantité d’encarts publicitaires du gouvernement, révèle avec des photographies à l’appui que les assassins étaient des fonctionnaires de police. En réponse, Nicolás Maduro affirme sur une chaîne de télévision et à la radio que les organismes de police ont été « infiltrés par la droite ».
La répression contre les manifestations ne se sert pas uniquement des unités de la police et de l’armée, mais a fait aussi appel à la participation de groupes paramilitaires pour dissoudre violemment les manifestations. Un membre de Provea, une ONG de défense des droits humains, a été enlevé, frappé et menacé de mort par l’un d’entre eux à l’ouest de Caracas. Le président a publiquement stimulé les actions de ces groupes, qu’il appelle des « collectifs ».
Le gouvernement contrôle actuellement toutes les stations de télévision, et a menacé de sanctionner les radios et journaux qui diffusent des informations sur les manifestations. C’est pour cela que les espaces qui ont été privilégiés pour la diffusion des informations ont été les réseaux sociaux informatiques, en particulier Twitter. L’utilisation de dispositifs technologiques personnels a permis d’enregistrer et de photographier largement les agressions commises par les corps de répression. Les organisations des droits humains rapportent que, dans tout le pays, le nombre des détenus (beaucoup d’entre eux maintenant libérés) a dépassé les 400 et qu’ils ont subi des tortures, y compris avec dénonciations d’agression sexuelle, traitements cruels, inhumains et dégradants. A l’heure où ces lignes sont écrites, 5 personnes ont été assassinées dans le cadre de ces manifestations [au moment de cette traduction, le 22 février, elles sont au nombre de 10]
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Dans ses discours, Nicolás Maduro, encourage les manifestants qui s’opposent à lui à prendre des positions plus radicales. Automatiquement, sans aucune enquête pénale, il affirme que chacune des personnes décédées a été tuée par les manifestants eux-mêmes, qu’il disqualifie en permanence en usant de tous les adjectifs possibles. Cependant, cette attitude belliqueuse ne semble pas être partagée par tout le mouvement chaviste, car bon nombre de ses bases sont dans l’expectative devant ce qui se passe, sans expressions actives de soutien. Maduro a réussi à mobiliser uniquement les fonctionnaires au cours des rares manifestations de rue qu’il a organisé. En dépit de la situation et en raison de la grave situation économique qu’il affronte, Nicolás Maduro continue de prendre des mesures d’ajustement économique, la plus récente étant la hausse des taux d’imposition.
L’appareil d’État rappelle constamment qu’il fait face à un ‟Coup d’État” qui répéterait ce qui s’est passé au Venezuela en avril 2002. Cette version a réussi à neutraliser la gauche internationale, laquelle n’a même pas exprimé son inquiétude au sujet des abus et des morts dans les manifestations.
Des manifestations de protestations ont lieu dans de nombreuses parties du pays. Elles manquent d’un centre de direction et sont appelées à travers les réseaux sociaux. Parmi les manifestants, il y a des opinions différentes sur les partis politiques d’opposition, et c’est pourquoi on peut trouver autant d’expressions de soutien que de rejet. Dans le cas de Caracas, les manifestations sont surtout menées par des secteurs de la classe moyenne et des étudiants. Mais, dans l’intérieur du pays, des secteurs populaires ont rejoint la protestation. À Caracas les demandes sont majoritairement politiques, libération des détenus et démission du président, tandis que dans l’intérieur du pays, elles intègrent des exigences sociales, telles que la critique de l’inflation, la pénurie et le manque de services de base. Bien que certaines manifestations ont tourné violemment et que certains manifestants ont utilisé des armes à feu contre des policiers et les paramilitaires, la plupart des manifestations, en particulier hors de Caracas, demeurent pacifiques.
La gauche révolutionnaire vénézuélienne indépendante (anarchistes, secteurs du trotskysme et du marxisme-léninisme-guévarisme) n’a aucune incidence sur cette situation et nous sommes de simples spectateurs. Certains d’entre nous dénoncent activement la répression d’État et aident les victimes de violations des droits humains. Au Venezuela, pays historiquement producteur de pétrole, le niveau de culture politique dans la population est faible, ce qui explique que les manifestants de l’opposition ont le même problème de ‟contenu” que les bases de soutien au gouvernement. Mais tandis que la gauche internationale continue à leur tourner le dos et à soutenir de manière acritique la version étatique d’un putsch en cours, elle laisse des milliers de manifestants à la merci des discours les plus conservateurs de partis politiques d’opposition et sans références anticapitalistes, révolutionnaires et de changement social qui pourraient les influencer. En ce sens, l’arrestation de Leopoldo López, chef de l’opposition conservatrice, permet de faire en sorte que sa figure se retrouve placée au centre d’une dynamique mouvementiste qui, jusqu’au moment où ces lignes sont écrites, avait dépassé les partis politiques de l’opposition au gouvernement de Nicolás Maduro.
Que va-t-il se passer à court terme ? Je pense que personne ne le sait exactement, en particulier les manifestants eux-mêmes. Les événements sont en plein développement.
[ Traduction : XYZ pour OCLibertaire ]
Source : ici
Précisions et compléments rapides
A l’heure de diffuser ce texte, les choses semblent prendre de
l’ampleur dans certaines régions, notamment les États de Táchira et Merida, situés dans l’Ouest, près de la frontière avec la Colombie, mais aussi dans beaucoup d’autres États de l’intérieur (la presse ne parle que de Caracas).
Jeudi 20 février, là-même où le mouvement a commencé 16 jours plus tôt, les protestations se sont poursuivies à San Cristóbal (une agglomération de plus de 800 000 habitants), la capitale du Táchira, les commerces sont restés fermés, les étudiants ont une fois de plus dressés des barricades de pneus enflammés. Mais cette fois, la zone a été militarisée avec le déploiement de 600 soldats aux entrées de la ville, le survol de la zone par des avions de chasse, l’Internet coupé, l’appel à des renforts de la Garde Nationale Bolivarienne et de parachutistes…
La paranoïa du régime est à son comble depuis 2 semaines et ne cesse d’aller crescendo. « Ils veulent faire de Táchira le Benghazi du Venezuela, nous ne le permettrons pas », a déclaré Maduro il y a plusieurs jours. Il y aurait des « paramilitaires » venus de Colombie, qui seraient financés par l’ex-président Uribe… et puis, les chaînes de TV qui informent mal sont fermées, certains accès Internet ont été bloqués...
A écouter la rhétorique du régime, un coup d’État “fasciste” organisé par Washington est en marche. Tous les sites Internet des diverses gauches plus ou moins alternatives de langue espagnole dans le monde entier sont inondés, et presque monopolisés, par le sujet, par des dizaines de textes qui se succèdent quotidiennement et qui disent tous à peu près la même chose. Ajoutons à cela que cette mouvance voit aussi les évènements en Ukraine avec exactement les mêmes lunettes… un coup fasciste de l’Empire US, ce qui rajoute 2 ou 3 couches à la parano de base déjà bien fournie.
Au Venezuela, Maduro et son équipe semblent être entrés dans une fuite en avant répressive qui ne fait qu’alimenter la contestation : des tas d’étudiants n’acceptent pas, en plus de leurs motifs de mécontentent, de se faire traiter de fascistes, et sont en colère aussi pour ça.
Fuite en avant et parano : cocktail courant et ‟structurel” pour le chavisme, sauf que maintenant, le pays commence à s’enfoncer dans une vraie crise, avec une hyperinflation, la dévaluation de la monnaie, la poursuite des pénuries… sans compter les embrouilles internes entre secteurs rivaux du chavisme, entre les multiples corps répressifs, entre courants plus ou moins ‟idéologiques” ou “pragmatiques”, avec l’apparition de groupes de chocs qui attaquent physiquement les manifestants, tirent sur eux à balles réelles depuis des motos… et qui obéissent à qui ? À Maduro ? À d’autres dans son dos ? Et pour quels objectifs ?
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La situation aussi marquée par le fait que Maduro n’est pas Chávez, il n’a ni son charisme (et donc ne peut pas assumer l’hyper personnalisation du pouvoir), ni son agilité opportuniste, ni sa capacité de synthétiser et de s’imposer à tous ceux qui se réclament de lui.
Comme le dit Paranagua dans Le Monde il y a quelques jours, « A l’entendre, on a parfois l’impression que Maduro évolue dans une bulle, croyant sa propre propagande, comme si le Venezuela vivait vraiment dans le “suprême bonheur” » (allusion à la création par Maduro d’un vice-ministre ‟du suprême bonheur social du peuple”, en octobre 2013 ; si, si, c’est pas une blague !).
Surenchère dans la rhétorique, fuite en avant répressive et degré zéro++ de la politique, tout cela indique aussi une autre faiblesse du régime et de Maduro : l’absence de réelle mobilisation autonome des bases politiques du chavisme (à part, d’en haut, un jour les habituels travailleurs du métro et de la société d’État du pétrole, un autre jour les « femmes chavistes » des militaires marchant contre le “fascisme” et les “golpistas”…) et une forme de panique au sommet de l’État devant l’incapacité de l’exécutif et de l’administration à juguler la détérioration de l’économie et une crise sociale qui s’est installée et qui maintenant s’étend, et à contenir un mouvement de protestation interne, directement lié à cette crise.
le 23/02/2014
San Cristóbal, État de Táchira
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Rues de San Cristóbal (État de Táchira)
Interview par écrit du journal El Libertario (Caracas)
22 février 2014
1) Est-ce que les manifestations au Venezuela sont dirigées par les partis de l’opposition de droite ?
Non. La vague actuelle des manifestations de protestations a commencé dans la ville de San Cristóbal (État de Táchira) le 4 février lorsque les étudiants, alors qu’ils dénonçaient les problèmes de sécurité sur le campus de l’université, ont été frappés par la répression et plusieurs d’entre eux emprisonnés. Les manifestations qui s’en sont suivies, centrées sur la libération des étudiants détenus, se sont étendues à d’autres villes et se sont également heurtées à la répression, ce qui a intensifié l’agitation étudiante. C’est dans ce contexte qu’un parti de l’opposition a lancé une proposition de manifestations de rue surnommé ‟La Salida” [la sortie, le départ] pour exiger la démission du président Maduro, tandis que les autres factions s’opposaient à l’idée de manifestations de rue centrées sur cette plus grande revendication unique. Malgré l’arrestation du politicien conservateur Leopoldo López, les protestations massives dans tout le pays ont submergé et ‟dépassé sur la gauche” les partis politiques de l’opposition.
2) Les manifestations au Venezuela font-elles partie d’un coup d’État contre le gouvernement de Maduro ?
Au Venezuela, un pays avec une histoire de coups d’Etat militaires, il y a toujours une possibilité que les événements prennent ce tour. Toutefois, la situation actuelle est très différente de 2002, lorsqu’Hugo Chávez a été temporairement enlevé du pouvoir par un coup d’État. Depuis cette date, les forces armées ont été politiquement nettoyées aux échelons supérieurs et moyens ; ceux qui ont comblé les postes vacants étaient idéologiquement engagés au gouvernement et ultérieurement, ont été protégés en recevant carte blanche pour contrôler diverses entreprises de pays. La source la plus probable d’un coup aujourd’hui au Venezuela ne pourrait être qu’une faction chaviste ou une autre. Leur objectif serait d’assurer la gouvernabilité du pays afin que les militaires avec les multinationales de l’énergie puissent continuer à opérer avec succès dans le pays.
3) Les manifestations sont-elles liées à un ‟complot” de la part des réseaux de médias privés au Venezuela ?
Aujourd’hui, les stations de radiodiffusion ont été réduites au silence par le gouvernement de Nicolás Maduro. Le dernier réseau national, Globovisión, a été acheté par un entrepreneur ayant des liens avec le gouvernement, et a modifié son approche en matière d’information. Les stations de radio et les journaux sont l’objet de pressions pour ne pas rendre compte des manifestations sur la base de l’argument que cela incite la ‟violence”.
En outre, la presse écrite souffre d’un manque de papier en raison du contrôle des changes de devises imposé par le gouvernement. Pour cette raison, les manifestants ont pris la responsabilité de générer leurs propres comptes rendus, faisant un usage intensif des réseaux des médias sociaux.
4) Est-ce que les manifestations visent seulement à évincer le président Nicolás Maduro du pouvoir ?
C’est un mouvement qui n’a pas de centre, et il y a beaucoup de revendications. Pour les résumer, il existe deux programmes : l’un à Caracas et l’autre dans les villes de l’intérieur du pays. A Caracas, les exigences de la majorité sont la démission du président, la libération des prisonniers politiques et le rejet de la violence. Dans les autres villes, qui ont extrêmement souffert pendant des années de l’interruption des services publics et de la pénurie de produits de base, une majorité met aussi au centre de ses revendications, les problèmes de l’inflation galopante, de la rareté et du manque d’eau et d’électricité.
5) Les protestations se limitent-elles seulement à la classe moyenne ?
A Caracas, la majorité des manifestants sont des gens de la classe moyenne et des étudiants des universités publiques et privées. Dans l’intérieur du pays, la situation est complètement différente et beaucoup dans les secteurs populaires prennent une part active aux manifestations.
6) Les images qui ont circulé montrant des actes de répression au Venezuela sont-elles toute fausses ?
Il y en a qui ont, de façon malveillante ou innocente, répandu des photos et des vidéos qui ne correspondent pas à l’actualité au Venezuela, mais les réseaux sociaux se sont avérés être très bons pour l’autorégulation et les ont dénoncé avec succès comme étant fausses et ont appris aux utilisateurs comment vérifier l’information avant de la partager. La stratégie du gouvernement a été d’”essayer de montrer” qu’à partir de 3, 4 ou même 10 images fausses, toutes les autres le sont aussi. Mais les faits sont là, enregistrés par les dispositifs technologiques de dizaines de témoins de la répression du gouvernement.
7) Si ce n’est pas les partis politiques, alors qui organise les manifestations au Venezuela ?
En fin de compte, les partis politiques ont dû se joindre aux manifestations et ont essayé – sans succès jusqu’à maintenant – de les canaliser. Par exemple, la Mesa de la Unidad Democrática (MUD) a appelé après le 12 février à trois journées sans manifestation pour le deuil, et les gens désobéi, en continuant dans la rue. De nombreuses initiatives sont lancées à travers les réseaux sociaux, certaines sont reprises et deviennent virales, d’autres tombent dans l’oreille d’un sourd et sont oubliés.
8) Si Nicolás Maduro démissionnait, le Venezuela reviendrait-il à sa situation passée d’avant Chávez ?
Non. D’abord, dans le cas où cela se produisait, il est impossible de revenir en arrière sur les réalisations en matière de progrès des droits, établis par la Constitution et soutenus internationalement. Deuxièmement, il est impossible que, comme certains le croient, l’‟opposition” – quel que soit ce que ce que nous pensons que cela signifie – puisse chasser le ‟chavisme” du ‟pouvoir” dans le sens le plus large du terme. Le mouvement bolivarien a une base large qui, indépendamment de la façon dont les protestations finiront, continuera à figurer au centre de la politique vénézuélienne dans un avenir proche et moins proche.
9) Qu’est-ce qui se passe avec la répression politique au Venezuela maintenant ?
À ce jour, il y a eu 11 décès liés à des manifestations, la majorité résultant directement d’unités des forces de répression. On estime que 400 personnes ont été arrêtées pour avoir participé aux manifestations.
Juste pour Caracas, selon les chiffres du centre des droits de l’homme de l’Université catholique, 197 ont été libérées, 7 restent détenues, 6 sont disparus ou sont portées disparues, 8 ont été privés de liberté par décision judiciaire.
10) Qui réprime les manifestations au Venezuela ?
Principalement la Garde nationale bolivarienne (GNB), le Service national de renseignement bolivarien (SEBIN), et les groupes paramilitaires indirectement financés et ouvertement encouragés par le gouvernement.
11) Quel rôle l’impérialisme américain joue-t-il au Venezuela ?
Le président Barack Obama et le Département d’Etat ont condamné publiquement les restrictions des libertés démocratiques au Venezuela. Cela a amené Nicolás Maduro et ses disciples à les accuser d’ingérence dans les affaires intérieures d’un autre pays et de violer la souveraineté du Venezuela. Mais, en dépit d’insister sur le fait que les États-Unis sont à l’origine des manifestations, Maduro a en même temps invité le gouvernement nord-américain à rétablir les relations diplomatiques entre les deux pays. D’autre part, Chevron continue de faire de fructueuses affaires sur le territoire vénézuélien dans les secteurs de l’exploitation du gaz et du pétrole grâce à des contrats signés par le président Chávez qui sont valables pour encore 30 ou 40 ans. Les États-Unis continuent à être le plus grand ‟allié commercial” du Venezuela. Le Venezuela envoie sa plus grande proportion de l’énergie exportée aux États-Unis et importe en retour de nombreux produits des États-Unis pour faire face aux problèmes de pénurie du pays. Enfin, le gouvernement de Nicolás Maduro a révoqué les autorisations de travail de CNN, accusant le réseau de ‟violer les lois vénézuéliennes”, pour finalement les renouveler 24 heures plus tard en invitant CNN à revenir dans le pays. Les gouvernements des autres pays de la région ont également exprimé leur soutien ou leur inquiétude quant à la situation au Venezuela.
12) Quel est le rôle des mouvements sociaux au Venezuela en ce moment ?
Au cours des 15 dernières années, les mouvements sociaux ont souffert d’une politique d’intervention active de l’État qui les a affaibli et divisé, et les a souvent conduit à être cooptés. Lamentablement, les quelques groupes qui ont persévéré avec un certain degré d’autonomie – par exemple quelques syndicats de travailleurs – sont trop faibles pour avoir un impact réel sur la situation actuelle.
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Source : ici
[ Traduction : XYZ pour OCLibertaire ]