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Nouvelles offensives
contre la ZAD de Notre-Dame-des-Landes

mercredi 8 mai 2024, par admin x

Les habitant·es et paysan·es de la ZAD anciennement convoitée par le projet d’aéroport du Grand Ouest ont récemment fait l’objet dans la presse d’une série de menaces et de propos incriminants et largement erronés de la part des maires des communes limitrophes de Vigneux de Bretagne et de Notre-Dame-des-Landes.
Derrière cette attaque médiatique on trouve le choix d’enclencher de la part de la maire de Vigneux une démarche visant à obtenir du tribunal administratif de Saint-Nazaire un titre judiciaire qui pourrait aboutir à des destructions d’habitats reconstruits après les destructions violentes de l’opération César en 2012.


Six ans après l’abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes et des actions de destructions de nombreux lieux de vie (« cabanes ») - qui avaient été installés sur différents points de la zone au cours de la longue lutte contre ce projet d’une absurdité environnementale-, les maires de Vigneux et de Notre-Dame-des-Landes (soutenus ou instrumentalisés par une Sénatrice LR, Madame Garnier qui ne cache pas ses intentions de gagner la mairie de Nantes) ont été reçus au ministère de l’intérieur par Darmanin pour évoquer la situation des Zadistes établis sans bail, ni permis de construire. Ces deux maires s’exaspèrent des « nouveaux arrivants n’ayant aucun projet agricole installés sur la ZAD ces dernières années » et évoquent des « incivilités », des « camps de caravanes et des raccordements électriques illicites ».
Ces maires avaient déjà essayé une intervention en interpellant le Préfet via une lettre ouverte à Darmanin lui rappelant que suite à l’« évacuation de la zone à défendre à Notre-Dame-des-Landes en 2018, il n’y aurait plus de ZAD en France ». Cette première intervention était restée sans suite.

Rappel Historique

En avril 2018 dans le cadre des négociations avec l’État, ce dernier avait rejeté la proposition du mouvement de gérer l’après projet sous une forme collective en s’inspirant du modèle Larzac.
L’État demande (impose) la présentation de projets individuels à caractère agricole. Une majorité de zadistes s’organise pour présenter des projets couvrant le maximum de terre (240 ha) sécurisant ainsi tous les lieux de vie et évitant toute nouvelle destruction ou expulsion, en imbriquant les utilisations, permettant la coexistence de nombreuses activités vivrières, artisanales et aux zadistes voulant faire perdurer ce projet original, d’y rester.
Depuis d’autres projets paysans ont vu le jour (fruitiers, escargots, etc.), à ce jour plus d’une vingtaine d’installations paysannes ont été développées par les habitant·es de l’ancienne ZAD. De même d’autres projets artisanaux se sont créés.
Je ne reviendrai pas sur les difficultés, les différentes approches et visions qui ont traversé cette période de transition, qui ont vu aussi les zadistes s’entre-déchirer et pour certain quitter la zone.
L’État en imposant ces projets espérait réduire le nombre des habitant·es sur zone et éviter la création d’un pôle contestataire (révolutionnaire). Je me souviens d’une réponse de la préfète sur ce qui motivait le refus du projet collectif (modèle Larzac), et j’avais été étonné d’un de ses arguments : « la ZAD de Notre-Dame-des-Landes est trop près de Nantes ».
Voulait-elle suggérer que le maintien sur la zone d’un nombre de contestataires du modèle dominant pouvait créer un foyer de résistance ? Dans ce cas elle aurait vu juste, car les Soulèvements de la terre sont nés à Notre-Dame-des-Landes et ont tenu compte de l’expérience de la lutte qui s’y est déroulée en associant différents mouvements : Confédération Paysanne, Extinction Rébellion, et associations diverses, pour mettre un coup de projecteur sur des luttes locales en France, en organisant, toujours avec des acteurs locaux, des évènements importants de résistance comme on le voit avec les luttes contre les méga-bassines, contre le bétonnage autoroutier (A69), contre Lafarge, le projet Lyon-Turin etc....
Des maires qui ne font pas de politique...
Les maires des deux communes se cachent derrière le PLUI (Plan Local d Urbanisme Intercommunal) qui a été réactualisé après l’abandon du projet d’aéroport, ce qui leur permet d’affirmer qu’ils n’ont pas d’intention politique mais que ce n’est qu’un sujet administratif en liaison avec l’urbanisme.
Du jour au lendemain, le PLUI a classé quasiment l’ensemble du territoire en Zone Naturelle ou Agricole sans tenir compte de l’existant, en essayant de nier que la vie avait continué, que les hameaux avaient été réoccupés (négation de la présence des habitant·es qui avaient pendant huit années de leur vie lutter pour sauver cette zone d’un bétonnage) que des habitations détruites en 2012 avaient été reconstruites. Le PLUI rédigé après l’abandon a fait comme si tous·tes ces habitant·es, leurs bâtiments, leurs pratiques -artisanales, sociales, culturelles, naturalistes, forestières, etc. - n’existaient pas et n’avaient pas lieu d’être.
Un recours juridique a été déposé par l’association NDDL Poursuivre Ensemble et l’AACB, Association pour un avenir commun dans le bocage, compte tenu de l’impossible dialogue, notamment avec Gwénola Franco, mairesse de Vigneux, qui refuse tout permis de construire et qui affirme : « il n’y a pas de sujet sur les agriculteurs déclarés. La question ce sont les personnes installées illégalement, notamment sur des terrains agricoles ou naturels. »
Le maire de Notre-Dame évoque lui aussi « une bonne ambiance avec les porteurs de projet agricole » mais voudrait que le reste soit « plus propre ». Il refuse la construction de logements paysans (proposé par le Conseil Départemental) tant que d’autres « illégitimes » occupent les logements historiques. Vouloir faire un tri entre les zadistes et nier leur histoire dans cette lutte est un positionnement très politique, au lieu d‘envisager des échanges, comme cela se passe depuis 4 ans maintenant avec le Département.

Les obstacles posés par les mairies aux régularisations

Depuis plus de cinq ans, des habitant·es et paysan·nes travaillent avec le Conseil Départemental (CD44) et l’État à la régularisation des terres, des bâtis, des habitats et des activités sur l’ancienne ZAD, étape par étape. Des baux agricoles (à fort enjeu environnemental) ont pu être signés sur une partie du foncier, et des statuts en lien avec leurs activités ont été obtenus. Le CD44, qui reste propriétaire de la majorité des terres et bâtis à ce jour, est aujourd’hui prêt à signer des baux avec les habitant·es des longères historiques ainsi qu’avec celles et ceux qui bénéficient de permis de construire (PC) sur des maisons détruites par le projet d’aéroport et constructions plus nouvelles. Mais il est toujours fait obstruction, notamment par la mairie de Vigneux-de-Bretagne, à l’obtention de PC ou de raccordements réseaux (eau et électricité) pour un certain nombre d’habitats :
• Alors que Jean-Paul Naud, Maire de Notre-Dame-des-Landes, a permis la reconstruction des fermes et habitats détruits du fait du projet d’aéroport sur sa commune, Gwenola Franco, Mairesse de Vigneux, a jusqu’ici refusé les permis liés à ce type de reconstructions.
• Il y a également sur la ZAD des expériences de construction d’habitats légers, réversibles et biosourcés. Cette démarche innovante est une piste précieuse face à une crise du logement de plus en plus criante, et notamment au manque de logements sociaux. Ce type de solutions écologiques fait d’ailleurs l’objet d’un intérêt croissant de certaines communes de la CCEG (Communauté de communes d’Erdre et Gesvres). Des cadres (STECAL [1]) existent aujourd’hui pour les régulariser dans le respect du droit de l’urbanisme. Les habitant·es concerné·es les ont fait valoir sans résultat à ce jour.
• La possibilité de PC (Permis de Construire) pour des logements paysans prévus dans le cadre du PLUI pour des agriculteur·ices installé·es semble aussi bloquée par les maires. Les exploitant·es agricoles concerné·es ne peuvent ni terminer leur installation, ni stabiliser leur projet, et sont ainsi maintenu·es dans la précarité. À l’heure où l’on reprend conscience des difficultés du métier de paysan·ne autant que de son caractère essentiel, il est impensable que des obstacles supplémentaires s’imposent à ces nouveaux et nouvelles installé·es

Les Maires refusent de reconnaître

ce que les habitant-es de l'ancienne ZAD

apportent à la vie de leur communes

Alors que l’on s’alerte aujourd’hui du manque de vocations agricoles, les habitant·es de l’ancienne ZAD ont développé depuis 2018 une vingtaine d’installations paysannes (360 ha). Ces fermes agro-écologiques entretiennent le bocage et épargnent des intrants chimiques qui altèrent les ressources en eau et les terres des communes. Elles favorisent la biodiversité avec l’appui d’associations naturalistes. Elles alimentent les circuits courts, AMAPs, magasins de proximité et marchés que les habitant·es des communes fréquentent.
Mais comme beaucoup de territoires ruraux, l’ancienne ZAD n’est pas habitée par ses seul·es agriculteurs et agricultrices. Contre une vision des campagnes avec des agriculteur·ices isolé·es, il faut affirmer, soutenir et garantir que les autres habitant·es du bocage sont tout aussi légitimes à rester vivre ici et à maintenir leurs activités sur les communes de Notre-Dame et de Vigneux.
Témoignons que toutes ces personnes ont fortement contribué à protéger des nombreuses nuisances qui auraient été engendrées par le projet d’aéroport et à préserver l’environnement de ce territoire. Elles vivent depuis des années ici, y ont rebâti et entretenu les maisons démolies par les forces de l’ordre, et mettent en œuvre des expériences écologiques et sociales inspirantes. Leur choix de rester habiter là tient à un attachement profond à ce territoire, et leurs diverses activités participent directement de la vie des communes. Mais nous sommes dans des communes rurales où l’on entend « ces zadistes ne sont pas du pays », la question de l’étranger est un phénomène social
L’ancienne ZAD est rendue riche et vivante également par l’arrivée, ces 15 dernières années, de nouvelles personnes aux multiples compétences et à leurs activités qui conjointement s’imbriquent et rayonnent : gestion forestière en filière locale, fabrication de plaques isolantes en paille ou chanvre, confection de galettes et crêpes, conserverie, brasserie, boulangerie, architecture, charpente, couverture, élagage, bûcheronnage, soin à domicile, traiteur, mécanique, forge, métallurgie, imprimerie, sérigraphie, ateliers d’artisanat et autres interventions à l’écomusée, etc. Passionné·es par leur métier et par les questions de transmission, beaucoup proposent des espaces de formation, des chantiers participatifs et des moments d’accueil pour les enfants des communes alentours - dans des cadres scolaires et périscolaire ainsi que pour des colonies de vacances.
C’est aussi un endroit dense culturellement : bibliothèque du Taslu, salles polyvalentes pour séminaires, projections, spectacles, résidences artistiques et expositions, balades naturalistes, etc. Les lieux qui permettent ces activités ont toute leur place dans un territoire rural vivant.
150 à 200 habitant es ont une organisation propre, et sont en négociation avec le départements pour régler les questions de vie, sans passer par les mairies peu coopératives. Mais ces dernières ont un pouvoir énorme sur l’obtention (ou régularisation) de permis de construire. L’attribution des permis entraîne des coûts importants pour les mairies, à cause des raccordements aux réseaux électricité et eau même si le département s’est engagé à payer la moitié des installations.
Les habitant·es de l’ex ZAD ont créé énormément d’activité et s’implantent dans les communes (surtout Notre-Dame) et sont perçu·es et vécu·es comme une communauté dans la communauté (communale) alors que tout ce qui se vit sur la ZAD est ouvert aux populations (achats des produits de la quinzaine de fermes biologiques, participation aux sorties de formation sur la forêt, utilisation de l’auberge du Qplomb, journée portes ouvertes chaque année fin mai (le 26 mai pour 2024), etc.

Contre attaque au niveau médiatique

Une lettre ouverte a été envoyée aux maires et rendue publique lors d’une conférence de presse organisée par la coordination des organisations soutenant les projets de la ZAD [2].
« L’arrivée de nouvelles personnes sur vos communes est-elle un problème ? Qu’il s’agisse de la lutte pour la sauvegarde des marais salants de Guérande dans les années 80, de la lutte du Larzac, ou de celle pour l’abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, ces arrivants ont dynamisé les luttes et largement contribué aux victoires.
Tout d’abord, alors que des habitants vont de démarches en démarches pour répondre aux demandes administratives et avancer dans leurs projets, il nous paraît aussi contre-productif qu’irresponsable de laisser traîner des situations dans lesquelles des projets sont bloqués par d’interminables ping-pong autour des permis de construire et des raccordements aux réseaux. Même les personnes les plus dynamiques peuvent se décourager quand leurs projets sont bloqués depuis 5 ans. Un dialogue entre les différentes collectivités concernées et les porteurs de projets ne serait-il pas la meilleure solution.
C’est pourquoi nous ne comprenons pas les difficultés récurrentes actuelles pour obtenir des permis de construire qui devraient être de droit sur des lieux qui avaient été construits avant 2012. Ces vieilles fermes et constructions ont été détruites par l’État : ce dernier aurait dû, après l’abandon et sur vos injonctions, car cela était de votre responsabilité, financer les reconstructions pour maintenir le potentiel social et restaurer la dynamique du secteur concerné.
Les personnes concernées par le processus de régularisation et ciblées par vos déclarations vivent en réalité sur ce territoire depuis des années. Elles ont permis de le protéger. Elles contribuent à le rendre dynamique
Parties prenantes de notre victoire collective de 2018, et de ce qui se vit maintenant sur la zone, nous prônons le dialogue face aux difficultés et incompréhensions. Parce que nous refusons de renoncer à l’espoir, nous ne laisserons pas détruire ces lieux de vie où se crée un avenir désirable. »
Qu’en est il de ce souhait de dialogue sur le terrain ? Malgré la conférence de presse et la lettre qui leur a été adressée, les Maires refusent toujours de rencontrer une délégation composée de paysan·es et habitant·es. Ils ne veulent discuter qu’avec les paysan·es installé·es.
Une Tribune est donc en cours de signature. L’idée est de la rendre publique une fois que l’on aura amassé assez de signatures, par le biais d’une conférence de presse ou d’un rassemblement, en l’envoyant aussi aux élu.es de Vigneux, Notre-Dame et des autres Mairies de la communauté de communes (CCEG). Elle va accompagner les diverses tentatives en cours pour faire bouger les maires de leur optique actuelle et des problèmes qu’ils font peser sur les lieux de la ZAD.


Joël Quélard
co-président de NDDL P.E. (Poursuivre Ensemble)
et représentant de l’association dans la coordination du mouvement pour six mois.

NOTES
[1] Les secteurs de taille et capacité d’accueil limitées (STECAL) sont des secteurs délimités au sein des zones inconstructibles des PLU, comme les zones agricoles, et au sein desquels certaines constructions ou installations peuvent être édifiées de manière dérogatoire.
[2] La lettre est à lire intégralement sur le site www.nddl-poursuivre-ensemble.fr/ En sont signataires : NDDL Poursuivre Ensemble, ATTAC 44, les amis de la Confédération paysanne 56, la Confédération Paysanne 44, les Écologistes 44, Solidarités Ecologie (La Chapelle sur Erdre), Solidaires 44, la LPO 44, Ensemble 44…

Une Tribune en soutien aux habitants et paysannes du bocage de Notre -Dame-Des-Landes

« Nous - membres d’associations, de syndicats et organisations agricoles, d’AMAPs, parents d’élèves, habitant·es des communes voisines - considérons que ces habitant·es apportent au contraire une dynamique bénéfique à notre territoire. Nous nous inquiétons des obstructions aujourd’hui faites à leur régularisation par ces communes et regrettons les tensions suscitées par les menaces de procédures judiciaires et d’expulsion. Nous souhaitons pointer les solutions possibles et bénéfiques à cette situation exceptionnelle, autant pour les communes que pour les habitant·es et paysannes visé·es.

Renouer le dialogue et trouver des solutions plutôt que de faire ressurgir un climat de tension
Le caractère exceptionnel de ce qui s’est produit sur le territoire anciennement menacé par l’aéroport, l’installation durable de dizaines de personnes à une époque où toute demande de permis était impossible, demande aujourd’hui une réadaptation. Elle nécessite une prise en compte de la réalité de ce territoire plutôt qu’une politique de déni.
Les mairies n’ont peut-être pas toujours été aussi bien accompagnées qu’elles le souhaitaient, par l’État ou le Conseil Départemental, dans la possible remise en état du territoire, de ses réseaux et bâtis après l’abandon du projet d’aéroport. Il incombe malgré tout aujourd’hui aux élu·es de nos communes autant qu’aux autres collectivités territoriales de faire des pas.
Les appels publics récents des maires à « libération » ou destruction d’habitats sont à ce titre absolument déplacés.
Personne sur ce territoire ne devrait avoir envie ni intérêt à revivre des moments de tensions et une présence policière telle que nous avons pu la connaître il y a quelques années. Les démarches visant à obtenir du tribunal administratif "un titre judiciaire pour expulsion" renouvellent un climat de menaces inutiles alors qu’il existe des solutions simples, avec un peu de bonne volonté, pour une issue apaisée.
Nous considérons que les procédures de criminalisation et de stigmatisation médiatique doivent cesser.
Nous plaidons aujourd’hui pour que les communes acceptent de s’ouvrir, avec les premier·ères concerné·es, à un dialogue constructif sur les différentes possibilités de régularisation des habitats et bâtis de l’ancienne ZAD.
Nous demandons à ce que le Conseil Départemental, en tant que propriétaire, continue d’œuvrer en ce sens en appuyant les communes, de manière à sortir des situations d’impasse et à entrer en cohérence avec son projet agricole, social et environnemental »

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