lundi 1er mai 2006, par
Depuis le cessez le feu de 1949 et jusqu’à la veille de la guerre des 6 jours ( juin 67), la communauté internationale a reconnu implicitement cette ligne de cessez le feu (la ligne verte) comme la frontière de l’état d’ Israël. A la fin de cette guerre qui a vu l’occupation de la Cisjordanie, du plateau du Golan et de la bande de Gaza, cette frontière a disparu. Elle existe toujours dans le discours de ceux qui se battent contre l’occupation et donc pour un retour à l’état antérieur, ainsi que pour les diplomates internationaux qui en ont d’ailleurs fait l’objet de multiples résolutions, mais surtout pas pour Israël. Le débat a été relancé à l’occasion des dernières élections.
Qu en est il réellement à ce jour ?
Les termes du débat sont apparemment simples. Le tracé des frontières d’Israël déterminera l’existence ou non d’un état palestinien viable. Cela n’en prend pas hélas le chemin. La logique unilatérale prévaut toujours pour l’état hébreu
L’émergence d’une nouvelle idéologie
Un nouveau « consensus » vient d’apparaître dans la société israélienne : c’est la banalisation du « blocs de localités ». La notion de colonies disparaît du vocabulaire journalistique. Cela permet d’évacuer la notion de culpabilité qui colle trop à ce vocable. Ce tour de passe passe sémantique ne doit pas nous empêcher d’aller au-delà des apparences. Car contrairement à ce que peut asséner le discours médiatique ambiant qui laisserait croire à un glissement à gauche avec l’arrivée des travaillistes au gouvernement, la réalité est out autre. En effet, la réalité politique dans l’opinion israélienne, celle qui fait consensus, se situe clairement à droite. Les programmes des trois grands partis, Likoud, Kadima, et parti Travailliste censés représenter la droite, le centre et la gauche se retrouvent sur les mêmes bases pour la conservation par Israël des grandes colonies : Goush Etzion, Maale Adunim et Ariel. Le dépeçage de la Palestine en trois grands bantoustans est maintenant intégré dans l’esprit collectif israélien, même de la part de ceux qui se disent plus à gauche que la gauche, à savoir les tenants du fameux Plan de Genève. En effet, celui-ci choisit de maintenir, au nom du réalisme, Ma’aleh Adoumim dans les frontières d’Israël.
Maale Adumin, colonie symbole en Cisjordanie
Que représente exactement cette colonie ? C’est l’une des plus extrémiste et la plus dangereuse de Cisjordanie occupée, « c’est la ville qui est destinée à être reliée à Jérusalem pour devenir la grande cité-dortoir de la capitale. Ses habitants sont parmi les colons les plus réactionnires et pour certains les plus extrémistes de Cisjordanie.Cette colonie a été établie sur des terres privées qui ont été confisquées à Abou Dis, Anata, Azariya, A-Tour et Isawiya, puis déclarées « terres d’Etat » au terme d’une procédure juridique peu claire dans le but de couper l’un de l’autre le nord et le sud de la Cisjordanie. Ma’aleh Adoumim est la colonie qui a entraîné la plus vaste expulsion d’habitants hors de chez eux les membres de la tribu bédouine Jahalin contraints d’aller vivre sur les terrains du dépôts d’ordures parsemé ça et là de containers de transports servant d’habitations à de milliers de gens d’Abou Dis, donnant au lieu un aspect où les bidonvilles des banlieues françaises pouvaient être considéré comme de riants villages. Violation flagrante du droit international qui interdit le transfert de populations en territoire occupé. » déclare Gidéon Lévy dans un récent article publié dans Haaretz. Cette nouvelle manière d’appréhender la réalité est inquiétante, car en réalité c’est la confirmation d’un refus d’envisager un paix juste et durable devant permettre aux palestiniens de vivre libre sur un terre qui est la leur. Une fois de plus, l’état d’Israël fonctionne sur le principe du fait accompli, en montrant qu’au vu du nombre d’habitants peuplant à ce jour cette colonie, il est maintenant trop tard, trop coûteux et inhumain,soi disant, d’évacuer ces milliers de personnes, et le tour est joué . Pour Goush Etzion, l’état d’Israël rajoutera en plus des arguments précédents, que cela fait maintenant plus de trente ans que les premiers colons se sont installés et qu’il est maintenant trop tard pour les en déloger.
La décision, adoptée depuis un certain temps , de construire une base de police dans le secteur de la E-1 qui relie Ma’aleh Adoumim à Jérusalem, prévoit donc implicitement la fin absolue de la possibilité d’un accord. Avec cette base, la cité dortoir pourra continuer de s’étendre et la Palestine des accord d’Oslo n’aura plus aucune continuité territoriale . Rien ne va empêcher la création de 3.200 unités d’habitation, avec une région touristique entre Jérusalem et Ma’aleh Adoumim, achèvera la continuité territoriale. De ce fait, même si Olmert prétend avoir renoncé à l’idée du grand Israël, il n’a pas pour autant abandonné le principe du maintien et surtout de l’extension des colonie dans ce qui devrait être la Palestine. Le problème restera en l’état, à savoir une Cisjordanie dépecée ne sera jamais un état palestinien indépendant. C’est précisément à cette fin que les « blocs de localités » ont été créés. Kadima, le nouveau parti de Sharon qui se veut au centre sur l’échiquier politique israélien, dit qu’il aimerait tenter un accord avec les Palestiniens. En réalité, avec ou sans l’arrivée du Hamas à la tête de l’autorité palestinienne, l’état d’Israël continuera sa politique d’évacuer unilatéralement des colonies, poursuivant l’approfondissement de l’occupation et à sa pérennisation.
Les Etats-Unis laisseront faire et Ma’aleh Adoumim deviendra une partie inséparable de la Capitale Eternelle. C’est exactement comme ça, par la même escroquerie, que Ma’aleh Adoumim a été créé : un « camp de travail » d’apparence innocente, destiné à 23 familles et fondé en 1975, est devenu trente ans plus tard une grosse ville de 32.000 habitants dont le territoire municipal est plus étendu que celui de Tel Aviv D’après un rapport de B’Tselem publié en 1999, il y a à Ma’aleh Adoumim 2.120 mètres carrés par habitant contre 76 métres carrés à Abou Dis qui est situé en face, et dont les terres ont été volées au profit de la colonie. Celle-ci s’apparente à une banlieue aisée, avec des espaces verts irrigués, alors que l’eau une denrée précieuse, en règle générale et particulièrement rationnée pour les habitants d’origine que sont les palestiniens.
Edifiée en 1975, classée comme zone de développement hautement prioritaire et bénéficiant à ce titre d’importantes aides étatiques, Maale Adumim est devenue la plus grande colonie israélienne de Cisjordanie. Située dans les faubourgs de Jérusalem, elle est forte de 25 000 habitants en 1999. Cette politique de colonisation rampante vise à consolider l’annexion illégale de Jérusalem-Est et rend plus difficile encore l’émergence d’un Etat palestinien.
Sources : Foundation for Middle East Peace (FMEP), Washington, DC.
La France complice de la colonisation
Pour relier cette colonie à la ville actuelle de Jérusalem, rien de tel qu’un moyen moderne de transport. Le 17 juillet 2005, un accord a été signé entre le gouvernement israélien et deux groupes français - Alstom et Connex - pour la construction et l’exploitation d’une ligne de tramway sur des terres palestiniennes : ce tramway doit traverser Jérusalem-Est pour relier Jérusalem-Ouest à Maale Adumim. Le tracé ce cette ligne de tramway passe évidement par la partie palestinienne de Jérusalem. Les autorités françaises ont joué un rôle actif dans la passation du contrat entre Israël et les sociétés Alstom et Connex. Bafouant toutes les résolutions qu’elle a votées, l’état français cautionne ainsi la politique israélienne de colonisation et l’annexion de fait de Jérusalem-Est et bafoue le droit international, en particulier les résolutions le Conseil de Sécurité des Nations-Unies et celles la Cour Internationale de Justice. Dans son avis du 9 juillet 2004, celle-ci stipule que les Etats doivent « ne fournir à Israël aucune assistance qui serait utilisée spécifiquement pour les colonies de peuplement des territoires occupés . Avec la construction de ce tramway, le gouvernement israélien renforce son annexion de la partie palestinienne de Jérusalem et affirme sa volonté de faire de la ville tout entière la capitale de l’état d’Israël. Pour les dirigeants israéliens, il s’agit de préempter sur l’avenir de la ville, annexée illégalement, et décrétée tout aussi illégalement toute entière capitale de l’Etat, alors que la partie palestinienne considère, au contraire, que la ville doit devenir capitale des deux Etats, avenir qui doit être l’objet de négociations, fondées sur le droit international.
La nouvelle idéologie du consensus israélien intègre Goush Etzion et Ariel ; dans ce qui sera la frontière future de l’état d’Israël. Concernant la vallée du Jourdain, celle-ci est de facto partie intégrante d’Israël. Il n’est qu’à voir le nombre de Kibboutz depuis longtemps transformés en entreprises rentables qui l’occupe. Concernant les immenses quartiers dans la partie occupée de Jérusalem, ceux-ci font l’objet d’un épuration ethnique rampante où les constructions sauvages de colonies intégristes rivalisent avec les expulsions et les interdictions de séjour.
Analyse
Du Likoud jusqu’au parti Travailliste, la classe politique est d’accord, sans trop le crier sur les toits pour admettre le principe de la colonisation. Pendant ce temps les chroniqueurs médiatiques parlent d’un nécessaire partage du pays, reprenant les thèses de Kadima sur l’abandon du Grand Israël à propos d’une évacuation dans le futur de quelques colonies, mais surtout sans toucher aux principales Ceci conformément aux déclarations de Sharon de fixer avant 2010 les frontières permanentes d’Israël. Cette idéologie du consensus a entre autre pour origine la notion de séparation, c’est globalement le discours dominant qui est apparu au cours de la dernière période électorale. Celle-ci est elle même justifiée par un élément de propagande non négligeable comme quoi il n’a pas d’interlocuteur valable du côté palestinien. La ficelle aussi grosse soit elle, a bien marché pour décrédibiliser Arafat . L’état d’Israël n’a tellement pas envie de participer à de quelconques négociations, qu’il clame haut et fort Mahmoud Abbas et maintenant encore moins le Hamas, ne peut être un interlocuteur. D’où la démarche unilatérale, appuyé en cela par cette nouvelle idéologie du consensus.
Conclusion
Personne ne peut croire que la démarche unilatérale de délimitation des frontières par Israël revient de fait à la création d’un état Palestinien. Au contraire, la décision unilatérale du tracé des frontières par Israël est dans le proche avenir, la nouvelle étape - commencée avec l’évacuation des colonies de Gaza - dont l’objectif reste : l’interdiction de l’émergence d’un quelconque projet d’état Palestinien juste et viable. Certains ont pu croire, tant du côté de certains pacifistes israéliens que dans une certaine gauche européenne, que le Mur permettrait de délimiter un état Palestinien, hélas bien au contraire. Par la « frontière » qu’il matérialise le Mur a t-il contribué à la constitution d’un état Palestinien ? Sûrement pas. C’est d’abord par le vol de terres, de l’eau, de déplacement de populations, les vexations de toutes sortes, les arrestations arbitraires et l’anéantissement économique et social, que le Mur a contribué à la destruction de la faisabilité d’un état palestinien. Le Mur constituait l’étape précédente qui se prolonge aujourd’hui par la nouvelle : le consensus sur les colonies. Oser parler de la fixation unilatérale des « frontières d’Israël » par Israël c’est tout simplement nier -une fois de plus- les résolutions internationales qui ont déjà déterminé ces frontières, sur la ligne verte de 1967 !
Patrick - OCL Caen - avril 2006