[Grèce en lutte]
lundi 13 mai 2013, par
Alors qu’un nouveau train de mesures d’austérité visant cette fois particulièrement les fonctionnaires a été voté fin avril, la grève des enseignants du secondaire appelée pour le début de la période des examens a aussitôt été interdite par un nouvel ordre de réquisition, indiquant une fois de plus, après la grève interdite des travailleurs du métro d’Athènes et des marins, qu’un « état d’exception permanent » s’installe durablement en Grèce afin d’imposer à tout prix les pires mesures d’austérité de toute l’Europe et de faire taire les résistances.
Petit tour du laboratoire européen des politiques actuelles du capital où l’imposition des mesures de licenciements, de baisses des salaires, de démantèlement de la santé publique, de destruction sociale se conjugue avec la fermeture progressive et continue des espaces d’expression et d’antagonisme.
1. Nouvelle loi « omnibus » d’austérité du 28 avril
Une loi établissant de nouvelles mesures d’austérité a été votée par le parlement le dimanche 28 avril. La procédure était semblable à celle mise en œuvre par le gouvernement pour le vote du dernier mémorandum en novembre 2012, lorsque le projet de loi avait été adopté non seulement avec la procédure d’urgence, mais rédigé en un seul article, afin de priver les députés de la possibilité de voter contre certaines clauses. Une loi « omnibus » (« pour tout » en latin) est une loi qui comporte plusieurs sujets ou aspects disparates en un seul bloc.
Le projet de loi comprend d’autres réformes, comme le nombre de versements que les débiteurs devront effectuer pour payer leur impôt à l’Etat et les cotisations sociales.
Il s’agit là de l’enregistrement législatif des décisions prises par la troïka au début de ce mois, contre le versement d’une nouvelle tranche de financement.
Athènes s’attend maintenant à recevoir des 8,8 milliards d’euros à la mi-mai. Il est prévu que le versement, prévu de longue date, d’une tranche de 2,8 milliards d’euros de cette somme sera approuvé par le groupe de travail de la zone euro le 29 avril. L’autre tranche, de 6 milliards, doit être octroyée lors de la prochaine réunion de l’Eurogroupe du 13 mai prochain : l’Etat a en effet besoin très rapidement de ces fonds pour payer les fonctionnaires, les retraités et les obligations dont l’échéance prochaine est le 20 mai.
Le point le plus important portait sur les licenciements dans la fonction publique. Bien que le nombre d’employés du secteur public ait diminué de façon constante depuis le début de la crise, c’est la première fois que le gouvernement va éjecter directement des fonctionnaires.
Le ministre de la Réforme administrative Antonis Manitakis a expliqué aux députés que le gouvernement choisirait les 15.000 fonctionnaires qu’il doit mettre à pied d’ici fin 2014, dont 4000 en 2013.
Il a précisé que ces licenciements ne concernaient pas le plan de mobilité forcée qui vise d’ores et déjà 25.000 fonctionnaires.
Le ministre Manitakis a dit que les fonctionnaires visés par les licenciements venaient de cinq domaines. Le premier est formé de ceux qui sont reconnus coupables d’infractions. Selon le ministre, quelques 1.500 fonctionnaires font face actuellement à des procédures disciplinaires.
Les fonctionnaires qui travaillent dans des organisations qui sont fusionnées ou dissoutes perdront également leur emploi. Cela se fera par un processus d’évaluation qui se déroule actuellement et qui conduira à sélectionner ceux qui seront virés.
Le ministre a ajouté que les employés du secteur public qui ont eu des mutations forcées ou qui sont placé dans le système de « réserve de main-d’œuvre » auront la possibilité de partir volontairement à la retraite.
Enfin, Manitakis a déclaré que les conditions dans lesquelles chaque fonctionnaire a été recruté seront vérifiées et que les personnes embauchées de manière frauduleuse seraient licenciés.
Ces 15.000 suppressions de postes ne sont qu’un début. Un avis de la troîka parle de la suppression nécessaire de 150.000 emplois de fonctionnaires dans les années à venir. Les 25 000 personnes mise dans la « réserve de l’emploi » en font partie.
Deuxième baisse du salaire minimum pour les futurs fonctionnaires
Un ajout de dernière minute du Ministre des Finances Stournaras établit un nouveau salaire minimum en cas de recrutement dans la fonction publique de chômeurs qui ont bénéficié de programmes de l’Agence Nationale pour l’Emploi. Ce maximum s’élève à 490 euros par mois, et seulement 427 euros pour les moins de 25 ans. Ces montants sont bien inférieurs au SMIC en vigueur, qui avait lui-même été abaissé, et de fait en abolissent le principe.
Cet amendement permet aux autorités locales, en particulier les municipalités, les régions, d’embaucher – dans des contrats à durée déterminée – des travailleurs pour un salaire minimum inférieur au salaire minimum commun qui avait déjà été abaissé de 22% au printemps 2012 (et de 32% pour les moins de 25 ans).
Le nouveau salaire minimum des fonctionnaires sera abaissé à 490 euros, soit 90 euro de moins que le salaire minimum général.
Le nouveau salaire minimum des moins de 25 ans, est fixé à 427 euros par mois, ce qui correspond à une baisse de 70 euros par rapport au salaire minimal des jeunes Grecs.
Pour mémoire, le salaire minimal pour les plus de 25 ans est actuellement de 586 euros, celui des moins de 25 ans avait été abaissé à 490 euros.
En répondant à des députés qui critiquaient ces mesures salariales, le ministre des Finance a répondu : « Il est vrai que 490 euros est un bas salaire, mais n’oubliez pas que, dans ce cas, nous parlons de personnes qui sont au chômage. Ce sera un soulagement pour eux. »
Les médias internationaux et grecs se sont empressés de saluer la décision de réduire le service public "hypertrophié" de la Grèce mais ont négligé quelques points importants, tout d’abord le fait que cette "hypertrophie" du service public grec par rapport à d’autres pays européens est pour le moins douteuse, d’après les chiffres même de l’OCDE.
Comment contourner la Constitution
La permanence de l’emploi pour les fonctionnaires avait été établie dans l’histoire récente du pays afin de limiter le clientélisme et d’éviter qu’un gouvernement nouvellement élu puisse les licencier afin de recruter ses partisans. Ceci explique le fait que les services et organismes où sont employés les fonctionnaires à licencier seront dissouts, car la Constitution ne permet pas de licencier des fonctionnaires en masse dans d’autres cas que ceux-là. Parallèlement, la même loi omnibus d’austérité prévoit aussi que des employés des services régionaux et municipaux pourront désormais être recrutés sans la supervision du Conseil .Supérieur pour le Recrutement du Personnel, une agence indépendante établie en 1996 pour superviser le recrutement des fonctionnaires et éviter les recrutements par favoritisme politique.
En bref, ces clauses de la loi du dimanche 28 avril permettent de contourner la Constitution sur la permanence dans l’emploi des fonctionnaires et ouvrent la voie à de nouveaux recrutements sur la base du clientélisme et l’embauche de chômeurs en dessous du SMIC officiel.
Les deux grands syndicats grecs, GSEE et ADEDY, ont organisé une petite manifestation devant le parlement pendant le vote. Les partis de l’opposition ont exprimé des objections quant à la constitutionnalité de la procédure parlementaire. La loi a été votée par 168 voix, contre 123 et une abstention.
2. Les enseignants travailleront plus, les vacataires seront au chômage et la grève est interdite
Mercredi 23 avril, le ministre de l’Education a annoncé que les enseignants feront gratuitement dorénavant 2 heures de cours supplémentaires par semaine, et de 4 heures pour les enseignants ayant plus de 20 ans d’ancienneté. Les 10.000 enseignants embauchés cette année en CDD à des postes de remplaçants, ne seront pas repris à la prochaine rentrée scolaire.
Les enseignants grecs en colère ont appelé vendredi 10 mai à une grève à partir du 17 mai, soit le premier jour des examens de fin d’année.
L’appel de la Fédération des enseignants des écoles publiques de l’enseignement secondaire de Grèce (OLME, pour son sigle en grec) est dû à la colère des enseignants à cause des suppressions de postes de remplaçants (10 000 vacataires), les mutations de 4000 enseignants d’une région à l’autre et l’augmentation de deux heures de leur semaine de travail à partir de septembre, décision du gouvernement prise dans le cadre du dernier paquet de mesures adopté par le Parlement en avril dernier, en échange d’une nouvelle « aide » au sauvetage des créanciers internationaux. Les enseignants ont déjà subi ces dernières années, des baisses de salaire de 20 à 30%.
Les enseignants qui ont lancé cet appel à la grève cherchent mobiliser des centaines de milliers de lycéens et parents d’élèves.
Selon le Conseil de la Fédération syndicale qui a voté cet appel à 9 voix sur 11, il y aura une grève de 24 heures le 17 mai, suivie par cinq jours de grèves du 20 au 24 mai. Si la décision est ratifiée par les assemblées syndicales locales à travers le pays le 15 mai, la grève aura une incidence sur la conduite des examens d’entrée à l’université pour la première fois en 25 ans. En 1988 en effet, une grève des enseignants avait eu lieu pendant la période des examens.
Le porte-parole de la OLME a déclaré à la presse que tous les syndicats soutenaient cette grève sauf le PAME (le « front syndical » du Parti Communiste).
Le gouvernement a immédiatement annoncé que cette grève n’aurait pas lieu et qu’il recourt pour cela à une mesure de « mobilisation civile » (réquisition), comme ce fut le cas pour les camionneurs en 2010, les travailleurs des collectivités locales (ramassage des ordures) en 2011, ceux du métro d’Athènes et ceux des transports maritimes en 2013.
La mobilisation civile immédiate des enseignants est une procédure en vertu de laquelle les civils (comme des équipements, véhicules…) sont mobilisés (comme dans l’armée) pour répondre à des menaces « nationales » comme une guerre ou une catastrophe naturelle. Elle se surtout et de plus en plus à briser des grèves. Toute personne recevant un ordre de "mobilisation civile" doit s’y conformer immédiatement, sinon, elle risque la prison et de perdre son emploi.
L’ordonnance rendue par le premier ministre visant 86 000 enseignants, comprend des références à une potentielle « perturbation importante de la vie sociale et économique du pays » et de à « graves dangers pour l’ordre public et la santé des candidats participant aux examens d’entrée à l’université ».
Le syndicat OLME a appelé les lycéens et les parents d’élèves à se mobiliser contre cette interdiction de faire grève.
Lundi, le syndicat des fonctionnaires ADEDY a appelé à une grève de soutien de 24 heures le mardi 14 et a annoncé qu’il était prêt à faire de même le 17 mai.
Le syndicat OLME appelle à des rassemblements de protestations ce lundi 13 mai dans la soirée dans de nombreuses villes du pays. Des syndicats et associations de parents ont appelé à rejoindre ces rassemblements. Une grève de 24 heures pourrait être appelée le 16 mai, soit la veille de la date prévue.
3. Grèves de la faim
Les grèves de la faim se sont multipliées en Grèce ces derniers mois, afin de protester soit contre les conditions de détention, soit le traitement des immigrés et des réfugiés, soit pour les deux raisons à la fois.
On a rapporté deux nouveaux cas cette semaine, l’un à Larissa et l’autre à Mytilène. A Larissa, les détenus de la prison locale protestent contre leurs conditions de détention. Dans l’île de Mytilène, 12 Afghans et 4 Syriens récemment arrivés en Grèce ont commencé une grève de la faim pour protester contre le fait qu’ils sont dans un vide juridique, avec des conséquences absurdes et tragiques. La police et les garde-côtes refusent de les arrêter et de les enregistrer car les centres de détention sont insuffisants. Par conséquent, les réfugiés sont coincés dans le port de Mytilène sans pouvoir aller nulle part, et sont obligés de vivre, dormir, manger et se laver où et comme ils peuvent. Leur seul soutien vient de bénévoles de la communauté locale, qui leur fournissent de la nourriture et des articles d’hygiène de base. L’absurdité de leur situation est évidente quand on pense qu’ils supplient la police de les arrêter, afin d’obtenir un ordre de déportation qui leur permet de rester en Grèce pour un mois et ce qui leur permettrait de quitter l’île devenue une prison à ciel ouvert afin de poursuivre leur voyage vers les pays d’Europe du nord.
4. Aube dorée
Une femme de 23 ans est décédée cette semaine après environ un mois à l’hôpital après avoir été battue par son compagnon, dont on sait qu’il est un membre de l’Aube dorée. Au-delà du caractère tragique de ces événements, de nombreux activistes qui s’inquiètent de la tolérance des autorités vis-à-vis de l’Aube dorée ont remarqué qu’alors que l’agresseur est en cavale, la justice et la police n’ont pas publié sa photo et son identité, alors que c’est une pratique courante, pour ne pas dire systématique, dans le cas de suspects de gauche ou anarchistes.
L’Aube dorée a aussi fait parler d’elle cette semaine en cherchant à organiser une distribution de nourriture pour Grecs seulement à Athènes. La distribution a été interdite par le maire d’Athènes, Giorgos Kaminis, qui a par la suite été agressé par le député de l’Aube dorée Germenis. Le maire lui-même a cependant été critiqué en raison du fondement légal de sa décision : il a déclaré que la distribution de nourriture sur la place Syntagma était une « occupation illégale de l’espace public », alors que la loi grecque contre le racisme suffit à interdire un événement « pour les Grecs seulement » comme discriminatoire.
Enfin, beaucoup d’utilisateurs de Twitter ont signalé que le vendredi saint, des membres de l’Aube dorée étaient présents sur les péages des autoroutes du Péloponnèse. Au péage d’Eleusis, ils ont soulevé les barrières pour laisser les véhicules passer sans payer. Il faut souligner là encore que la police les a laissés mener leur opération et repartir sans les déranger, alors que les membres du mouvement "Den Plirono" ("Je ne paye pas"), qui mènent une campagne contre les tarifs exorbitants des péages, se retrouvent systématiquement confronté à la police anti-émeute.
5. Skouries contre la mine d’or
Les habitants de la Chalcidique du nord-est ont manifesté encore une fois le 1er mai contre les projets d’exploitation minière d’or et de cuivre dans la forêt de Skouries. La manifestation a été repoussée par la police anti-émeute, qui a utilisé d’abondantes quantités de gaz lacrymogène pour disperser la foule.
Entre-temps, le président du Syndicat de la Police de Chalcidique, Ioannis Kyrgiafinis, a dénoncé le fait que la police de la région a été transformée en compagnie de sécurité privée pour la compagnie minière Hellas Gold et sa compagnie-mère Eldorado Gold. Kyrgiafinis a dénoncé publiquement le niveau de dépense à la charge de l’Etat pour une opération dans laquelle 80-90 policiers sont présents sans cesse dans la forêt de Skouries, et les heures de travail quotidiennes de ses collègues, qui sont excessives, mais aussi le fait que le reste de la Chalcidique se retrouve sans policiers pour gérer les problèmes du quotidien, qui devraient d’ailleurs s’accroître avec le début de la saison touristique.
Dimanche 12 mai dans la matinée, deux manifestations était organisées dans la forêt de Skouries. L’une à l’appel des femmes à l’occasion de la fête des mères et l’autre, « mixte », comme elles se font chaque fin de semaine pour se rendre compte de l’avancement des travaux, notamment la coupe des arbres qu’effectuent des bûcherons sous la protection de la police.
Trois femmes ont été arrêtées par la police et sont poursuivies pour entrave à la circulation des véhicules de la société Hellas Gold. Selon des témoins, une quatrième femme pratiquement arrêtée a mordu un policier et a réussi à s’échapper. Une autre a été saisie violemment et cou et doit porter une minerve. Les manifestants ont é bloqués et ont pu continuer en s’échappant dans la forêt.
Par ailleurs, un manifestant est hospitalisé suite aux blessures qu’il a reçues lors d’affrontements avec les forces de l’ordre.
Selon la police, lors de ces affrontements, des coups de feu auraient été tirés sur la police par un « inconnu » et cela semble-t-il avec un fusil de chasse. Ces tirs auraient provoqué 7 blessés légers dans les rangs de la police. Certaines chaînes de TV, notamment Méga TV, propriété de Bobolas, l’actionnaire grec de Hellas Gold, disent que 7 policiers ont été blessés « par balles », alors qu’aucun hôpital de la région n’a signalé de telles blessures ou par chevrotine.
L’avocat des trois femmes qui ont été arrêtées dimanche matin a déclaré qu’elles sont accusées de résistance contre les autorités, de sédition et de tentative de libération de détenu.
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
12 mai 2013
Aujourd’hui, fête des mères en Grèce, un grand nombre de femmes ont manifesté pacifiquement dans la région montagneuse de Kakavos, une fois de plus, pour la défense de leur terre, de leur vie et de l’avenir de leurs enfants. Elles ont été encerclées par la police anti-émeute et frappées sans pitié. Deux mères de trois enfants chacune, ont été blessées. Une des femmes blessées est à l’hôpital tandis que la seconde est parmi les trois détenus qui ont été transférés au siège de la police de Chalcidique.
Les femmes qui se sont rassemblées dans la montagne ont été menacées par des employés de Hellas Gold et des policiers.
Dans le même temps, un groupe d’habitants qui étaient rassemblés dans une autre partie de la montagne, en essayant d’atteindre l’endroit où la forêt est déboisée, sont tombés sur les policiers antiémeutes qui les ont agressées avec des gaz lacrymogènes.
Nous dénonçons la police grecque, qui pendant une longue période, avec un grand déploiement de forces, empêche les résidents d’approcher les zones publiques de la montagne de Kakavos, où Hellas Gold perpètre ses opérations. Nous dénonçons la police grecque pour les services de protection qu’elle fournit à cette société et à son soutien pour ses activités illégales. Nous condamnons la répression et la violence policière brutale auxquelles les populations locales font face tous les jours.
Nous déclarons que nous continuerons notre lutte pour protéger notre terre et nos vies.
Nous demandons instamment à tous les citoyens de se maintenir en soutien et en solidarité avec notre lutte pour l’environnement, pour nos vies et pour la défense de nos droits constitutionnels et humains.
(SOS Halkidiki)
6. Chômage : nouveau record européen
Les statistiques pour le mois de février 2013 viennent de tomber. Le taux de chômeurs atteint 27% de la population active (31% chez les femmes et 24% chez les hommes) contre 21,9% un an auparavant et 26,7% en janvier 2013.
Près de deux tiers des jeunes de 15-24 ans non scolarisés sont touchés (64,2%) contre 54,1% en février 2012.
Et dans la tranche de 25 à 34 ans, plus du tiers (36,2% contre 29% il y a un an) sont à la recherche d’un emploi.
En février, le nombre de chômeurs en Grèce s’élevait à 1,32 million tandis que les personnes ayant un travail étaient 3,568 millions.
7. Dette, crise, privatisations…
Le gouvernement grec s’est montré optimiste sur l’amélioration de la situation dès 2014. On croit rêver surtout quand il prévoit, lui et la troïka, une augmentation de la dette/PIB à 175% en fin d’année 2013.
Sans doute peuvent-ils y croire parce qu’ils vont entamer cette année le programme de privatisation des entreprises publiques, défini il y a plus de deux ans et qui a pris du retard.
Parmi les premières mises en vente, il y a celle qui s’occupe des jeux et des paris sportif : la seule qui gagne beaucoup d’argent ! Il y a quelques jours, le ministre des finances s’était félicité du succès de la « première grande privatisation », la vente pour 652 millions d’euros de 33% de parts publiques du lucratif organisme de paris sportifs Opap au consortium gréco-tchèque Emma Delta. Une vente de 33% d’une société qui, en 2012, aurait rapporté 505 millions de bénéfice net… quelques mauvais esprits ont relevé que les acheteurs avaient réalisé une excellente affaire.
Un grain de sable à Thessalonique
Parmi les futures privatisations, celle de la compagnie des eaux de la ville de Thessalonique(en fait, 74% est propriété d’Etat, 26% sont déjà détenus par des entreprises privées). Mais, dans la seconde ville du pays, la résistance s’est organisée depuis près de deux ans.
La privatisation des services de l’eau, notamment en Grèce et au Portugal, est l’une des conditions imposées dans le cadre des plans de sauvetage. Cette privatisation est vivement encouragée par la Commission européenne et quand le président Hollande se rend en Grèce en février dernier, ce n’est pas seulement pour vendre des frégates à la marine grecque, c’est aussi pour appuyer les candidatures des entreprises françaises à la reprise de « bons morceaux » des entreprises d’Etat mises en vente.
Une initiative locale d’habitants, l’« Initiative 136 », née en 2011 dans la foulée du « mouvement des places », les « indignés » grecs, s’oppose à la privatisation et propose la mise en place d’une gestion sociale des eaux de la ville à travers des coopératives d’habitants à but non lucratif au niveau des quartiers. En recueillant les « parts sociales » de ces coopératives auprès des habitants qui le peuvent, elle entend acheter ce qui sera mis en vente.
Au départ, il s’agissait de privatiser 40% du capital de l’EYATH, la compagnie presque publique des eaux de Thessalonique. L’« Initiative 136 » tire son nom du résultat de la division de la valeur estimée de l’EYATH (les 40% du départ) par le nombre de compteurs installés dans la ville. Chaque « part sociale » théorique serait donc de 136 euros. Ce qui est déjà beaucoup dans un pays en cours d’appauvrissement accéléré, d’autant que le projet étant basé sur le volontariat, il regrouperait logiquement beaucoup moins de personnes que d’abonnés, même s’il est prévu d’y introduire des “personnes morales”…
Depuis décembre 2012, l’objectif de la privatisation a été réévalué à la vente de 51% de la compagnie, ce qui rend encore plus difficile de réunir ces fonds, sans parler de barrières juridiques mises dans l’appel d’offre, comme le fait d’avoir une expérience dans la gestion des eaux (distribution, évacuation, traitement/assainissement) d’une grande ville de plus de 500 000 habitants, d’autant que ces compétences techniques sont mises en premier plan chronologiquement et sont donc éliminatoires.
Parmi les acheteurs potentiels, il y a Suez Environnement (qui possède déjà 5,46% de EYATH) en association avec le groupe Ellaktor du baron grec des travaux publics et des médias Georges Bobolas (oui oui, celui de Hellas Gold) et d’autres consortiums regroupant des entreprises locales (le groupe grec de BTP GEDK-Terna) et étrangères notamment la compagnie israélienne des eaux Mekorot, ainsi que l’homme d’affaires gréco-russe Ivan Savvidis qui a acheté en 2012 le club de football local Paok.
De leur côté, 14 municipalités de la région s’opposent aussi à cette privatisation et envisagent, soit de créer une société publique pour acheter ces 51%, soit de se rallier à l’ « Initiative 136 ».
La municipalité de Thessalonique, qui est opposée au projet de privatisation, a voté récemment le principe d’un référendum local sur cette décision. Le résultat n’est absolument pas contraignant pour l’Etat, mais cela fait partie de la « résistance » aux privatisations et doit être compris comme tel.
Une bataille pour l’eau va donc s’engager.
En tous cas, l’intérêt de la démarche est déjà qu’il y a une résistance, et de poser la question de la gestion collective et non lucrative de l’eau, dans une démarche visant à instaurer un contrôle collectif des habitants et empêcher que la ressource hydrique devienne une source de profit. Que cette démarche aboutisse ou pas, que cette « coopérative citoyenne » parvienne à échapper aux contraintes de l’environnement capitaliste, ce sont là des questions récurrentes concernant tous les projets coopératifs, autogestionnaires et autres, sur lesquelles ont ne peut qu’avoir des doutes si l’on y cherche là une quelconque « alternative au capitalisme ». Il s’agit là rien de plus, et au mieux, qu’une alternative à la privatisation d’une ressource certes essentielle, ce qui n’est pas du tout la même chose. Et encore, se retrouver à devoir racheter collectivement ce qui « nous » appartient, ce qui appartient à la communauté, c’est quand même assez terrible comme manière de résister et de « sortir » de la crise de la dette ! Passons...
8. Déflation
Le recul des prix à la consommation en Grèce s’est poursuivi en avril de 0,6% sur un an, selon les chiffres publiés vendredi par l’Autorité statistique grecque Elstat.
Cette baisse avait déjà été observée le mois précédent (-0,2%), ce qui constituait une première depuis 45 ans. Si elle se confirmait, cette déflation ne ferait qu’empirer les effets de la récession (6ème année consécutive en 2013), le niveau des dettes ne ferait, à même valeur nominale constante, qu’augmenter encore plus rapidement en valeur réelle.
XYZ, le 13 mai 2013
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