Démarrée le 5 novembre
Une victoire en demi-teinte
lundi 18 novembre 2013, par
Mise à jour
Au 12ème jour de grève, les travailleurs ont décidé majoritairement de reprendre le travail. Ils ont obtenu ce qu’ils considéraient la revendication la plus importante : le retrait du plan de licenciements de 1134 personnes, soit près de 20% des effectifs. Victoire certes mais en demi-teinte. En contrepartie, ils ont concédé le blocage conventionnel des salaires pendant 5 ans et des licenciements collectifs « à temps partiel » (de 45 jours travaillés par an) qui entraineront des baisses de salaires et de revenus réels jusqu’en 2017.
Au moment où se terminait le délai de la négociation de l’ERE [la procédure de licenciement collectif], fixé à 17h ce vendredi 15 novembre, aucun accord n’avait été trouvé entre les 3 entreprises de sous-traitance et les trois syndicats (CCOO, UGT et CGT) habilités à négocier. Les entreprises ne proposaient plus que 296 licenciements (au lieu de 1134), 45 jours de chômage temporaire (technique) par an, des baisses de salaires moindres (5,9%), mais les syndicats ont refusé de signer.
De son côté, la municipalité, qui avait fixé la proportion des services minimums à 40% pour le balayage/nettoyage de la voirie et 25% pour le travail dans les jardins publics, faisait savoir que moins de 70% de ce minimum était effectivement réalisé et qu’elle allait mettre ses menaces à exécution : l’intervention de l’entreprise publique Tragsa (qui dépend du ministère de l’Agriculture) en cas de poursuite de la grève.
Une entreprise publique et des intérimaires pour briser la grève
Dès 4 heures du matin, 200 travailleurs (90 salariés volontaires de Tragsa, et 110 embauchés pour l’occasion par l’intermédiaire d’une boîte d’intérim, la multinationale Randstat) ont commencé à intervenir dans les rues de Madrid, escortés par un dispositif de 600 policiers, municipaux et nationaux, la moitié appartenant à des unités anti-émeutes. Cette équipe doit être remplacée à 11 h. Dès la veille, le vendredi après-midi, l’ETT Randstat publiait une offre d’embauche de 200 postes « pour nettoyer Madrid », payés 85 euros par jour, avec des horaires de 4 heures du matin à midi ou de 1 heure à 9 heures et la possibilité de 2 heures extras. A 20 heures, les 200 embauches étaient réalisées.
Rappelons que cette entreprise publique de services et ingénierie environnementale, qui est déjà intervenue pour briser une grève des éboueurs à Jerez de la Frontera (province de Cadix) en novembre 2012 et à Séville en mars 2013, connait elle-même une procédure de licenciements collectifs. Initialement prévus à 836 licenciements dans Tragsa et 803 dans sa filiale Tragsatec, soit 1639 (environ 20% des effectifs), le volume des suppressions de postes serait maintenant de 820.
Certains syndicats ont fait savoir qu’ils allaient porter plainte contre cette décision de faire intervenir l’entreprise publique en plein conflit social.
Vers, 2 heures du matin, une soixantaine de grévistes qui s’étaient rassemblés dans le quartier de Legazpi afin d’empêcher les jaunes de travailler, ont été contrôlés par la police. Mais les jaunes ont pu intervenir sans que cela provoque des incidents. En 24 heures, selon la municipalité, 460 tonnes de détritus avaient été enlevés.
Deux négociations
Entretemps, à 18 h, commençait une nouvelle réunion de négociation, cette fois-ci sur le renouvellement de la convention collective, qui expire le 30 novembre, entre l’association patronale du secteur et les syndicats. Au milieu de la nuit, un pré-accord semblait se dessiner. Il stipulerait le blocage des salaires pour la période 2013-2017 en échange du maintien des effectifs, c’est-à-dire un engagement des patrons à ne licencier personne. Par contre, les 350 postes supprimés au mois d’août ne sont pas récupérés. Et rien de précis sur la baisse des rémunérations exigées par le patronat ainsi que les autres points (primes non payées, jours de vacances…).
A ce stade, la principale concession des travailleurs est donc blocage des rémunérations pendant 5 ans (2013-2017, la durée de la convention collective) en échange du maintien des effectifs.
Avec ce pré-accord, en tout cas sur la Convention collective qui concerne les salaires, le paiement de primes en retards et autres points sur les vacances et les remplacements en cas d’absence, il s’agit de clore la négociation sur le conflit (qui concerne 3 des 4 entreprises sous-traitantes) c’est-à-dire le retrait de la procédure de licenciements. Ce qui a fait l’objet d’une autre réunion, samedi, à partir de 11h.
L’accord syndicats-patronat pour mettre fin au conflit
L’autre discussion, celle concernant d’une part l’ERE et d’autre part les autres éléments à l’origine du conflit.
Au terme d’une longue réunion qui s’est terminée le dimanche matin par un accord patronat-syndicats (CCOO, UGT, CGT, CSIF et USO) annonçant la fin de la grève, il ressort que :
Samedi dans l’après-midi, plus de mille personnes ont manifesté dans le quartier de Vallecas derrière une banderole disant « Nos postes de travail ne se négocient pas, ils se défendent », une initiative locale soutenue par une partie des syndicats. A la fin du parcours, devant la mairie d’arrondissement, un feu de joie a été allumé, dans lequel a été brulé un mannequin de la maire de Madrid ainsi que plusieurs vêtements de travail du nettoiement et des parcs et jardins.
Pendant ce temps, plusieurs centaines de grévistes se rassemblaient autour du bâtiment de l’Inspection du Travail de Madrid où se déroulaient la seconde négociation. Au milieu de la nuit, une centaine d’entre eux qui s’étaient invités dans le bâtiment ont été expulsés par la police.
Vers la fin du conflit ?
Pour trois des syndicats présents à la négociation (CCOO, UGT et CGT) cet accord est une victoire.
D’après le quotidien de gauche Público, le représentant de l’UGT, Roberto Tornamira, s’est déclaré « satisfait que les licenciements ont été retiré de la table des négociations dès la première heure du matin » de la séance de négociation. Le représentant des CCOO, Felix Carrión, s’est félicité qu’il avait été possible de « renégocier ce qui [la veille] avait été négocié » et que « pratiquement rien de la convention collective n’est touché ». Pour sa part, Juan Carlos del Rio, le responsable de l’UGT, après avoir remercié « le soutien des travailleurs et le soutien du peuple de Madrid », a insisté sur le fait que « les licenciements et les baisses de salaire peuvent être évités ».
Pour le représentant de la CGT (anarcho-syndicaliste), Francisco Javier Palacios, cet accord « doit servir pour que d’autres collectifs et d’autres travailleurs suivent la même voie ». Et d’ajouter, « il n’y a pas de raison de se résigner, ni de supporter les baisses de salaires, ni la réduction des droits, ni les réformes du travail, même s’ils nous les imposent. Il faut lutter contre tout ça ». Selon lui, le succès des négociations avec les entreprises concessionnaires est le résultat de « l’unité des travailleurs et des syndicats » de ce secteur du nettoiement de la voirie et des espaces verts.
Cet accord entre les syndicats et les 3 entreprises de sous-traitance (FCC, OHL et Sacyr) devait être ensuite ratifié par des assemblées de travailleurs.
La lecture de ce résultat insiste sur le retrait des licenciements (ce qui est vrai) et l’annulation des baisses de salaires, ce qui est faux (sauf si l’on s’en tient aux aspects formels et conventionnels) : le patronat a réussi à imposer une baisse des salaires réels de l’ordre de 17,5% par la baisse de la durée du travail que permet les « ERE Temporal » introduits et systématisés par la réforme du travail.
Lors de la seconde négociation, les représentants patronaux ont remis sur la table l’exigence de pouvoir licencier entre 350 et 350 travailleurs selon la CGT (les 296 de la proposition précédente), de compenser les autres licenciements annulés par des mesures d’intensification du travail et la suppression des primes et certains avantages, ce qui en a fait un point de fixation et de conflit et a permis aux patrons d’en faire un nouveau chantage, un donnant-donnant sur l’acceptation de la baisse réelle des salaires par l’intermédiaire de périodes de chômage non rémunéré.
Ces périodes de chômage partiel (ERE Temporal) sont certes indemnisées par l’Inem (le Pôle emploi espagnol) à 70% du salaire brut (environ 50% du net), mais ces périodes entrainent une baisse proportionnelle du nombre de jours de congés, du montant des primes annuelles (de fin d’année par exemple) et du calcul du temps travaillé ouvrant droit à indemnisation.
Les assemblées se prononcent pour l’arrêt de la grève.
Quatre assemblées ont été convoquées à 16h30 pour approuver ou rejeter l’accord conclu entre syndicats et les directions patronales des 3 entreprises de sous-traitance. Majoritairement, les travailleurs ont approuvé l’accord et voté la fin de la grève. Ni la participation ni les résultats des votes ne sont connus.
Aussitôt après, la maire de Madrid a fait savoir sa position. D’un côté, elle se félicite que la grève a pris fin grâce au réformes du travail qu’a introduites le gouvernement du PP, notamment l’introduction des licenciements collectifs temporaires qui permettent « de diminuer le coût du travail, possibilité qui n’existait pas avant » en ajoutant qu’« il n’y a pas eu de licenciements grâce à la flexibilisation de la réforme du travail du gouvernement ». De l’autre, elle réclame une modification des lois qui réglementent le droit de grève « pour mettre un frein aux dégâts que la grève a causé aux citoyens ». « Les citoyens a-t-elle ajouté, ne peuvent plus être pris en otage dans un conflit comme celui qui est maintenant terminé. Nous ne renoncerons pas à notre objectif de donner aux habitants plus de services pour un moindre coût ». Sauf que sur ce point, le budget municipal du nettoiement dont bénéficient les entreprises privées du BTP, a été presque multiplié par 3 en 10 ans (de 65 à 161 millions d’euros), avant de baisser cette année.
Bilan provisoire
Le bilan de la grève est globalement de dire que les travailleurs ont remporté une victoire sur ce qui leur semblait le plus important : le maintien des postes de travail et le retrait des importantes baisses de salaires prévues ou agitées comme menace supplémentaire. En face de quoi, les concessions sont principalement le blocage des salaires nominaux jusqu’en 2017 et la réduction des salaires réels de 17,5% sur une base annuelle par la flexibilisation (la suspension du contrat de travail de 45 jours travaillés par an). Ce qui devrait équivaloir en fait une baisse de près de 9% des revenus perçus annuellement car la moitié du manque à gagner sera pris en charge par le système d’indemnisation du chômage. Mais, l’honneur est sauf : le salaire horaire et conventionnel n’est pas touché.
L’autre concession de taille : la non-réadmission des 350 postes supprimés le 1er août, revendication qui s’était d’ailleurs perdue dans les méandres des divers canaux syndicaux entre les mois d’août et d’octobre et qui a proprement disparu des négociations.
La revendication de remunicipalisation des services de la ville sous-traités depuis les années 1990 a été portée en marge du mouvement de grève et peu reprise, une grande partie des syndicats ne voulant pas en entendre parler, de même qu’ils n’ont rien fait – sauf trois petits syndicats madrilènes, Sindicato de Comisiones de Base (Cobas), Solidaridad Obrera (SO) et Alternativa Sindical de Trabajadores (AST) – pour organiser ne serait-ce que sur Madrid et la Communauté autonome, une mobilisation de leurs adhérents, sans même parler d’une solidarité active et militante avec les grévistes.
Alors victoire ? Plutôt une victoire qu’une défaite, c’est clair. Mais une victoire en demi-teinte, car contrairement à ce qui est écrit ici et là, il y a bien eu le maintien des postes de travail contre une baisse des salaires par des « licenciements temporaires » (correspondant à 9 semaines par an), une baisse de salaire et de revenu qui ne dit pas son nom, mais bien réelle.
Les exigences patronales ont été défaites mais étaient-elles vraiment ce qui était proclamé ? En menaçant de licencier 20% des effectifs, de baisser jusqu’à 42% des salaires réellement perçus (dont la moitié au nominal), de menacer d’allonger la durée du travail en échange de concessions sur les salaires et les postes, les entreprises ont joué habilement. Elles ont placé tactiquement la barre très haut, afin d’obtenir le plus possible dans un bras de fer devenu inévitable. Un conflit qui a pu aussi leur servir à obtenir plus de la part de la mairie sur le thème : avec le montant des contrats que vous nous allouez, en baisse cette année pour la première fois, pour la quantité de prestation que vous voulez, voilà ce qui peut arriver.
De son côté, la mairie a pu exercer une pression énorme sur les grévistes : tout d’abord en tentant d’imposer un service minimum (40% pour le nettoiement des rues et 25% pour l’entretien des espaces verts). Puis, devant l’impossibilité de le réaliser, grâce à l’action énergique des piquets de grève et de quelques sabotages, en faisant intervenir sans frais une entreprise publique, qui elle-même a dû embaucher des intérimaires (des chômeurs) devant le refus de ses propres salariés d’intervenir (sauf 90 volontaires), afin officiellement de réaliser ce service minimum, en fait pour briser le grève le jour même où se terminait le délai légal pour la négociation de la procédure de licenciement (ERE) et où devait rapidement se conclure celle sur le renouvellement de la convention collective (au 1er décembre).
Quant à savoir si les entreprises pourront remplir leurs obligations avec une quantité de journées travaillées moindre, les projets de réorganiser les équipes, d’intensifier la charge de travail et de supprimer certaines équipes de nettoyage et de ramassages (fins de semaines, jours fériés) devraient leur permettre d’y parvenir sans trop de problème. Sauf si la résistance des travailleurs et des habitants s’en mêle.
Le 18 novembre 2013
1ère partie : article du 14 novembre 2013
Au 10ème jour
La grève a débuté le 5 novembre. Elle est massive, suivie par plus de 6000 balayeurs et jardiniers. Elle vise à faire annuler les licenciements de 20% des effectifs et des baisses de salaires de 40% pour ceux qui resteraient. C’est une grève de plusieurs entreprises de sous-traitance.
Au 10ème jour de la grève illimitée des 6500 balayeurs, jardiniers et autres travailleurs du nettoyage de la voirie et des jardins publics de Madrid, la presse internationale commence à s’en faire l’écho. Ben oui, « Madrid est sale », elle devient la « capitale des immondices », les détritus s’amoncèlent sur les trottoirs, les conteneurs débordent et sont incendiés et les arbustes commencent à se dessécher… et tout cela ternit terriblement son image, menace de faire chuter la fréquentation touristique, déjà en baisse cette année. Les commerçants et les hôteliers commencent à hurler. La maire de Madrid menace de briser la grève.
Une grève contre les licenciements et les baisses de salaire
Le mouvement de grève a démarré le 5 novembre et a commencé la veille dans la soirée avec une manifestation de plusieurs milliers de personnes entre la gare d’Atocha et la Puerta del Sol, appelée par tous les syndicats présents dans le secteur, CGT, Solidaridad Obrera, UGT-FSP, CCOO, USO, CSI-F et AST.
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Cette grève concerne les quatre entreprises (toutes des filiales d’entreprises du BTP) qui se partagent la sous-traitance depuis la signature d’un nouveau contrat avec la municipalité l’été dernier : elles veulent licencier autour de 20% des effectifs et baisser les salaires jusqu’à de 43% de ceux qui resteront. Au cours des mois précédents, le non renouvellement de certains contrats de sous-traitance avait déjà provoqué la réduction des effectifs de 350 personnes et leurs licenciements immédiats.
Une question a en outre été rapidement posée : comment réaliser le même travail avec 20% des effectifs en moins ? Plusieurs réponses ont été données : l’allongement du temps de travail (de 35 à 40 heures par semaine), la suppression de certains ‟avantages” comme le paiement des congés maladie, la fin du ramassage des ordures les fins de semaines et les jours fériés, la réorganisation des équipes et le « redéploiement » les effectifs selon un nouveau découpage de la ville, en privilégiant évidemment les « beaux quartiers » et le centre touristique…
Cela a déjà commencé et les associations de résidents commencent à surveiller la fréquence du passage des équipes de balayages selon les quartiers et préparent un dossier de dénonciation sur la réduction du nombre des tournées.
Mais sur ce point, sur la manière de gérer le conflit et la mise en œuvre du contrat de concession, les intérêts peuvent diverger. Car le nouveau contrat comporte des clauses de pénalité si les entreprises ne remplissent pas leurs obligations, ce qui a pour effet de faire baisser la facture mensuelle payée par la ville. Ce qui a déjà été le cas en septembre et octobre, avant la grève. Jusqu’à quel point, les entreprises concessionnaires sont prêtes à aller, tant vis-à-vis de la municipalité que des travailleurs ? Et ces entreprises du BTP sont excessivement puissantes, ce sont elles qui, par exemple, sont les principales bénéficiaires de la privatisation des services de santé dans la Communauté autonome de Madrid : propriétaires de cinq hôpitaux construits par elles, elles les louent à la région selon des contrats de type PPP que nous connaissons ici.
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Les enjeux
Les enjeux de ce conflit sont donc doubles et concernent à la fois les travailleurs de ce secteur et les 3,2 millions d’habitants de cette grande commune.
La maire de cette métropole, Ana Botella (PP, droite), après s’être désintéressée officiellement du conflit en disant que cela ne concernait pas la ville mais les entreprises sous-traitantes et leurs salariés, se retrouve maintenant au centre du jeu, à cause des détritus qui envahissent la ville mais aussi parce que la principale raison de la grève se trouve dans les coupes opérées (16,2% en 2013) dans le budget municipal à l’origine du renouvellements des contrats de sous-traitance au mois de juillet dernier. La dette publique de la ville dépasserait 7 milliards d’euros.
Dès le début de la seconde semaine de grève, la maire de Madrid s’est empressée de déclarer que la grève était « sauvage », de menacer les grévistes de sanctions et de dénonce « les actes de vandalisme et des sabotages » commis par certains grévistes pour empêcher le service minimum. Il est vrai que cette grève est à la fois active (piquets) et soutenue activement par des habitants qui s’empressent de remettre de nouvelles poubelles dans les rares endroits, les quartiers touristiques du centre, dès qu’elles sont enlevées.
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Menaces de briser la grève
Mercredi 13 novembre, l’édile a menacé, de faire appel à une entreprise publique du nettoyage (Tragsa), s’il n’y avait par un accord de fin de grève « dans les 48 heures », pour remplacer les grévistes et engager une procédure judiciaire pour « non-respect du service minimum », fixé à 40% de la totalité du ramassage des ordures de la voie publique.
Sauf que les choses ne sont pas si simples.
D’une part, l’entreprise publique mobilisée pour briser la grève, Tragsa et sa filiale Trasatec, qui font partie de la Sociedad Estatal de Participaciones Industriales (dont 16 communautés autonomes, et parmi elles, celle de Madrid, sont actionnaires) sont elles-mêmes engagées dans une procédure de licenciements collectifs de 1 369 travailleurs sur les 9 848 de l’effectif total. Le 7 novembre, ces travailleurs ont d’ailleurs réalisé un débrayage de 24h.
D’autre part, cette entreprise – qui intervient généralement à la demande de l’administration dans les cas d’urgence et de risques sanitaires sérieux (c’est eux qui ont nettoyés le tanker Prestige en Galice) – ne compterait pas plus de 940 salariés sur tout Madrid, pas de quoi remplacer les 6000 grévistes… Les syndicats de cette entreprise ont fait savoir qu’ils refusaient d’être mobilisés pour briser la grève dont ils se déclarent solidaires.
Au bout d’une semaine de grève, les entreprises sous-traitantes auraient réduit leur prétentions : elles ne licencieraient plus que 625 travailleurs, mettraient les autres au chômage technique temporairement et diminueraient les salaires “seulement” de 12%. Les syndicats ont fait savoir lundi 11 novembre qu’ils refusaient ces propositions.
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Une assemblée de grévistes
La solidarité
La solidarité avec les grévistes a commencé dès la première semaine, avec plusieurs initiatives, dont une manifestation dans le quartier ouvrier de Carabanchel le jeudi 7 novembre et une autre, dans la soirée du lundi 11 novembre dans le centre de Madrid avec un millier de participants à l’appel de certains syndicats (de lutte), mais pas de tous.
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Se multiplient aussi les appels à soutenir les grévistes, par exemple en déposant des ordures devant les banques ou le siège du Parti populaire, ou encore en mettant en place des caisses de résistance (notamment par une association de voisins du quartier de PAU de Vallecas au travers de la Red de Solidaridad Popular), en organisant des concerts de soutien dans les quartiers. Une pétition en ligne a recueilli ce jour (14/11) plus de 81 000 signatures.
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D’autres interventions ponctuelles et diffuses surgissent ici et là, comme celles d’un collectif de grapheurs (“Ana Botella Crew”), eux-mêmes en butte à la répression municipale (une pluie d’amendes depuis qu’ils se sont créés en 2009) pour leurs interventions graphiques sur les murs de la ville, qui a installé des dizaines de portraits bien visibles de la maire de Madrid imprimés sur des sacs poubelles dans les endroits parmi les plus sales de la ville.
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D’autres rassemblements sont prévus dans différents arrondissements et quartiers de la ville dans les jours qui viennent.
La répression a commencé à se faire sentir dès les premiers jours : les arrestations de grévistes atteignent 18 depuis le début du conflit et les contrôles d’identité dépassent officiellement les 250. Beaucoup de ces interventions policières se font à la suite d’incendies de conteneurs (plus d’une centaine dont 14 la nuit dernière), l’un d’entre eux ayant atterri en feu dans les portes d’entrée d’une agence bancaire dans le quartier de Vallecas. Quelques véhicules des diverses sociétés de sous-traitance ont été aussi mises hors de service (incendies et autres petits sabotages).
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Pour l’instant, les éboueurs et conducteurs de camions ne sont pas dans le mouvement, car ils dépendent d’autres entreprises, non concernées directement par ce contrat de sous-traitance. Mais, ils pourraient se mobiliser à partir du 17 novembre selon une source syndicale.
Le délai légal pour la négociation de la procédure de licenciements collectifs (ERE, Expediente de Regulación de Empleo) s’achève le 15 novembre. Selon la législation, sans accord avec les syndicats, les entreprises pourront procéder aux licenciements à partir de cette date.
La grève continue
Le “front syndical” tiendra-t-il ? Déjà, les Commissions Ouvrières (CCOO) ont trainé les pieds au démarrage du conflit, retardant son déclenchement d’une semaine soi-disant pour essayer d’obtenir quelque chose par la négociation. Déjà, l’UGT organise le boycottage de toutes les initiatives de solidarité et les manifestations de rues qui lui échappent, en disant aux travailleurs grévistes (et aux autres) de ne pas s’y rendre car elles sont illégales et interdites et donc dangereuses… Faut-il préciser que les “grands syndicats”, comme de coutume, n’organisent aucune solidarité, n’appellent à aucune manifestation de rue contre les sociétés prestataires et la mairie de Madrid ?
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Les travailleurs perdent en moyenne 60 euros par jour de grève. Tiendront-ils longtemps ? C’est l’enjeu des caisses de résistance et du soutien financier qui se met en place. Ils se disent déterminés car ils n’ont pas d’autre choix que de se battre. C’est aussi un secteur qui a une certaine tradition de lutte et que a été le théâtre de plusieurs conflits important au cours de la dernière décennie. Preuve que, malgré les divisions en plusieurs boîtes de sous-traitance censées neutraliser les conflits, il est possible de passer outre, de s’organiser pour lutter. Ils et elles peuvent aussi compter avec une vraie solidarité car beaucoup d’habitants sont avec eux, malgré la gène occasionnée.
Une solidarité qui se déploie sur une base territoriale, organisée par quartiers, avec des initiatives locales et la mobilisation de tout un ensemble de réseaux, de collectifs, de mouvements et de syndicats de lutte, depuis les historiques associations de voisins jusqu’aux plus récents regroupements nés de la crise et de la contestation du pouvoir politique comme les assemblées des Indignés et ce qu’il en subsiste, les luttes sur le logement, contre les coupes budgétaires, contre la privatisation de la santé, etc.
A suivre…
Le 14 novembre 2013
Un exemple d’appel à la solidarité, quartier de Lavapiés
Proclamation de l’Assemblée de Lavapiés en soutien à la grève des travailleurs du nettoyage de la voirie et des jardins publics de Madrid
En tant qu’Assemblée Populaire de Lavapiés [quartier populaire de Madrid], nous avons ressenti comme très important de montrer notre clair soutien à toutes les personnes travaillant dans le nettoiement de la voirie et les jardins publics qui sont en grève illimitée à Madrid. Ce sont eux qui prennent soin de nos rues, de nos places et de nos parcs, et donc aussi de nous-mêmes. Nous devons être ensemble. Leur lutte est aussi la nôtre.
C’est pour cela que nous avons affiché dans les rues la proclamation suivante, et que nous encourageons les collectifs et assemblées des autres quartiers à se le réapproprier et à le signer et à le modifier comme ils le souhaitent, afin de faire connaître leur soutien dans leurs propres rues. Pour les assemblées intéressées, s’il vous plaît, écrivez à : asamblea.popular.lavapies@gmail.com ou à : lavapiesconlahuelga@gmail.com
1 • Que les grandes entreprises puantes – OHL-Ascan, FCC, Sacyr-Valoriza et CESPA-Ferrovial – se sont approprié la ville. Ce sont les Maîtres et Seigneurs du béton, de la construction, des infrastructures, de l’industrie, au point d’en arriver à absorber notre propreté et nos jardins.
2 • Que ces grandes compagnies puantes, en dépit de leurs profits considérables, après avoir refusé de renouveler les contrats concernant 350 travailleurs et en avoir fait des chômeurs, veulent licencier 1144 travailleurs du nettoyage des rues et jardins publics de Madrid, et de réduire de 43% le salaire de ceux qui ne seront pas envoyés au chômage.
3 • Que tout cela se fait grâce à la complicité de la maire et de la Municipalité, responsables ultimes du service et braillards des ‟économies ” qui se font toujours au détriment des familles travailleuses.
4 • Que les travailleuses et travailleurs en GREVE ILLIMITÉE sont un exemple pour nous toutes et tous. Aucune personne saine d’esprit ne peut rester sans réaction devant leur mouvement.
5 • Que grâce à la grève, nous pouvons voir comment tombe le maquillage et apparait devant nos yeux toute la merde que produit la société industrielle, capitaliste et consumériste, que nous avons créé.
6 • Que ce que nous voyons aujourd’hui n’est qu’un avant-goût du Madrid sale et sec qui va s’abattre sur nos quartiers populaires, si nous perdons la grève et qu’ils parviennent à ce qu’il y ait moins de travailleurs/euses et cela dans de pires conditions.
1 • Si les travailleurs et travailleuses qui prennent soin de nos rues et de nos jardins (et donc de nous) sont en grève, nous les soutiendrons jusqu’aux ultimes conséquences, nous serons avec elles et eux dans les piquets de grève et les manifestations et nous ferons tout ce qui nous viendra à l’esprit de faire pour ne pas les abandonner.
2 • Si les richesses ne sont pas réparties, alors nous répartirons les immondices, nous les amènerons aux pieds des Seigneurs, jusque devant leurs banques, leurs palais et leurs bureaux.
3 • Si les grévistes continuent à être arrêtés, nous serons chaque jour plus nombreux dans la rue. La raison et la colère des travailleurs ne doivent pas être réduits au silence par la police, les juges, les patrons, les médias, les politiciens et les dirigeants syndicaux.
4 • Si la grève se termine, ce sera parce que nous l’aurons gagné, pas par des accords signés dans le dos des travailleurs/euses. Nous soutiendrons maintenant et toujours les assemblées de travailleurs et les bases syndicales.
Á Lavapiés, le 9e jour du mois de novembre de l’An 2013.
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Caisse de résistance : informations ici
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Informations recueillies et traductions : XYZ pour OCLibertaire
(reproduction libre et encouragée)