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Libérale ou social-démocrate, une Europe au service du capital

mercredi 1er juin 2005, par Courant Alternatif

Chirac, sous l’impulsion de la droite libérale se serait-il prit les pieds dans le tapis référendaire au risque d’un fiasco ? Le clan Chirac a t-il surestimé l’appui socialiste ex rassembleur d’une gauche plurielle ? La mise en scène du débat “ interne ” qui s’est déroulé au sein du parti socialiste médiatisé à l’usage d’un pré-formatage de l’électeur lambda du 29 mai a échoué.


L’affaiblissement de la bourgeoisie française.

Le contexte de mondialisation de l’économie, de l’émergence de la Chine en bloc économique, de la prédominance de l’impérialisme US sans complexe et arrogant… autant de causes de rivalités suscitées entre les différentes fractions des bourgeoisies nationales européennes.
Le conflit irakien avait mis à jour le danger de la faiblesse des impérialismes nationaux divergents. Dans le contexte d’élargissement à vingt cinq pays, une telle situation serait trop risquée pour les détenteurs du capital européen. Souvenons nous de la cassure provoquée alors entre la France et l’Allemagne d’un côté et l’Italie, l’Espagne, la Grande Bretagne , la Pologne…alliés des Etats Unis. La situation serait ingouvernable intérieurement et rendrait le bloc européen plus vulnérable dans les confrontations internationales contre l’empire économique et militaire des USA. Une Europe affaiblie aussi dans le cadre d’alliances stratégiques aux côtés de la Russie.

L’Allemagne et la France, puissances initiatrices et dynamiques de l’Europe, se devaient de protéger leur influence et hégémonie dans l’union. A vingt cinq ou plus, il leur est nécessaire de réadapter le cadre économique d’un marché unique dégagé des dernières barrières étatiques nationales et, refonder dans le même temps le cadre politique et militaire d’institutions communes. Ce n’est pas un hasard si la commande du projet constitutionnel à été passé à GISCARD, ancien président de la France très lié à la bourgeoisie financière. Dans ce nouveau cadre constitutionnel, la France qui n’a que 9% des voix au conseil européen en obtiendrait 13%. De même, les six états fondateurs couvriraient 49% des pouvoirs de décision. Le fonctionnement de l’Union se faisait par des décisions prises à l’unanimité par le passé, demain, cette application devient impossible avec vingt cinq membres. D’autant qu’elle implique que Malte comme la Grèce, l’Allemagne ou d’autres pays de l’union aient un même poids politique dans les décisions à prendre. Ce qui est difficilement acceptable pour notre bourgeoisie nationale. Le fonctionnement se fera donc à la majorité qualifiée évitant ainsi toute possibilité de blocage de décision par un des membres. D’ailleurs, à l’horizon 2010, tous les pays de l’Union ne seront plus représentés dans la commission européenne. Les droits des pays étant de fait proportionnels à leur population, on peut penser que les derniers entrants à l’exception de la Pologne n’auront qu’un faible poids économique car déjà sous contrôle de capitaux et d’investissements de grands groupes transnationaux (français, allemand, italien,..) et encore moins d’autonomie politique.
L’enjeu de ce référendum est central pour la bourgeoisie française. Un échec de sa part et : “ Notre crédit serait durablement atteint dans de nombreux états membres, à commencer par les cinq états fondateurs où le mal français commence à s’étendre ”.(?). “ un tremblement de terre ”. pour le président du parlement européen. “ C’est la vie de l’Europe qui est en jeu ”. selon J Fischer ministre allemand des affaires étrangères .
Interférences dramatisées pour un soutient au OUI ? Pas seulement.
Pour la bourgeoisie française , c’est sa place d’influence qui est l’enjeu dans une Europe qui se redessine vers l’Est. Dans le rapport franco-allemand, de sa fondation à nos jours et d’alliance en concurrence, elle ne peut se résoudre à un second rôle ce qui serait un handicap pour ce couple historique menacé dans son leader cheap par d’autres fractions rivales européennes. D’autant plus que sur le plan intérieur, leurs économies stagnent et le climat social s’alourdi. Il est primordial pour la bourgeoisie française gagnée au libéralisme de remporter cette bataille référendaire. Celle-ci étant mise en difficulté momentanément, il n’est donc pas étonnant qu’elle reçoive le soutient des autres fractions européennes.
Et, N Sarkozy d’en préciser l’importance : “ Voter OUI, c’est dire OUI à la grandeur de la France ”.

Chirac planté .

Pourquoi Chirac a-t-il choisi le risque démocratique du référendum ? Pourquoi, ce risque d’un désaveu plébiscitaire alors qu’un vote de congrès lui aurait donné satisfaction ? S’est il calé sur la bourgeoisie libérale du monde politique- syndical lui garantissant la victoire si lui même s’engageait à ne pas transformer ce scrutin en plébiscite personnel ?

Avec le référendum, l’UMP se retrouvait en ordre de bataille derrière son président. Ses différentes fractions aux intérêts différents, voire contradictoires ne pouvaient que suivre et avancer d’un bloc. Avec cette démarche, le clan Chirac à enfermé l’UMP dans le OUI. Des éternels pro européens de l’ex-UDF aux anciens RPR, qui avaient voté contre Maastricht en 1992 Pasqua, Seguin.. ou, ceux qui en 1998 avaient voté contre le passage à l’Euro à l’assemblée puis au sénat. Les chiraquiens subordonnait la dynamique Sarkozy à suivre. Sans doute, Chirac espérait-il renforcer son autorité en sortant vainqueur du référendum. Sans doute le clan Chirac espérait- il sortir renforcé par la victoire du OUI qui lui donnerait la légitimité de se repositionner en force contre Sarko dans la perspective des présidentielles de 2007. Visiblement, la succession de sondages en faveur du NON semble stopper cet espoir rêvé par les conseillers de l’Elysée.

Rififi chez les socialos.

Avec Chirac, le PS et les verts choisiront le OUI comme gage de leur respectabilité et de leur responsabilité en vu d’un éventuel retour aux commandes de l’état.
Le débat “ interne ” chez les socialistes avait mis le parti sur l’orbite du OUI avec les 52%. Imité par son appendice du parti Vert quelques mois plus tard., l’affaire du référendum semblait entendue. Le monde politico- syndical de gauche était serein, Chirac reprenait confiance et la bourgeoisie satisfaite. La ratification du traité par le peuple français n’était plus qu’une formalité.
Depuis sa réunification autour de Mitterrand, il y a toujours eu au PS une majorité de gouvernement, de responsabilité des affaires du pays et une minorité éparse, en courants oppositionnels dans la tradition du socialisme réformiste. Un parti consensuel, se retrouvant dans la sociale démocratie. La majorité ralliée aux thèses de l’économie libérale, a largement démontré ses capacités à accompagner le capital dans sa course folle aux profits. Quant à la minorité aux contours diffus encore ancrée dans les valeurs sociales démocrates, d’humanisme, d’égalité et de justice sociale, elle captait vers ce parti de notables bourgeois et de technocrates, les électeurs du monde du travail en illusionnant les salariés et autres sur le pouvoir réformateur du bulletin de vote comme arme pour lutter contre la misère de ce monde et changer la vie. A gauche du parti, cette minorité à pu illusionner les salariés tant que les contradictions entre le capital et le monde du travail n’étaient pas criantes et irrémédiables. L’offensive libérale de ces vingt dernières années, l’oblige à sortir de son “ loft ” douillet au sein du parti et à devoir se situer par rapport à cet électorat qui s’effiloche au fil des consultations. Electorat des classes moyennes aujourd’hui fragilisé, menacé par les attaques incessantes du capital contre les secteurs économiques de la fonction publique ou il se sentait protégé. Electorat qui porte le parti à la victoire ( le cas aux régionales) non sur son projet politique mais sur le rejet de la droite.
Le positionnement de cette minorité d’appareil pour le NON n’est nullement un renoncement au pouvoir ni une rupture avec le capital. C’est le sursaut des défenseurs d’un ordre capitaliste à visage humain, d’un état national régulateur, et bienfaiteur perpétuant la tradition du pouvoir républicain, laïc et, assurant l’indépendance de la Nation. Sur ce dernier point, ils n’excluent pas qu’elle se fasse dans le cadre de l’Europe mais hors des sphères de l’OTAN américanisée. Même Besancenot regrette ce fait dans les prises de position avancées par la LCR.
Les besoins du capital européen dans le cadre de son recentrage mondialisé n’a plus besoin de ces personnels et de leurs services après vente. Ils sont devenus un frein. Il s’agit aujourd’hui de dégager les profits potentiels lorgnés dans les secteurs étatiques protégés.
Les nouvelles dynamiques du capital nécessaires pour son ultime concentration mondialisé se trouve entravée par cette frange sociale démocrate recroquevillée sur l’état nation, voulant préserver le rôle de l’état garant d’un équilibre nécessaire au maintient d’une paix sociale.
Dans cette période historique, on comprend que cette minorité qui embrasse la cause du NON s’y implique bien plus pour sa survie politique que pour défendre les travailleurs et leurs intérêts dans une perspective d’émancipation sociale. Tel le cas Fabius, réhabilité par cette campagne des NON. Fabius qui a longtemps incarné “ le néo-libéralisme ” tant au PS que lors de son passage au gouvernement sous Mitterrand où il a assumé le sale boulot de la bourgeoisie contre les travailleurs (avec ou sans emplois).

Derrière le NON : les luttes.

Ce NON enraciné qui persiste malgré le rouleau compresseur médiatique d’état en faveur du OUI, qui s’accroche au désespoir des stratèges en communication aux ordres de la bourgeoisie, mais se nourrit encore des mécontentements sociaux toujours présents, toujours plus insupportables.
Ras le bol accumulé qui se manifeste au travers de nombreuses luttes tenaces par leurs durées mais éparses et isolées les unes des autres. Ainsi la grève de plus de trois semaine des salariés de radio France, des employés de Carrefour, des hôpitaux , une fois encore avec les urgentistes réclamant plus de moyens pour faire correctement leur travail, des marins etc. Ce NON qui réfute les articles de la constitution au regard de la réalité, du vécu, de l’exploitation quotidienne subit par chacun ou chacune. Refus des conditions de travail de plus en plus dégradées, suppression d’effectifs, fermetures de boites et le lot de licenciés etc, baisse du pouvoir d’achat et exclusion sociale, dégradation des conditions de vie, difficulté à se loger etc. Etat d’esprit et de résistance défensif voir passif.

Le retour de la question salariale si elle est assumée par les salariés eux mêmes est la première réponse offensive des travailleurs. De plus cette revendication peut avoir une dimension unificatrice permettant les solidarités entre salariés du public et du privé comme l’a illustré la journée du 10 mars, où l’on a vu plus de 800 000 personnes défilaient dans la rue. Ou encore celle du lundi de pentecôte qui a vu à Caen 5000 personnes, une fois encore public et privé au coude à coude manifester pour refuser l’allongement du temps de travail désiré par le MEDEF et imposé par le gouvernement. Mesure anti-sociale cautionnée avec, la passivité des confédérations syndicales débordées par leurs différentes structures de base et les salariés. La remise à l’ordre du jour de la question salariale semble renouer avec une dynamique offensive déculpabilisante. Sa réappropriation, resitue un état d’esprit offensif car dépassant le stade de la simple résistance. Revendication sans doute porteuse d’une dynamique offensive. Méga profits pour les patrons et maxi bénefs pour les actionnaires. La France d’en bas semble se réveiller. Elle s’exprime dans les luttes sociales de plus en plus nombreuses comme une réponse adaptée contre les licenciements et autres chantages de délocalisation mais détournée sur le terrain électoral, une partie traduira son mécontentement en allant voter NON le 29 mai. Un NON qui caracole à nouveau dans les sondages pour botter le cul à la droite mais aussi pour mettre une déculotté à l’ensemble des larbins : politico- syndicaux du capital . Un NON qui, même s’il ne parvient pas à triompher le soir du 29 ne manquera pas de laisser les traces et de la fracture sociale soulignée naguère par Chirac et celles plus profondes d’une fracture de classe redoutée par l’ensemble de la bourgeoisie et son petit personnel. Ces nombreuses luttes témoignent d’une combativité ouvrière engagée dans une lutte de classe que le battage électoral ne réussit pas à étouffer, tant par les partisans du OUI que par ceux du NON qui veulent l’instrumentaliser à leur profit.

La farce du NON

Tous tentent de rabattre sur le terrain électoral un maximum de travailleurs qui l’avaient déserté lors des dernières consultations. Ainsi on retrouve une gauche encore plus plurielle, hétéroclite autour du NON faisant campagne et meetings communs. Rien de surprenant à voir alors sur un même plateau PS et verts dissidents au côté d’un PC , ou d’altermondialistes et de la LCR. Chacun y allant de son couplet contre l’orientation libérale, voir ultra libérale de la constitution (selon le porte parole qui s’exprime) et contre les gouvernements de droite qui en seraient responsables. Ca tombe bien, en France il est de droite bien que ré-élu avec les voix de gauche collectées par ceux qui le pourfendent.. Le responsable est le gouvernement mais ils omettent de rappeler qu’il assure la continuité économique et politique de ses prédécesseurs depuis vingt cinq ans. Nos hérauts de dénoncer la constitution au service d’une politique ultra libérale en faveur du grand patronat mais passent (sans doute pour ne pas rompre leur consensus) qu’en Allemagne, en Grande Bretagne et en Espagne ce sont des gouvernements socialistes qui mènent la même politique. Opposants au Oui qui tentent de nous faire oublier qu’ils ont (pour certains d’entre eux), accompagné nombre d’attaques anti-ouvrières et anti-sociales durant leurs stages gouvernementaux. Ils tentent de gommer de nos mémoires toutes les mesures anti-sociales qu’ils ont approuvé et imposé lors de leur passage au pouvoir soit sous Mitterrand soit par intermittence sous Chirac. Leur entrée en dissidence référendaire repose sur des divergences de forme sur la gestion du capital. Le référendum révèle la confrontation entre les socio-libéraux gagnés à l’économie du tout marché et les sociaux démocrates ou réformistes en perte d’espace de pouvoir politique, perpétuant une économie de marché régulée par un état démocratique pour certains et sous contrôle citoyens pour d’autres. Peu de critiques ou d’auto critiques et des uns et des autres sur ou contre leur passage aux affaires..
En pointe le PCF devenu le porte drapeau du citoyennisme contre : “ La remise en cause des droits de chaque citoyens et chaque citoyenne à avoir accès à la poste, à l’énergie, et peut-être demain à la santé et à l’école. ”. M.G Buffet. Voilà nos ex staliniens en campagne. Après avoir avalé toutes les couleuvres du capital durant leurs cinq années de gouvernement Jospin avec la gauche plurielle, et avoir muselé les salariés durant de nombreuses années, dénoncent aujourd’hui avec cynisme et hypocrisie les dég&Mac226;ts du libéralisme dans le monde du travail et chez les citoyens. Il est vrai que les quelques espaces de survie politique que leur octroyait la bourgeoisie dans le cadre la gauche plurielle se sont réduits à peau de chagrin. Une Campagne référendaire d’évitement consensuel ou chacun dans la dynamique prise par le NON espère malgré tout être porteur du débouché politique institutionnel de ces luttes sociales que les résidus de bureaucraties syndicales ne maîtrisent plus qu’avec grandes difficultés. Ainsi, nos communistes pourront négocier avec plus de vigueur et d’ambition une place digne de leur nouvelle représentativité dans un prochain gouvernement.

Ainsi, la LCR qui propose un front anti-capitaliste lors de meetings qu’elle appelle seule , mais développe un réformisme 100% à gauche sur un argumentaire lui aussi 100% social démocrate. Sans doute espère ñt-elle ainsi pour la énième fois être reconnue et trouver une place politique qu’elle a bien gagnée dans une future nouvelle gauche plurielle.. La LCR mise sur le décrochage entre les néo-libéraux et les réformistes au sein du PS. Son ambition : la refondation d’une force 100% à gauche ancrée dans un réformisme radical.
“ Après le 29 mai nous aurons besoin de nous retrouver tous ensemble pour gagner en 2007 ” : par ces propos, Y Werhling rendait compte de la situation de son parti des verts mais traduisait la finalité de pensée de l’ensemble des personnels politiques engagés dans le NON. Le capital à besoin d’une gauche reconstituée et forte dans l’opposition. Elle pourra ainsi de nouveau encadrer le monde du travail en sécession électorale et partidaire qui recherche à travers les luttes une réponse sociale autonome.
Pour les partisans du NON, la critique est exclusivement centrée contre le libéralisme et les ultra-libéraux causent de tout nos maux.

La réalité met à nu le système capitaliste et démasque du même coup les mensonges entretenus dans les rangs du NON de gauche, sur l’état providence, régulateur et protecteur social. Les services publics, la protection sociale, etc, ont accompagné le développement du capital (français) géré par un état se garantissant l’ordre et la paix sociale au sortir de la guerre. Période de reconstruction du capital qui nécessitait une union nationale de la bourgeoisie et des travailleurs. Le tout pour l’honneur et la grandeur de la France entonnés des gaullistes aux communistes du PCF gardien du calme dans les rangs ouvriers. Même dans ces moments là, l’état protecteur cher à certains n’a rien donné. Il a été obligé de lâcher, d’entériner les mesures sociales résultat d’un rapport de force alors favorable aux salariés. Aujourd’hui moins que jamais, le capital national ne peut concéder de largesses sociales pour se maintenir en position de force impérialiste y compris dans le cadre européen en construction.
Ce sont ces réalités et l’ampleur des mécontentements sociaux qui fracturent la gauche et le PS et accentuent ses divisions. Partis de la bourgeoisie défendant le capital mais ne pouvant plus, contenir la défense des intérêts des travailleurs. Y compris la petite bourgeoisie qui l’avait accompagné dans son accession au pouvoir. Le tapage du OUI contre le NON un pari dangereux risqué par la bourgeoisie, un pari en passe d’être perdu par la farce des NON.


CAEN 18 05 2005. MZ.

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