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CA 339 avril 2024

Vers une remise en cause
du « droit du sol » en France

mardi 16 avril 2024, par Courant Alternatif

Lors du débat sur la loi immigration, cet hiver, les parlementaires ont tenté de mettre fin à l’automaticité de l’accès à la nationalité pour l’ensemble des mineur·es né·es en France de parents étrangers. Cette disposition ayant été rejetée par le Conseil constitutionnel, elle devrait réapparaître dans les mois qui viennent car c’est l’un des chevaux de bataille de l’extrême-droite suivi par la droite jusqu’à certains macronistes.


D’ici les prochaines élections nationales nous devrions avoir droit à une révision constitutionnelle permettant à la France de supprimer le droit du sol dans l’un de ses départements, Mayotte en attendant sa généralisation.

Le Code de la nationalité actuellement en vigueur

Le Code la nationalité prévoit qu’est français à la naissance tout enfant dont au moins un des parents est français (c’est le « droit du sang »), ainsi que tout enfant né en France dont au moins un des parents est né en France (c’est ce qu’on appelle le « double droit du sol »).
Contrairement aux Etats-Unis, le droit du sol n’est donc pas en France « intégral ». La seule naissance d’un enfant sur le sol français ne suffit pas à faire de lui un national. Dans notre législation relative à la nationalité (contenue dans le code civil), l’enfant né en France de parents étrangers doit attendre ses 13 ans, et justifier de cinq ans de résidence depuis ses 8 ans, pour que ses parents puissent réclamer pour son compte la nationalité française. A défaut de cette déclaration parentale, l’enfant devient automatiquement français à la majorité, à condition toujours qu’il y ait eu sa résidence habituelle pendant une période continue ou discontinue d’au moins cinq ans depuis l’âge de 11 ans.
A noter que cette automaticité a été remise en cause en 1993 par la droite chiraquienne qui courrait déjà après l’électorat de Le Pen père ! De 1993 à 1998, le jeune né en France de parents étrangers devait faire la demande d’acquisition de la nationalité française entre 16 ans et 21 ans. Le retour du principe de l’acquisition de plein droit de la nationalité française a eu lieu en 1998 (loi du 16 mars 1998) pour les jeunes étrangers nés en France et y résidant depuis au moins 5 ans.

Le cas Mayotte

Ce code de la nationalité n’est plus le même à Mayotte, qui est pourtant un département français depuis 2011. En effet, depuis le 1er mars 2019, en application de la loi du 10 septembre 2018, les enfants qui naissent à Mayotte de parents étrangers ne peuvent devenir français du fait de leur naissance sur ce territoire que si, à la date de leur naissance, l’un de leurs parents au moins résidait en France en situation régulière et ininterrompue depuis trois mois. Si le Conseil constitutionnel a admis la constitutionnalité de la réforme de 2018, c’est parce qu’il s’agissait d’une simple « adaptation » de la législation nationale permise par l’article 73 de la Constitution, eu égard aux « caractéristiques et contraintes » de ce département d’outre-mer liées à l’importance des flux migratoires.
En application de cette réforme, une grande partie des enfants nés à Mayotte de parents étrangers n’ont d’ores et déjà plus accès à la nationalité française – le nombre d’acquisitions serait passé de 2 900 en 2018 à 900 en 2022, selon les chiffres communiqués par le ministère. Cela n’a donc pas eu le moindre effet sur les flux migratoires vers Mayotte ou sur le nombre de titres de séjour délivrés. Ce nombre d’acquisitions de la nationalité française est, en outre, légèrement en dessous de la moyenne nationale.
Comme nous pouvions nous en douter le droit à la nationalité française ne produit pas d’effet d’attraction, aucun « appel d’air » : Il n’explique pas les chiffres de l’immigration irrégulière ! Les Comoriens, en particulier les Mohéliens et les Anjouanais se rendent à Mayotte par nécessité. La motivation de leur départ est le refus de la pauvreté, de la misère, de l’absence d’avenir comme toute migration dite économique. Si Mayotte est le département français le plus pauvre c’est aussi l’île la plus riche de l’Archipel des Comores où malgré tout on peut espérer se faire soigner et avoir accès à l’éducation. En conséquence, les comoriens partiront, quels que soient les obstacles qui se dresseront sur leur chemin au péril de leur vie. Quant à Darmanin et Macron ils continuent de faire le lit pour l’extrême droite.
À Mayotte, comme partout en France, l’idée est de faire le tri entre les jeunes, en les renvoyant à leurs origines et à leur ascendance. Et l’on voit revenir en pleine lumière l’idéologie du « grand remplacement », selon laquelle l’augmentation du nombre d’immigré·es dans la population française remet en cause l’« identité nationale ». Marine Le Pen, qui, dans son programme présidentiel, a inscrit la fin du droit du sol à Mayotte, et la fin de l’automaticité de l’accès à la nationalité, le formule sans hésitation : « La nationalité française s’hérite ou se mérite. »

Denis, Reims le 3/03/24

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1 Message

  • Il est clair que le « cas Mayotte » est un prétexte et un cheval de Troie….

    Une vieille ficelle des gouvernants pour restreindre les droits qu’ils soient sociaux, humains et même constitutionnels. On prend un cas particulier jugé ingérable dans les conditions juridiques présentes, et on modifier la loi dans son ensemble, c’est-à-dire celle qui a une portée générale, qui vaut et s »applique pour toutes les situations.

    Ou alors, ce qui revient au même : on utilise le biais des « dérogations », on parle d’une exceptionnalité qui les justifient et ainsi, en apparence la loi ne bouge pas. Mais si ces contournements du régime commun sont validés par les plus hautes juridictions (en l’occurrence constitutionnelles), elles deviennent exécutoires, sans recours… et sont interprétées par la jurisprudence et l’« esprit de la loi » comme une simple évolution du régime commun. Et on sait qu’une fois qu’une dérogation a été obtenue, rien de plus facile d’en obtenir d’autres, à loisir.

    On voit bien que derrière l’« exception Mayotte », il y aura très vite l’« exception Guyane » pour refouler les migrants (principalement brésiliens, surinamiens, haïtiens…). Et le tour viendra d’autres DOM et de la métropole.

    Enfoncer un coin dans le droit du sol, puis un deuxième… et on le vide de sa substance sans officiellement l’abroger.

    C’est la porte ouverte à plus d’arbitraire, d’encadrement policier, de détentions, de refoulements et de terreur imposés aux migrants fuyant les guerres et les famines… terreur qui se traduit pas la survie dans la rue, les bidonvilles, les squats…

    Et c’est bien sûr appliquer et valider dès maintenant le programme sécuritaire et raciste de l’extrême-droite pour qui, dans le meilleur des cas, la nationalité ça s’hérite par le sang si l’on est « de souche », sinon « ça se mérite » par le chantage, par l’acceptation imposée des « valeurs » réactionnaires de la « civilisation nationale » française et la soumission bien obligée au régime de la surexploitation dans les boulots les plus durs, les plus dangereux, qui se prolonge avec la ghettoïsation dans des logements indignes, quand ce n’est pas des « hébergements » précaires, de misère, insalubres….

    Un régime d’« exception », d’apartheid social organisé juridiquement, que les pratiques de ségrégation racistes et xénophobes autorisent, alimentent et normalisent.

    Un régime d’exception qui a pour fonction de tracer des lignes de séparation, des marques de différenciations, de divisions et de hiérarchisation entre les travailleurs qui rendent les mécanismes d’exploitation plus efficaces et la construction de solidarités, de combats communs et d’un contre-pouvoir ouvrier plus difficiles à envisager et à pratiquer.

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