jeudi 20 janvier 2011, par
"Vive la lutte des classes !" fut l’un des bruits qui a traversé la foule des mécontentes et des audacieux du mouvement social d’octobre dernier. Après ces trois dernières décennies de social-démocratisation des esprits qui a voulu tout analyser par l’accès du moins pire comme meilleur alternative, le retour à l’évidence que ce monde de merde est géré par les puissants et uniquement pour les puissants est significatif d’une rupture avec le manichéisme électoral goche/droite. Mais la lutte des classes, ce sont avant tout les possédants qui la mènent. La lutte des classes ce n’est pas la force du monde du travail, c’est celle du capital et du patronat. Ce sont eux qui la mènent contre nous. Notre conscience, notre capacité à la nommer enrichit certes notre analyse et notre capacité à nous projeter dans le monde qui nous exploite. Mais cette lutte des classes n’est pas de notre fait. Elle est menée par la bourgeoisie afin d’accroître son profit, afin de satisfaire un appétit toujours plus grand, une soif de plus en plus insatiable d’accumulation de biens, le tout à nos dépends, grâce à notre travail. La bourgeoisie c’est la classe qui ne travaille pas mais qui fait travailler grâce à ce qu’elle possède : le capital et l’argent qui sont et restent les chiffons blancs dont il faut nous débarrasser.
La crise annoncée n’est rien d’autre que la conséquence inéluctable de la routine du capitalisme : détruire pour mieux reconstruire. En d’autres temps, les guerres militaires auraient entamé la besogne. En d’autres temps, les guerres idéologiques basées sur la haine d’un bouc émissaire auraient justifié les guerres militaires. Notre temps est édifié par une lutte des classes menée par la bourgeoisie qui s’attable à détruire tous les aspects de « gains sociaux » (éducation, droits sociaux, accès à la santé, accès à la culture…) afin d’organiser la guerre des pauvres entre eux, de former de multiples boucs émissaires, de débuter des guerres militaires ici et là ou de trouver des prétextes ailleurs pour engager la possibilité de le faire. La crise a bon dos pour légitimer la volonté de la bourgeoisie d’écraser toute conscience humaine que nous pouvons avoir de nous même. Nous ne sommes considérés que comme une force de travail, bonne à être exploitée, réduite à fermer sa gueule et à accepter les quelques miettes que la classe qui nous dirige voudra bien nous accorder. L’esclavage n’a pas été aboli par quelques considérations « humanistes » mais par le calcul de la bourgeoisie qu’un salarié produisait plus en rapport de son coût qu’un enchainé, fouetté sans autre perspective que de subir. La seule humanisation que peut avoir un bourgeois est celle qui lui rapporte.
Aussi l’année qui s’annonce, dans l’Etat français et à travers le monde, n’est pas réjouissante. Mais l’optimisme n’a jamais produit l’audace. De même que le pessimisme n’a jamais désarmé les enragés de la vie et du plaisir de saisir chaque matin comme chaque brise de l’hiver. La décennie qui s’ouvre va certainement nous demander de rester sérieux dans nos affaires, de ne pas succomber aux sirènes de l’urgence, à la panique de choisir de perdre le bras droit ou le bras gauche, d’être capable de (ré)inventer un monde, une utopie, de saisir les éléments tactiques et stratégiques qui nous opposent à nos ennemis de classe, de prendre toute chose qui sera à notre portée, de construire des rapports de force qui enrichiront toutes les personnes qui y participeront et de découvrir, à l’évidence, que les chemins existent. Encore nous faudra t-il avoir d’audace de se lancer dans l’aventure. Mais qu’avons-nous, nous le prolétariat, à perdre ? Nous avons tout au contraire, tout à gagner. Vive la lutte des classes qui nous mènerons !
OCL-Strasbourg, le 31 décembre 2010