mercredi 23 mars 2011, par
Nous sommes tous Tunisiens ! Heu… Égyptiens ! Heu… Libyens ! Heuuu…
A l’heure où nous écrivons ces lignes, Kadhafi exprime son amour pour le peuple de son pays à coups de balles réelles, de bazooka et de bombardements aériens. C’est peut-être la propension de ce personnage à ne pas faire dans le feutré en matière de répression qui fait que la France, amie indéfectible et historique de tout ce que le globe peut produire comme dictateurs, se montre plus discrète quant à son soutien à la classe dirigeante Libyenne. Rappelons que lorsque cette dernière rencontre son homologue Française, ce n’est pas en vue de se faire tirer l’oreille pour sa façon de traiter les droits humains fondamentaux…
Dans le monde merveilleux des échanges économiques, la France s’accommode très bien de partenaires peu scrupuleux en la matière. Il en va de la Libye comme de la Chine ou de la Russie : face à la réalité économique, nécessité fait loi. Ainsi, quand nos chers dirigeants rencontrent ces fervents démocrates que sont Kadhafi, Hu Jintao ou Medvedev, après le passage obligé du sermon droit-de-l’hommiste vibrant et passionné comme il se doit (au moins trois minutes), on peut passer aux choses sérieuses. Rassurés sur les engagements que ne vont pas manquer de prendre ces personnages en matière de droits de l’homme grâce à l’influence de la France, les journaleux peuvent enfin se jeter sur les petits fours. C’est à cet instant précis m’sieurs-dames que les sujets vraiment intéressants sont abordés : « Je te refourgue mon matériel militaire, mes centrales nucléaires et mon TGV et toi tu me refiles tes hydrocarbures, tes minerais et des terrains pas chers pour implanter mes belles usines où tes sujets habitués à la schlague pourront produire à moindre coût ». Si l’on considère que la Lybie produit 1,7 millions de barils de pétrole par jour, qu’elle est le deuxième producteur de pétrole brut en Afrique, qu’elle a passé en 2007 un contrat de 168 millions d’euros avec EADS pour l’ achat de missiles antichar Milan et que Sarko a presque réussi à lui refourguer les Rafales invendables de son copain Dassault. Si l’on ajoute à cela que Kadhafi, ami de Patrick Ollier (Monsieur Alliot-Marie), a obtenu le label « verrouilleur des flux migratoires » et le qualitatif fort recherché de « rempart contre l’islamisme », est-il de bon aloi de faire son sucré face à quelques poignées de révolté(e)s rédui(te)s au silence ?
La bourgeoisie utilise toujours les mêmes ficelles pour expliquer son soutien aux régimes totalitaires. En d’autres temps Franco, Somoza, Ngô Dinh Diêm, Suharto, Hassan II, Pinochet ou Videla étaient des remparts contre le communisme, c’est d’ailleurs chez certain de ces amis de la France que « le savoir faire qui est reconnu dans le monde entier de nos forces de sécurité » s’est illustré. Hérité de la gestapo française, ce savoir faire a eu le temps de se perfectionner de 1945 à 1954 en Indochine où les anciens collabos on pu se refaire une virginité en torturant du rouge aux cotés des combattants de la 2ème DB. On connait la suite en Algérie et ailleurs... Ah l’œuvre civilisatrice de la France quand-même. Et c’est ce savoir-faire là que Mme Alliot-Marie a proposé d’offrir à son ami Ben Ali et à ses sbires ! Il faut reconnaitre qu’avec un CV impressionnant comme le sien - ministre de la défense avant d’être ministre de l’intérieur, ministre de la justice & des libertés et enfin ministre des affaires étrangères - ses connaissances de l’univers polymorphe de la répression d’état sont incontestables. Quoi de plus normal que d’en faire profiter ses petits copains de classe (sociale) ?
Face à cette proposition de notre Walkyrie caca d’oie nationale, nous sommes partagé(e)s entre dégoût profond et reconnaissance. Oui, nous lui sommes reconaissant(e)s d’avoir offert à la face du monde le visage le plus ignoble, le plus méprisable et sans scrupules de la classe qu’elle représente par l’aplomb avec lequel elle s’engage à réprimer de concert avec un tyran patenté une population exsangue qui se bat pour ses droits les plus élémentaires. Nous lui sommes reconnaissants d’avoir envoyé un message clair à celles et ceux qui ne croyaient plus que la lutte des classes est nécessaire. Elle aurait tout aussi bien pu asséner : « Les tyrans sont nos amis, nos égaux et nous l’assumons car c’est nous qui détenons le pouvoir et les forces de répressions. Aujourd’hui les forces répressives du monde entier peuvent se donner la main pour mater les insurrections hors de nos frontières mais ne la ramenez pas trop car nos fusils ne font pas la différence entre les racailles d’où qu’elles proviennent ». En France comme partout dans le monde, la société de classes semble avoir encore de beaux jours devant elle. Passés les petits désaccords de forme, ces « messieurs (et dames) que l’on nome grand(e)s » font fi de toutes leurs divergences et savent très bien se mettre d’accord quand il s’agit de leurs propres profits. Depuis toujours, quand il faut écraser celles et ceux qui luttent pour leurs droits et leur émancipation, les classes dirigeantes se mettent d’accord en moins de deux. Que l’on massacre à coups de machette ou à coups de missiles Matra il suffit de regarder ailleurs. « Vous comprenez môssieur, ce pays-là est le plus gros client de notre belle industrie de l’armement ». « Savez-vous qu’ils nous font l’uranium à très bon prix et ne sont pas regardant sur l’irradiation de leurs populations »…
Que l’on réprime dans le sang en Libye, au Mexique, au Sri Lanka ; que l’on bombarde Gaza ; que les peuples Palestinien, Tchétchène, Ouïgour ou Amérindiens soient sans cesse martyrisés, ce n’est qu’un point de détail pour les « démocraties occidentales ». Mais que deux avions s’écrasent sur des buildings New-Yorkais et là, si l’on en croit les chiens de garde du pouvoir : « Nous sommes tous Américains ». Non ! Nous, nous sommes Zapatistes, Communards de Oaxaca, Tamouls, Palestiniens, Juifs contre les occupations et le mur, Tchétchènes, Ouïgours, Kurdes, Sahraouis, Afghans et Irakiens face aux occupants de tous poils. Nous sommes tous des insurgés Tunisiens, Egyptiens, Libanais… « Oui mais, ça branle de dans le manche » dans le monde Arabe. Gageons que si nous aussi nous sautons le pas, « les mauvais jours finiront ».
OCL Région Parisienne, 24 février 2011.