vendredi 13 avril 2012
COUR D’APPEL : COUR D’ECHO !
La Cour d’appel d’Orléans a rendu le 10 avril 2012 son jugement par
rapport aux deux militants de SOIF D’UTOPIES et aux deux de RESF
37. Nous sommes poursuivis, depuis 2010, en raison d’une plainte du
Ministre de l’Intérieur de l’époque (Hortefeux). Nous sommes
accusés d’avoir diffamé publiquement des administrations publiques.
Dans un communiqué intitulé « Les Baleiniers », nous avions comparé
certaines pratiques actuelles de chasse aux sans papiers avec
celles utilisées sous Vichy : transformer des enfants en appât (en
utilisant, entre autres le fichier Base-élèves) pour pouvoir
expulser des familles.
La Cour d’appel confirme les décisions du Tribunal correctionnel de
Tours :
relaxe de la militante de RESF 37, parce qu’elle n’a pas participé
à la rédaction du communiqué
ayant participé à la diffusion du texte incriminé l’autre militant
de RESF 37 est condamné
il en va de même pour les deux militants de SOIF D’UTOPIES
Pour avoir reconnu leur participation à la rédaction et/ou à la
diffusion du communiqué, ils sont condamnés à 500 € d’amende avec
sursis chacun, 300 € de dommages et intérêts chacun, 3000 €
collectivement à verser à la partie civile. La Cour d’appel ajoute
3000 € à payer collectivement pour les mêmes raisons et au même
destinataire qualifié de « victime » et 120 € chacun pour frais de
procédure.
Encore une fois, comme dans le délibéré du Tribunal correctionnel
de Tours, nous sommes devant un jugement uniquement à charge.
Aucune mention n’est faite du contenu des plaidoiries des deux
avocates de la défense. Les témoignages des 11 témoins sont résumés
ainsi : « Leurs témoignages relèvent plus d’une tribune politique
et d’un désir d’exprimer leur opinion, que d’un apport utile et
précis aux faits imputés, qu’ils approuvent de façon outrancière. »
L’ensemble des témoins apprécieront ! Les questions de fond posées
par les militants de SOIF D’UTOPIES n’ont visiblement pas lieu
d’être dans le délibéré de la Cour d’appel d’Orléans.
* Est-ce que des individus, des structures ont le droit de faire
part publiquement de leurs soupçons sur d’éventuelles exactions,
dérives de la part de l’administration, de la police ou de la
gendarmerie ?
* Peut-on faire des comparaisons historiques afin d’analyser les
évolutions actuelles au regard de l’expérience, notamment, du
régime de Pétain ? Précisons qu’une comparaison n’est pas un
amalgame. Il est hors de question de dire que Sarkozy c’est Pétain,
etc. Comparer c’est prendre en compte l’expérience historique que
nous apporte, en l’occurrence la période de Vichy, afin
d’interroger notre passé pour agir sur le présent et tenter
d’envisager différents avenirs. Faire des comparaisons et alerter
est plus que nécessaire. Que le ministre ne soit pas d’accord avec
ce type de comparaisons, c’est son opinion. Mais peut-il tenter
d’en censurer d’autres, différentes de la sienne ?
* Est-ce que la justice va entériner le traitement inégalitaire de
l’Etat suivant qu’on soit notable ou manant ?
* N’est-il pas normal, souhaitable de s’insurger contre la
politique raciste et xénophobe de l’Etat ? Par exemple, comment
qualifier la décision du ministère de l’intérieur ordonnant, à
travers la circulaire du 5 août 2010, la chasse aux Rroms ? Comment
se fait-il qu’aucun fonctionnaire (de l’administration, de la
police et de la gendarmerie) n’ait refusé d’exécuter cet ordre
illégal ?
La Cour d’appel d’Orléans fait écho au Tribunal correctionnel de
Tours ! Ni l’une, ni l’autre ne veulent répondre aux questions de
fonds qui ont été soulevées lors de chacune des audiences. Elles
ont duré pour celle d’Orléans 6 h et celle de Tours 8 h. On se
demande toujours, au regard des deux délibérés ce qui s’est passé
et dit pendant toutes ces heures ! La Justice ne veut pas se
prononcer sur le fond car elle n’assume pas le caractère politique
de ce procès ; l’assumer signifierait qu’elle relaxe les prévenus
puisque c’est un débat de choix de société dont il s’agit.
Officiellement, les tribunaux ne peuvent trancher ces questions.
Comme le Tribunal correctionnel de Tours la Cour d’appel remet en
cause les droits de la défense. « Compte tenu de la longueur et des
difficultés [lesquelles ?] soulevées tout au long de cette
procédure, il apparaît équitable d’accorder à la victime une somme
de 3000 € pour les frais irrépétibles* engagés en cause d’appel. »
Le Tribunal correctionnel de Tours avait été plus clair dans sa
formulation. « Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la
victime, les sommes exposées par elle et non comprises dans les
frais et dépens ; à ce titre, il lui sera alloué 3000 €, au regard
de la longueur des débats consécutives aux exceptions soulevées et
aux témoins cités. » (souligné par nous)
Si il y a eu des difficultés, elles en sont pas dues aux 4
prévenus, mais de la responsabilité du Tribunal correctionnel de
Tours. Il a reporté 3 fois le procès. A chaque fois les témoins se
sont déplacés, pour certains, de Lyon, de Paris... de même pour les
avocats et les prévenus. Si il est aisé pour des magistrats de se
rendre sur leur lieu de travail, il n’en va pas de même pour des
personnes qui sont obligées de justifier leurs absences auprès de
leur employeur, de payer les frais de transport... !
Ce procès est politique, tant mieux ! La relaxe des quatre prévenus
de Tours permettra à ce que des personnes ou des structures
puissent dénoncer publiquement les exactions de l’administration,
de la police et de la gendarmerie ; que des comparaisons
historiquement, même dérangeantes pour les tenants du pouvoir,
puissent être faites ; qu’il est inacceptable que l’Etat nous
traite différemment selon qu’on soit notable ou manant. A travers
notre relaxe, c’est aussi affirmer qu’ « on a raison de se révolter
» ! Qu’on ne peut accepter que l’Etat enferme, expulse, détruise
sous prétexte qu’on ne soit pas né au bon endroit, qu’on se
mobilise pour exiger un partage égalitaire des richesses, qu’on
soit libre de vivre avec qui l’on veut et comme on veut, qu’on
puisse habiter où l’on veut dans les formes qu’on veut. La
répression ne nous empêchera jamais de réfléchir à d’autres choix
de société et de commencer à les vivre dès maintenant !
Nous n’accepterons aucune condamnation. Nous irons devant la Cour
de Cassation et si besoin devant la Cour Européenne Des droits de
l’Homme pour faire condamner l’Etat. Notre objectif est de
contribuer à constituer une jurisprudence en la matière.
Fondamentalement, si l’on ne veut plus que ce genre de procès ait
lieu, si l’on ne veut plus voir des militants, des personnes
trainés devant des tribunaux parce qu’ils dénoncent des exactions
de la police, de la gendarmerie ou de l’administration (qui ne sont
pas des bavures, mais inhérentes à la xénophobie d’Etat, voire au
racisme de celui-ci), cela passe avant tout par la régularisation
de tous les sans papiers, l’ouverture des frontières, la liberté de
circulation et d’installation, la fermeture et la destruction des
camps de rétention. Sinon, l’Etat continuera d’organiser la chasse
aux sans papiers, générant les drames humains que nous connaissons
tous les jours, les dérives policières et administratives. Le
régime de Vichy est de ce point de vue riche d’enseignements. Il
faudra bien se confronter à une question fondamentale. Comment se
fait-il que la passage de la Troisième république au régime de
Vichy se fasse sans heurt au sein de l’administration, de la police
et de la gendarmerie ? La politique xénophobe, raciste des années
30 n’a-telle pas contribué à faciliter ledit passage ?
Dans le contexte de la campagne électorale, il est plus qu’urgent
de s’insurger contre le racisme d’Etat. C’est intolérable
t’entendre le président de la république qualifier les militaires
tués à Toulouse et Montauban de « Français d’apparence musulmane
» ! Les fameux « Français de souche » sont-ils d’apparence
chrétienne ?
(*Les frais irrépétibles comprennent, notamment, les droits de
timbre, d’envoi postaux, de reprographie ou d’avocat.
Dans la pratique moderne, le mot « irrépétible » est devenu
trompeur, puisqu’il arrive régulièrement que les juges condamnent
le perdant à rembourser les frais dits « irrépétibles », en plus
des dépens.
Pour cette raison, l’emploi de ce mot ancien est déconseillé dans
les actes écrits, et il n’apparaît plus que dans les travaux,les
recherches internes des professions de justice ou les décisions de
justice. In Wiktionnaire)
RELAXE DES TROIS PREVENUS DE TOURS
LIBERTE D’EXPRESSION
NON A LA CENSURE D’ETAT
DES PAPIERS POUR TOUS
Tours, le 12/04/2012
Jean Christophe Berrier, Muriel El Kolli
deux des quatre prévenus de Tours
membre de SOIF D’UTOPIES