ca 227 février 2013
samedi 9 février 2013, par
Au terme de trois mois de négociations, syndicats et patronats ont arraché vendredi un accord sur la sécurisation de l’emploi, salué par François Hollande comme « un succès du dialogue social. Cet accord se traduira par de nouvelles avancées pour les salariés ». Pour les salariés ou pour le patronat ?
LE CONTENU DES ACCORDS
En ce qui concerne la sécurisation des salariés et chômeurs :
Flexibilité pour les entreprises
“UN ACCORD AMBITIEUX” ?
La taxe sur les CDD courts ne concerne que les catégories de CDD ayant pour motif un « surcroît exceptionnel de travail », les plus courtes et les plus fréquentes. Elles ne concernent pas celles ayant trait au « remplacement de salariés absents » les plus longues. Ni les « contrats dits d’usage » qui sont sans limites et sans primes de précarité (sur ces derniers la sur cotisation ne passera que de 4 à 4,5 %). « Un accord devra être signé dans l’intérim pour créer la possibilité d’embaucher en CDI les intérimaires qui enchaînent mission sur mission » (sic). Le patronat des entreprises d’intérim va en profiter et remplacer les CDD de moins d’un mois (l’intérim coûte 15 %, les contrats coûteront 10 % + 5,5 %) et encore plus de un à trois mois (l’intérim coûte 15 % ils coûteront 10 % + 7 %).
La « complémentaire santé pour tous » coûterait, selon le Medef 4 milliards. Il ne s’agit pas d’abonder la Sécu mais bel et bien les assurances privées. Ce système est un mirifique cadeau pour Axa, Malakoff-Médéric et autres grandes compagnies.
Pour les temps partiels, « Sauf cas particulier et avec un lissage sur l’année, un contrat à temps partiel devra prévoir une durée d’au moins 24 heures par semaine ». Mais ce sera pour les salariés qui seront employées un an après la signature de l’accord ! Ils auront droit à une durée d’activité minimale de 24 heures par semaine, sauf s’ils demandent une durée inférieure. Les personnes déjà employées actuellement pourront demander un « complément d’heures choisies » s’ils souhaitent augmenter leur temps de travail hebdomadaire.
Le troisième article des accords prévoyait la création de « droits rechargeables » : un chômeur qui reprend un emploi ne perd pas ses droits, et peut les faire valoir en cas de retour au chômage. En fait cette éventuelle mesure annoncée à tort par les médias sera inscrite… dans la future renégociation en 2013 de la convention Unedic.
Concernant les accords dits de « maintien de l’emploi » ou de « compétitivité », c’est une généralisation d’accords qui avaient été signé, et célèbre à l’époque dans des entreprises comme Bosch, et Continental, ce qui ne les avait pas empêché de fermer après avoir essoré leurs salariés ! C’est finalement l’application du projet de loi annoncé par Sarkozy le 31 janvier et publié au J0 sous le nom de loi Warsmann article 40 le 22 mars 2012 : « Modulation du nombre d’heures travaillées sur courte période sans requalification du contrat de travail : la mise en place d’une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année prévue par un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail ». C’est même pire, puisque ce délai passe à 2 ans. C’était déjà possible de signer des accords dérogatoires au Code ou à la convention collective par la loi Fillon du 4 mai 2004. Ca inversait la hiérarchie des sources de droit. Mais avec Fillon, le salarié pouvait refuser et il gardait ses droits en cas de licenciement. C’est donc pire que la loi Fillon du 4 mai 2004 : ce dernier n’avait pas osé à l’époque imposer la loi à un salarié qui refusait individuellement la baisse de son salaire. Celui ci restait dans ses droits ! Là, ce n’est plus le cas, il sera licencié… à ses torts !
Il a été concédé la création d’un « CDI intermittent » dans 3 secteurs chocolaterie, formation et articles de sport !
Une entreprise qui supprime des postes mais « reclasse » les salariés en signant « un accord majoritaire » sera dispensée de « plan social ». En cas de refus d’un poste le salarié pourra être licencié.
La polémique avait fait rage lors des dernières semaines du quinquennat Sarkozy autour des accords de compétitivité emploi. Ces accords, qui permettent à une entreprise de traverser une période de difficulté en baissant les salaires ou en augmentant le temps de travail, sont toujours d’actualité. Mais ils sont très encadrés. Notamment, un salarié qui refusera sera licencié pour motif économique, c’est-à-dire qu’il pourra bénéficier de l’assurance chômage et surtout d’indemnités de licenciement (contrairement à un licenciement pour faute grave). Et au-dessus de 9 licenciements économiques, l’entreprise devra engager un plan de sauvegarde de l’emploi. En revanche, les procédures classiques de licenciement économique sont profondément modifiées. Faute d’accord avec les syndicats majoritaires, l’employeur pourra désormais élaborer lui-même un plan social et le soumettre simplement à l’homologation du ministère du Travail. Avec des délais et des possibilités de recours au juge fortement réduits. Ce dernier point était très attendu du côté patronal. Autre sujet qui pourrait faire des remous : la très forte réduction des délais durant lesquels les salariés pourront contester devant les juges un licenciement ou le non-paiement d’heures supplémentaires, par exemple.
Comme le dit la présidence du Medef, cet accord « marque l’avènement d’une culture du compromis après des décennies d’une philosophie de l’antagonisme social ». « Ce soir, les partenaires sociaux ont placé la France en haut des standards européens en matière de marché du travail et de relations sociales. L’accord auquel ils sont parvenus est en effet tout sauf un accord a minima ».
FO et la CGT ont refusé de signer cet accord, dénonçant un texte qui « renforce la précarité » et une négociation qui a « loupé sa cible ». Mais le but était-il de donner de donner des droits nouveaux aux salariés ?
Cet accord intervient cinq ans jour pour jour après celui sur la modernisation du marché du travail, à l’origine de la rupture conventionnelle, qui a mis fin depuis à plus d’un million de CDI.
Les véritables enjeux de ces accords se situaient ailleurs que sur le terrain social : les grandes agences de notation justifiaient leurs doutes persistants sur la France, notamment par la rigidité du marché du travail et la nécessité d’une accentuation des réformes structurelles. « A court terme, la réforme prévue du marché du travail sera un indicateur décisif de l’engagement politique et public en faveur des mesures importantes qui permettront de renforcer la compétitivité et le potentiel de croissance de l’économie française », avait prévenu l’une d’elle à la mi-décembre. Et donc d’interrompre le processus de dégradation, sans pour autant relever la note.
Restent maintenant à transformer ces accords en une loi…
Camille, OCL Reims, le 22 janvier 2013