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CA 308 mars 2021

Retour sur le squat d’exilés du collège Maurice Scève à Lyon

première partie

samedi 27 mars 2021, par Saint-Nazaire

Ce texte présente l’histoire et l’expérience du squat de l’ancien collège Maurice Scève à Lyon et aborde des problèmes politiques et techniques rencontrés de sa création le 28 septembre 2018 à son expulsion le 27 octobre 2020.
Il a été rédigé à partir de discussions avec G. un soutien présent et actif sur toute la durée du squat, et d’un projet de livre en cours d’écriture sur cette expérience de solidarité. L’expulsion du squat par la nouvelle municipalité verte sera abordée ultérieurement.


Un squat dans le nouveau quartier à la mode de Lyon, le plateau de la Croix-Rousse

Le squat Maurice Scève est un ancien collège situé sur le Plateau de la Croix Rousse. Sous la Municipalité Collomb, le collège a été désaffecté et promis à la vente pour décembre 2020 au promoteur Vinci pour y construire des immeubles de luxe avec une vue imprenable sur le Rhône. Trois bâtiments seront squattés ; le quatrième, le plus grand, sera volontairement écarté car son occupation aurait représenté un apport d’environ 300 personnes supplémentaires et des problèmes logistiques en conséquence.
Sa localisation sur le plateau de la Croix Rousse, a été déterminante pour l’entraide, la solidarité, les actions et la durée (2 ans) du squat, du fait des nombreux réseaux politiques, syndicaux, militants présents sur le quartier. La situation politique locale (affrontements entre différents courants du macronisme, poussée des Verts), des décisions de justice, la pandémie de la COVID ont aussi joué en faveur du squat.

Une "opération Benne"

L'occupation

Durant l’été 2018 sous la pression d’associations telle l’AMIE (Aide aux Mineurs Isolés Étrangers) la mairie du 1er (tenue par une opposante de gauche à Collomb) avait autorisé l’utilisation d’une salle rue Diderot, « La Marmite Colbert », pour héberger les exilés mineurs qui étaient à la rue. Ceci à la condition qu’ils ne soient jamais seuls c’est à dire que jour et nuit, des soutiens (terme convenu pour désigner militantes et militants), se relaient pour leur tenir compagnie et assurer la sécurité.
En septembre 2018 les associations qui utilisent la salle pour leurs activités durant l’année scolaire reprennent possession des lieux, et les MIE se retrouvent dans des tentes montées dans le jardin de la Grand’Côte voisin. Des libertaires prennent alors l’initiative d’ouvrir le collège désaffecté pour qu’ils y trouvent un toit, le jeudi 24 septembre, à l’issue d’une manifestation.

Des débuts difficiles

Des problèmes classiques mais cruciaux se sont immédiatement posés : accès à l’eau (qui sera un problème récurrent), électricité (éclairage et chauffage toujours insatisfaisants ,avec des AG se tenant parfois à la lueur des portables mais c’était un moindre maux), sanitaires, aménagements des lieux (cuisine, chambres), nourriture… Dans un premier temps, tout cela sera effectué par les soutiens.
Tout n’a pas été de soi au début avec l’arrivée des suprémacistes noirs parisiens de la LDNA (Ligue de Défense Noire Africaine). Leurs pratiques ont consisté à attiser la violence contre les soutiens « blancs », en les assimilant à des colonisateurs, en faisant entendre, entre autres choses, que ceux-ci pouvaient être des pédophiles qui venaient ici chercher leurs proies. Moments difficiles car publiés sur les réseaux sociaux… Certains d’entre nous ont été désignés à la vindicte publique. Mais avec le temps les heurts se sont atténués, même si des tensions ont persisté pendant quelques mois car certains habitants du squat proches de la LDNA ont tenté pendant de nombreux mois de prendre la direction du lieu en manipulant les assemblées générales...

Les habitants

Il s’agit d’hommes jeunes d’Afrique sub-saharienne, souvent mineurs et célibataires (guinéens, sénégalais, maliens, camerounais, quelques algériens, pas de syriens ni d’Afghans). Les habitants étaient francophones mais aussi anglophones ce qui a rajouté des difficultés dans les débats malgré les efforts de traduction. D’une cinquantaine de personnes (pas toutes des mineurs) au début, l’effectif grossira jusqu’à 450, selon des mouvements réguliers d’entrées et de sorties.
Le squat n’a accueilli que rarement et que pour quelques jours des femmes ou des couples essentiellement pour une raison : ne pas reproduire ce qui c’était déjà produit dans un autre squat (Mandela à Villeurbanne) où un réseau mafieux de proxénètes avait pris possession des lieux afin d’effectuer leur exploitation en toute tranquillité.
Il n’y avait pas de conditions préalables pour pouvoir entrer : personne ne restait à la rue au moins le premier soir ensuite en fonction des possibilités des boucles d’hébergeurs étaient sollicitées « L’Appartage » pour les mineurs, « l’ouvre porte » pour les majeurs, sinon ils restaient au squat.

Les soutiens

Une conférence de presse

Les soutiens au squat et aux squatters sont toujours restés une structure informelle de personnes issues de milieux très variés : des politiques, (LFI, libertaires, PCF, Verts, Ensemble…), des réseaux catholiques, du milieu associatif (AMIE, CUM) ou non encartées de nulle part. Leurs motivations étaient très variées : politiques, humanitaires, affectives…
Ce soutien prolongeait une série de mobilisations sur la Croix-Rousse contre, entre autres choses, la disparition des services publics : Sécurité sociale, Poste, agences SNCF et TCL ; crises à l’hôpital du quartier.
En revanche, les affiliations et réseaux politiques des soutiens ont été régulièrement utilisés et sollicités surtout après la victoire des Verts aux municipales afin de trouver une issue positive à ce squat dont les habitants ne voulaient plus.
Malgré la lourdeur et la complexité de la situation, n’y a jamais eu d’épuisement de l’investissement des soutiens. Certes il y a eu des départs mais toujours compensés par de nombreuses arrivées. Entre 30 et 50 personnes étaient régulièrement présentes.

L'organisation interne

Il faudrait analyser la complexité des divisions entre habitants, pays, origine ethnique, religions, leur grande disparité sociologique (certains étant en faculté et d’autres totalement analphabètes), leur découverte de cette forme de démocratie auto-gestionnaire, car une règle de base a servi de fil conducteur : aucune décision n’était prise sans l’assentiment des occupants.
Les AG ont créé des moments de débat où s’opposaient des vues différentes sur la gestion du lieu mais la réalité étant que seuls les exilés y habitaient exclusivement (à part, au début quelques personnes non issues de l’immigration) le dernier mot leur revenait.

Une assemblée générale

Au départ, des AG réunissaient les mercredis, soutiens et habitants. Mais au fil du temps leur participation a fortement baissé (motivation, conflits variés, situations personnelles très difficiles, problèmes de traduction...) avec aussi parfois des critiques des habitants envers les soutiens.
Il est devenu clair que la forme AG commune ne convenait plus. La solution sera celle d’une AG d’habitants le dimanche, où des soutiens seront présents à titre d’observateurs ou uniquement à titre technique (transmission d’informations). Mais au fil du temps elle sera remplacée par des réunions d’habitants référents.
Les référents ont plutôt été cooptés par les habitants qu’élus, l’élection ayant été perçue comme une pratique néo-coloniale par des occupants. La tentative d’avoir un référent relayeur par chambre a été un succès mitigé, la rotation des occupants étant un frein.
Les volontaires se proposaient et étaient cooptés par les habitants. Ils n’étaient pas très nombreux à se présenter.
En parallèle, les soutiens organisaient des AG régulières, ouvertes aux habitants, pour faire le point sur les diverses commissions et aborder les questions d’actualités : organisation des manifestations, travaux, lutte contre les procès, lutte pour la régularisation... Celles-ci ont réuni au plus bas une quinzaine de personnes mais sont montées parfois jusqu’à 200, quand les occupants et référents les rejoignaient.
Entre fin 2018/ début 2019 suite à divers problèmes (bagarres entre habitants, détournement de la nourriture par d’autres, problèmes de chambres) les occupants ont élaboré, discuté et adopté sous l’impulsion d’un habitant-référent plus au fait des problèmes se posant dans les squats, un règlement intérieur qui s’appliquait à tous y compris aux soutiens.

Des commissions ont été créées afin de répondre aux problèmes tant techniques que politiques. Elles étaient composées de soutiens et d’au moins un habitant. Elles se réunissaient très régulièrement souvent juste avant l’AG hebdomadaire. D’autres réunions étaient convoquées selon l’urgence.

Relations politiques du squat avec la Métropole et la Préfecture

La Métropole, alors dirigée par D. Kimelfeld (dauphin de Collomb, mais qui a refusé de lui céder sa place après sa démission du gouvernement, fin 2018) a soufflé le chaud et le froid en permanence. D’une part elle a mandaté des associations pour rendre le lieu habitable et d’autre part elle a mis la pression en tentant d’obtenir régulièrement par la voie légale, l’expulsion du squat.
C’est au cours d’une AG de novembre 2018 qu’a été prise la décision de faire intervenir des associations pour diminuer les difficultés d’approvisionnement alimentaire et tenter de résoudre les problèmes électriques. Une demande insistante a été faite auprès de la Métropole afin qu’elle assure ses obligations légales d’accueil des mineurs.

L’intervention au Conseil de métropole le 18 mars

Ceci ne s’est pas fait sans un âpre débat qui a vu partir des soutiens de la première heure partisans d’un squat autarcique. Le squat (habitants et soutiens) s’est battu contre la Métropole pour que le cas des mineurs ne soit pas séparé du sort des majeurs.
Côté « humanisme » la Métro a donc mandaté ponctuellement des associations en période de trêve hivernale. Elle a trouvé ici une solution à moindre coût pour le logement des mineurs et majeurs et cela lui évitait d’assumer ses obligations légales envers les jeunes demandeurs d’asile.
Elle débloquera 250 000 € pour l’ALPIL (Association Lyonnaise Pour Insertion par le Logement) et 150 000 pour NDSA (Foyer Notre-Dame des Sans-Abris).
Les deux associations mandatées agiront en partenariat avec les habitants et soutiens sans que jamais ne soient remise en question la gestion du lieu, celle-ci restant du ressort des habitants.
L’ALPIL interviendra sur les chambres, les cuisines, les parties communes, l’installation de sanitaires... et pour la réalisation du diagnostic social demandé par la Préfecture (chaque habitant expose sa situation en vue de trouver une solution de logement et de suivi juridique.)
NDSA interviendra pour l’approvisionnement en nourriture et l’accès aux droits.
Ces associations se retireront officiellement à la fin de la trêve hivernale, ce qui posera de gros problèmes au squat pour la nourriture. Nous avons donc mis en place des cagnottes qui permettaient d’acheter ce qui était nécessaire pour les habitants car les dons de produits frais issus des invendus des magasins étaient souvent inadaptés aux conditions de stockage et aux habitudes alimentaires. Ces cagnottes ont collecté 30/40 000 €.

En parallèle,la Métropole demande régulièrement l’expulsion du squat. Un premier procès se déroule en septembre 2018, avec un jugement défavorable pour celui-ci. Il est fait appel et un gros dossier étayé de témoignages du voisinage et de soutiens est monté pour contrecarrer la demande d’expulsion qui culmine avec une assignation des habitants et des soutiens pour une expulsion immédiate le 28 juin 2019. La seule réponse à la situation intenable des exilés sur Lyon, c’est l’huissier.
Finalement, le 24 septembre 2019 en appel, le juge refuse l’expulsion car les jeunes sont en cours de demande d’asile, leur relogement après expulsion est impossible du fait des carences des pouvoirs publics dans ce domaine, qu’ils sont bien intégrés dans le quartier et dans un lieu de vie sécurisant après les épreuves qu’ils ont connues. La métropole fait appel et est déboutée en mars 2020.

Médiation

La Préfecture, a toujours refusé de reconnaître le Collectif de soutien au collège Maurice Scève et de le rencontrer. La difficulté sera en partie contournée par la mise en place d’une médiation qui comprendra le père Delorme [1], Louis Lévêque (ex-adjoint à la mairie de Lyon chargé de la cohésion sociale), Pierre-Yves Joly (ancien bâtonnier) et Yves Husson (ancien sous-préfet).
Dans un premier temps habitants et soutiens les rencontrent séparément puis ils font leur compte-rendu de conclusions à la Métropole et la Préfecture. Cette médiation se résumera très vite à la seule intervention de Delorme. La demande des habitants et soutiens est simple et commune : pas d’expulsion sans relogement.
Les points abordés avec le Préfecture ont porté sur l’hébergement des demandeurs d’asile (DA), l’accès au travail (ceux-ci n’ont pas d’autorisation de travail : cela est vécu comme une humiliation et favorise la surexploitation par le travail au noir) et la carte ADA [2] car sa réforme ne rend plus possible le retrait de liquide en DAB.
Celle-ci a répondu par le Diagnostic social (DS) sur la base du volontariat. C’est une étape fondamentale pour l’avenir des exilés. L’examen de la situation de chaque habitant permet ou pas, de lui proposer un hébergement, l’évolution dans sa procédure de demande d’asile ou de titre de séjour. Comme l’expérience précédente de DS dans un squat (Amphi Z) avait été assez négative, nous avons exigé et obtenu que les retours soient fait rapidement.
Avec la Métropole les discussions beaucoup ont porté sur la mise à l’abri des mineurs conformément à ses obligations légales. Mais il faut constater que leur « humanisme » a vite trouvé ses limites malgré les promesses répétées : pas de suivi pour l’électricité, pas de campagne de dératisation ni d’éradication des punaises de lit... On ne sait pas si cela a été une volonté politique de faire pourrir le squat au sens propre, mais cette situation a joué sur le moral de l’ensemble des personnes concernées.

Paradoxes du relogement

Les propositions de relogement et la COVID nous ont permis de constater un effet particulièrement pervers. Des hébergements sont proposés, mais les restrictions sanitaires interdisaient les transferts dans d’autres régions proches du Lyonnais. Par ailleurs, compte tenu de l’activisme des soutiens du collège, seul le sort de ses habitants a été pris en compte, aux dépens des autres demandeurs d’asile abrités dans d’autres squats. Des procédures d’expulsion par charter ont-elles été effectuées pour libérer des places, tant le désir d’en finir avec ce squat devenait impérieux ? Il est vrai que l’on parlait de ce lieu même à l’international !
Avantages et inconvénients liés au grand nombre d’habitants et à la durée du squat
L’avantage du grand nombre d’habitants c’est qu’il ne passe pas inaperçu mais le plus gros problème c’est d’assurer le quotidien et là des trésors d’initiatives en tous genre permettront de remédier aux dysfonctionnements de tous types (institutionnels, techniques...).
L’avantage indéniable de la durée est de pouvoir s’organiser, se structurer et de créer des liens entre habitants et soutiens. Cela permet d’envisager d’autres actions que le quotidien à gérer : les fêtes, les expos, les ateliers, les manifestations et actions en direction de la population et des autorités…
Le Collège est devenu un point de repère pour les demandeurs d’asile qui ont obtenu un hébergement mais n’ont pas le droit de travailler. Ils venaient rencontrer les habitants, les soutiens, tout comme les mineurs hébergés par la métropole ou dans des boucles.
Le squat a été une énorme épine dans le pied des autorités. Comme il était connu nationalement et internationalement il était plus difficile de l’expulser, surtout en période pré-électorale.
La vie en squat avait, malgré les difficultés du quotidien, un avantage énorme pour les habitants : le fait de rester groupés, de pouvoir échanger, s’informer, agir...
On voit bien la différence depuis l’expulsion : hébergement en hôtel parfois à 4 par chambre, isolement. Ils sont livrés à eux-mêmes alors qu’il y a urgence : assistance juridique et sociale, suivi sanitaire, notamment psychologique, pour un public particulièrement vulnérable de par son parcours et les conditions de vie qui lui sont faites.

La lutte pour rendre visible la situation des réfugiés

Les habitants et les soutiens ont organisé ou participé à de nombreuses manifestations et actions : à l’occasion des procès en expulsion du squat et d’autres, des procès en appel pour délit de solidarité des militants P-A. Mannoni et Cédric Herrou. Afin de ne pas se faire oublier des actions spectaculaires ont été organisées : lors de l’inauguration de la Biennale d’Art Contemporain 2019, de l’ouverture du Festival Lumière 2019 avec Martin Scorcese tout comme lors des réunions du conseil métropolitain ou de la mairie d’arrondissement. Les habitants ont activement participé à ces actions.

Manifestation à l’ouverture de la Biennale

La lutte pour la régularisation pour toutes et tous

Les demandeurs d’asile arrivés en France sont mis au ban de la société et rendus invisibles : hébergement en hôtel ou CADA qui les isole les uns des autres et de la société française, enfermement en CRA et interdiction de travailler. Cette interdiction favorise le travail au noir dans le BTP, la restauration rapide, la livraison de repas… Dans ce secteur des « âmes sensibles » sous-louent leur compte à des sans-papiers, prenant au passage 50 % de la course.
Pour lutter contre cette mise au ban de la société pendant le confinement et à l’instar de quelques pays qui ont plus ou moins régularisé des migrant.e.s nous avons lancé un appel à la régularisation des sans papiers qui a été repris nationalement.
En avril 2020 le Collectif Habitants et Soutiens au Collège Maurice Scève envoie une lettre ouverte à Macron pour la régularisation pérenne de tous les sans-papiers : 210 personnalités nationales et locales, 92 organisations. Cette lettre devenue pétition rassemblera 8000 signatures.
Cette initiative sera suivi d’un autre un appel, avec plusieurs collectifs soutiens/ migrants de la région de Lyon [3] dans lequel nous demandons : la régularisation inconditionnelle, un logement pour tous et toutes et la fermeture des CRA.

Pérenniser le squat ?

Cette question s’est posée et se posera tant que les politiques de l’immigration, de l’accueil, du logement et l’interdiction de travailler ne changeront pas. On oscille entre humanitaire et politique.
À Maurice Scève, nous avons évoqué des coopératives pour réparer des vélos, faire de la menuiserie et bien d’autres choses. Mais tout cela s’est heurté aux problèmes récurrents de la maintenance du site.
Le squat a des avantages : convivialité, possibilités d’autogestion mais qui doivent être mis en balance avec le sentiment d’insécurité permanent que vivent individuellement les exilés (précarité, racisme, situation irrégulière)... Ils aspirent à une autre vie plus décente et dénoncent la précarité, la saleté et l’insalubrité bref des conditions difficilement vivables. Pour eux, un squat « c’est la rue entourée de murs et un toit ». Le lieu n’est pas vivable sur la durée et les jeunes n’aspirent qu’à le quitter.
Ce débat a fait rage dans une assemblée locale appelée Intersquats.
Pour les habitants, le squat n’est pas un but en soi ni un mode de vie choisi mais une mise à l’abri et un moyen de pression pour obtenir leurs droits. La majorité des soutiens et habitants souhaitait sortir de cet habitat précaire et indigne.
Cette position s’est confrontée à une stratégie jusqu’au-boutiste (c’est à dire pouvant aller jusqu’à l’expulsion manu militari et sans possibilité de relogement) notamment avec des squats (tenus par des politiques) qui ne font pas qu’héberger des exilé.e.s et qui luttent par ce moyen contre la gentrification d’un quartier.

G. et Eugene the Jeep

Le règlement intérieur

  1. Il est obligatoire pour les nouveaux de se présenter aux Référents
  2. Toute forme de violence est interdite, qui est sanctionnée par l’expulsion
  3. La propreté du bâtiment est obligatoire et chaque dimanche il y a le nettoyage général du squat à partir de 10H
  4. Il est interdit de boire et de fumer dans les lieux communs
  5. Il est interdit de harceler les autres /soutiens comme habitants
  6. Il est interdit de voler les affaires des gens. Si tu es pris une fois c’est l’expulsion
  7. Il est interdit de jeter les ordures par la fenêtre
  8. Il est interdit de pisser dans la cour
  9. Toutes les décisions concernant le lieu et l’organisation doivent être prises par les habitants
  10. L’organisation des soutiens doit s’organiser et agir dans le sens de l’autogestion du lieu
  11. Le respect doit être réciproque entre les soutiens et les Référents, y compris les habitants
  12. Il est interdit de prendre des photos ou de filmer sans accord des Référents
  13. À partir de minuit ; la musique est interdite dans les chambres et dans la cour
  14. Toute menace aux Référents donne droit à l’expulsion du lieu
  15. Il est interdit de fumer dans les chambres ou tout le monde ne fume pas
  16. Nul n’est au dessus de la loi

Les commissions
Accueil : au début, tous les jours puis deux à trois fois par semaine le soir. C’est une commission vitale pour les arrivants : C’est là que les jeunes de tout Lyon viennent chercher des renseignements sur leur situation, de l’aide, (médicaments, masques, ticket de bus…) mais aussi orientation vers des structures ad hoc : services sociaux, formation, cours de français...
Nourriture et cuisine : il faut assurer 200 repas par jour. Les cuisiniers sont les habitants. Les repas sont à base de riz, de poulet et de pâte d’arachide.
Travaux : électricité, plomberie, sanitaires, chambres, lits, nettoyage, jardin et entretien.
Animation : fêtes, concerts de soutien avec des artistes locaux et du squat, studio d’enregistrement, fabrication de masques, équipe de foot…
Communication : pour répondre aux nombreuses sollicitations médiatiques. Les habitants sont toujours restés très méfiants et ont demandé à relire et valider les écrits des journalistes. Un exemple de fausse information : Le Lyon Bondy blog a publié un article disant que le squat était un cluster à COVID, suite à un coup de téléphone au commissariat du coin qui a insinué qu’il y avait des cas de Covid au squat, ce qui aurait pu entraîner sa fermeture immédiate.
Alternative/hébergement : un groupe se réunissait régulièrement pour recenser les lieux vides sur la métropole, tenter d’inciter les bailleurs sociaux et privés, les associations à ouvrir des appartements en co-location de façon que les jeunes avec leurs ADA logement en paient le loyer.
Groupe récit : formé avec le groupe des psychologues et des avocats pour préparer les habitants à l’entrevue avec l’OPFRA ou la CNDA pour obtenir l’asile car ces entrevues sont extrêmement dures et déstabilisantes pour eux.

Notes

[1Connu sous le nom de « curé des Minguettes » depuis son investissement dans la marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983

[2Allocation pour Demandeur d’Asile

[3Collectif Intersquats Exilé·e·s Lyon et Environs (CIELE) rassemblant Collège sans frontières Maurice Scève et Augustine ; Collectifs Amphi Z : Duracuire, Agir Migrants, ECG, Feyzin, Lafayette et Arloing

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