ici on noie les exilé·e·s
C’est arrivé près de chez vous
vendredi 3 décembre 2021, par
« Je vous convie à un rassemblement place Dalton samedi 27 à 15h pour penser aux 27 réfugiés noyés quasiment sous nos yeux.
Nous ne pouvons tolérer que cela continue. Nos représentants politiques doivent réagir. Nous devons réagir. Je compte sur vous. »
Voir en ligne : Sur la situation dans le calaisis sur le site de La Mouette enragée
C’est à cet appel de la LDH et d’ATTAC qu’un rassemblement s’est tenu place Dalton ce samedi 27 novembre. Effectivement, nombre de représentants de partis, élus ou non se sont réunis durant une petite heure en hommage aux 27 migrants morts d’avoir voulu franchir un bras de mer d’une trentaine de kilomètres. Ainsi, ce moment est-il à appréhender sur deux registres : l’empathie, exprimée par la minute de silence et le « citoyennisme » en interpellant les collectivités locales à qui une supplique d’accueil de deux familles migrantes sur leur territoire a été adressée.
Si le lendemain, le compatissant Macron assure que« La France ne laissera pas la Manche devenir un cimetière », nous verrons les moyens mis en œuvre pour ce faire ne pécheront pas par excès d’humanisme.
Depuis le 1er janvier, on compte 30 morts et 4 disparus. Ce sont quelques 1 281 tentatives de traversées effectuées depuis le début de l’année à partir des côtes françaises vers le Royaume-Uni, impliquant un total de 33 083 personnes, selon la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord.
Enfin, le Home office reconnaît 25 792 migrants ayant réussi à rejoindre le Kent tandis que la préfecture maritime s’enorgueillit d’en avoir ramené 8200 au cours d’opérations de sauvetage.
Le tableau ne serait pas complet si l’on ne parlait pas gros sous. L’été dernier, Johnson a alloué 54 millions de livres sterling pour endiguer les traversées depuis les plages françaises et il estime ne pas en avoir pour son argent. En effet, les accords du Touquet et le protocole additionnel de Sangate ne sont toujours pas caducs de fait et la frontière franco-britannique est toujours officiellement matérialisée sur le sol français.
Bojo a donc mandaté Priti Patel, la ministre de l’intérieur britannique pour proposer à Macron le renfort de policiers britanniques pour patrouiller sur les plages françaises. Ce que ce dernier aurait refusé. Rien ne va donc plus puisqu’en 2015, les british cops étaient welcome pour colmater le port des ferries et le tunnel sous la manche au côté de nos flics de la PAF.
C’est justement l’aménagement militarisé des points de passage ‒ et notamment les accès à l’entrée du tunnel Coquelles ‒ et le contrôle implacable de tout ce qui roule, qui poussent les migrants à s’embarquer sur des esquifs de fortune, mal foutus et surchargés. Pour contrer cette version septentrionale des pratiques suicidaires des fuyards venant d’Afrique sur la Méditerranée, Macron demande à l’Union européenne le « renforcement immédiat des moyens de l’agence Frontex aux frontières extérieures », semblant répondre à Johnson qui déplorait depuis plusieurs mois le manque de zèle de la France à retenir les étrangers chez elle.
Il franchit le pas en tweetant : « je propose que nous mettions en place un accord bilatéral de réadmission pour permettre le retour de tous les migrants illégaux qui traversent la Manche. »
Refus indigné de la France. Pourtant, en 2020 notamment « année COVID », Amnesty International France, la Cimade, Médecins du Monde, Médecins Sans Frontières et le Secours Catholique ont dénoncé le renvoi d’exilés en Italie par les autorités françaises après qu’ils ont franchi la frontière à Vintimille…
Si de part et d’autre les déclarations de compassion et le ton scandalisé par le drame sont à l’unisson, les motivations sont sans doute un brin plus pragmatiques. Côté britannique, l’un des arguments de campagne des « brexitiens » s’appuyait justement sur la fin des arrivées massives de populations européennes, notamment venues de l’Est. Le fait que la plupart des victimes du drame soient kurdes ( d’Irak ou d’Iran ) n’y change évidemment pas grand-chose. Le flot continu des tentatives ‒ autour de 25 % de succès ‒ dédit de fait cet engagement. Côté continental, la surenchère à propos de la lutte contre l’immigration ne connaît plus de limite et les réactions de « l’opinion » de plus en plus problématiques et frontales.
La sous-préfète de Boulogne sur mer, le mercredi 24 novembre, le jour du drame, a dépêché les forces de l’ordre pour interrompre l’assistance et la fourniture de vêtements secs aux rescapés par Utopia 56, une association de secours aux migrants présente notamment à Calais. C’était pendant la tragédie, c’était avant l’élan d’émotion générale…
Aujourd’hui, Joséphine Baker est panthéonisée, la conscience est sauve.
Boulogne-sur-mer, le 01/12/2021
P.-S.
Nous vous proposons l’écoute de l’émission de radio que nos camarades de Reims ont consacrée à la situation sur le littoral après la mort de 27 migrants dans les eaux de la Manche, ainsi que notre réaction après le rassemblement qui s’est tenu à Boulogne-sur-mer à la suite de ce drame.
Émission de l’Égrégore : Exilé.e.s : La France, l’UE et l’Angleterre vous laissent vous noyer !
