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Édito CA 350

Le capitalisme, c’est la planète plus l’électricité.

jeudi 8 mai 2025, par Courant Alternatif


Depuis sa formidable première révolution industrielle, le capitalisme s’est adossé à l’extraction, la transformation et l’utilisation tous azimuts de vestiges d’organismes dits fossiles. Présents partout sous la surface terrestre – y-compris au fond des mers –, leur exploitation a contribué à un développement sans fin – du moins le croyait-on – de ses applications énergétiques. L’une d’elle a coévolué avec l’injonction toujours accrue qui nous est faite d’être auto-mobiles. Les hydrocarbures étant devenus anormalement sales en quelques décennies, il fallut que le capital s’adapte ; continuer de prospecter et de vendre ( cher ! ) de l’énergie fossile et mettre à la tâche les rechercheurs-développeurs pour ripoliner de vert les secteurs de l’industrie gourmands en énergie. La solution miracle sera superdécarbonnée : électrifier les bagnoles donc produire de la batterie en masse, de la batterie en batterie, de la batterie au carré. Le corollaire, c’est la débauche d’emplois à la clef, du développement durable des territoires au pôle d’excellence.

Le dégât collatéral c’est qu’il va falloir continuer à farfouiller sans vergogne la croûte terrestre pour trouver à n’importe quel prix humain et dans n’importe quelles conditions des « terres rares », et tripatouiller un peu tout ça dans des usines fumantes. La finalité est toujours la même : être concurrentiel, tirer profit d’un greenwashing perçu par le bobo/gogo comme le moins dystoptique possible. La terre banale du Nord, jadis peuplée de « gueules noires »* pollueuses, va à l’aune d’une vallée d’un « vert nucléaire » assuré opérer le miracle économique, social et environnemental dont la bourgeoisie régnante s’est fait sans rire une priorité sous l’acquiescement bonhomme de ses industriels new look.

L’espoir d’une reconstruction industrielle, économique et écologique que le capital fait miroiter masque mal les intentions d’un nouveau rebondissement profitable. Le vernis greenwashing va vite se craqueler sous les gigawatts des superbatteries. Quant aux conditions de leur production, elles vaudront bien celles de la révolution 1.0.Car les infrastructures, le vivier de main d’œuvre, la position géographique et la chaîne de hubs indispensables à l’opération au plan national, tout cela est disponible dans les Hauts-de-France. Le patronat de la filière de la batterie pour l’auto électrique va donc s’implanter comme l’a fait PSA à Aulnay-sous-Bois dans les années soixante-dix pour les voitures à essence : « une entreprise arrive, elle structure le territoire pour répondre à ses besoins, elle épuise les ressources et finalement elle part ailleurs pour trouver de meilleures rentabilités. La région est alors laissée en plan, essorée, sinistrée. » Ces mots viennent de l’interview de membres de l’association Méga Bits Par Seconde (MBPS), auteurs du film-documentaire « on n’est pas nos parents ». Ce film retrace les luttes des salariés de PSA par ceux qui les ont vécues ; une mise en miroir des grèves de 1982, la première et celle de 2013 la dernière. Les histoires de la mine et ses corons du Pas-de Calais ou de l’usine Fives-Cail-Babcock ( où étaient fabriqués des locomotives, des ponts et charpentes métalliques et des tunneliers ) et son quartier en briques attenant où vivaient les familles de 5 000 ouvriers à Lille ne sont pas différentes.

France Travail, dernier avatar du Pôle emploi, pour sa part a entrepris un sérieux nettoyage. La non-productivité de ses « clients » fait de ceux-ci des parasites qui touchent des minima sociaux… et c’est aux employés de faire le sale boulot. Des résistances et des solidarités s’organisent mais établir un vrai rapport de force face à une machinerie publique en voie de privatisation des effectifs et de sur-contrôle de leurs chômeur.euses n’est pas une sinécure...

La lutte contre la guerre, est on ne peut plus de mise en ces temps obscurs et brumeux. La guerre et son commerce juteux de matos traditionnels de machins à dézinguer, du « couteau à figure » du Roi Ubu à la tech et l’IA de l’industrie électro-cybernétique garantie « verte » et chirurgicale. Cette même intelligence artificielle qui s’immisce dans tous le recoins remplace ou désintègre des pans entiers de notre vie privée et au boulot. Les tâches sont si facilitées que c’est le travailleur qui assiste le robot. La lutte contre le totalitarisme algorithmique est est d’autant plus dure à mener que son spectre de nuisance est inconscient, jusqu’à consenti. De même la lutte antinucléaire – le civil et le militaire étant des frères siamois – perdure et prend tout son sens en ces temps de guerre latente ou avérée.

Autre combat durable, celui contre la privatisation de l’eau dont les opposants, sauvagement réprimés à Sainte-Soline, payent cher physiquement et psychologiquement le refus des mégabassines. Des « commémor’actions » ont été menées pour les « 2 ans de Sainte-Soline », dont CA présente un compte rendu..

À l’échelle planétaire, un retour sur la situation des Comores permet de lever l’épais voile tombé sur les réalités de l’archipel. Le fond de l’article de Gamal Oya repose sur un confusionnisme maîtrisé de la part de l’État et des médias entre Mayotte et le chapelet d’îles dont elle fait partie.
Là encore les hypocrisies et atteintes volontaires aux populations sont de règle. Les volontés étatiques de les renvoyer dos-à-dos selon leur origine institutionnelle plutôt que culturelle vaut toutes les ghettoïsations, au sens historique, organisées en Europe. Tous les prétextes valent : catastrophe, écologie, détention de l’eau… Dans la même perspective, les réflexes coloniaux traditionnels sont à l’œuvre. Parallèlement, l’État et ses relais mettent à profit les passages de cyclones pour abandonner, marginaliser et criminaliser les personnes rendues étrangères pour n’être pas de la « bonne » île. Une rhétorique vieille comme le partage du monde, États-nations versus peuples…

Des démocraties tronquées aux autoritarismes revendiqués, les terres ancestrales et jadis partagées ou riches en « rare » sont confisquées ; des smarts cities à la start up nation, la new tech, c’est l’avenir.

Un avenir d’un blanc aveuglant dans un monde irradieux...

Lille - Boulogne/Mer, Le 21 avril 2025

* nom donné aux mineurs de fond aux visages noircis par le charbon

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