IL N’Y A RIEN A ATTENDRE DES INSTITUTIONS
L’année 2005/2006 a été marquée en France par des mouvements importants : Révoltes des banlieues à l’automne, mouvement de la jeunesse au printemps et mobilisations multiples et diverses pour la régularisation de sans-papiers qui actuellement se poursuivent.
Cette année fut, pour nous, riche d’autant plus que nous avons toujours pensé que c’est lorsque les gens sont en " mouvement ", dans des moments partiels de rupture avec le système de domination, qu’ils sont porteurs d’idées et de pratiques correspondant le mieux à nos aspirations révolutionnaires.
Concernant les sans-papiers, la mobilisation est partie par rapport à des enfants scolarisés qui risquaient (et risquent encore pour beaucoup d’entre eux) de se faire reconduire à la frontière avec leurs parents, à moins que les rouages de l’Etat choisissent de placer ces enfants dans une institution, éclatant à jamais des familles ! Des milliers de gens (enseignants, parents d’élèves scolarisés dans les mêmes écoles, collégiens, lycéens ou étudiants, voisins, …) se sont mobilisés pour ces familles. De part la détermination, l’arrogance et la volonté de l’Etat français d’expulser ces sans-papiers, des gens non majoritairement militants ont été amené à désobéir en planquant, chez eux, des enfants, des parents et même des grands-mères. Ces gens savaient et savent qu’ils encourent 5 ans de prison et 30 000 € d’amende pour aide au séjour de personnes en situation irrégulière et pourtant ils l’ont fait et dans certains cas l’ont revendiqué !(1). A partir de là, ces gens ont pu s’ouvrir à des tas d’autres situations de sans papiers non nécessairement parents d’enfants scolarisés dans l’école du quartier. C’est ainsi que la revendication de régularisation de tous les sans papiers est reprise aujourd’hui par des gens qui n’auraient jamais eu cette solidarité s’ils n’avaient pas eu ce vécu concret. C’est ainsi aussi que des tas de drames humains, qui sont autant de drames sociaux, économiques et politiques, ont été mis sur la place publique ; que ces drames aient lieu ici ou aux quatre coins de la planète … contribuant ainsi à une réelle politisation.
Politisation relative tout de même car Sarkozy apparaît comme étant le grand méchant loup alors que les ministres de l’intérieur socialistes ont eu des politiques voisines avec l’arrogance, le populisme et un peu de démagogie en moins. Même si demain le pouvoir de droite ou de gauche est contraint par la rue de régulariser des milliers de sans-papiers ; après-demain il y aura toujours autant de sans-papiers célibataires, parents ou non d’enfants scolarisés, en Europe car :
- Ces migrations de populations sont les conséquences des guerres, des famines et de la misère dont la plupart sont les conséquences directes du système économique mondial.
- Notre économie a toujours besoin de cette main d’œuvre corvéable à merci.
Quels que soient les moyens policiers qui seront demain mis en œuvre par les Européens avec l’aide de certains Etats comme le Maroc, la Libye, … (police européenne de l’immigration, consulats européens uniques, rafles et refoulement à partir d’Etats " amis ", . ..) l’immigration se poursuivra car elle répond à des besoins économiques et de survies humaines.
L’immigration sera à n’en pas douter, au centre de beaucoup de discours de politiciens. A noter que, parmi ceux qui défendent aujourd’hui la lutte des sans-papiers, aucun ne fera campagne en demandant la liberté de circulation et d’installation des personnes, seul moyen d’éradiquer le problème des papiers !
Le thème de l’immigration, récurrent depuis plus de 20 ans en France, est maintenant contenu dans celui de l’insécurité. Depuis la loi de sécurité quotidienne de la gauche plurielle (2001), les lois sécuritaires se sont succédées. En cette rentrée, une " petite " dernière s’apprête à être votée. Il s’agit de la loi dite de " prévention de la délinquance " (2). A ce jour, la mobilisation contre ce projet qui prend forme, a bien du mal à s’enclencher au niveau national même si une mobilisation est programmée pour le 10 octobre. Mais, rappelons-nous, la mobilisation de ce printemps 2006 a pris de l’ampleur alors que la loi avait été déjà votée. Tout espoir n’est donc pas perdu même s’il y a des risques que seuls les articles de cette loi concernant les nouveaux pouvoirs répressifs des Maires et la fin du secret professionnel des travailleurs sociaux soient réellement contestés (comme le fut le cas pour la loi sur l’égalité des chances ou le mouvement a seulement gagné sur l’article concernant le C.P.E.).
Il y a aussi bien d’autres espoirs de mobilisations en cette rentrée ; l’Etat et le patronat continuant ses attaques sociales. Mais notre enthousiasme doit être mesuré car ces mobilisations concrètes risquent d’être reléguées au second plan devant … l’échéance électorale du printemps 2007. C’est ainsi que les dinosaures du P.S. qui veulent " aller à la soupe " n’hésitent pas à défiler dans la rue aux côtés de ceux et celles qui luttent alors qu’il n’y a pas si longtemps, lorsqu’ils étaient aux affaires, ils n’hésitaient pas à réprimer, expulser ces sans papiers et plus globalement être aux ordres du capital. Le drame c’est qu’il n’y a quasiment plus personne pour les virer des manifs et rassemblements en leur rappelant leurs pratiques lorsqu’ils étaient au pouvoir. C’est un recul par rapport à ce qu’il se passait au milieu des années 90. Pire, beaucoup de ceux et celles qui luttent recherchent aujourd’hui la signature, les prises de position de ces Lang, Royal, Fabius, Strauss-Kahn, …
Nous sommes donc entrés dans une période de promesses électorales, de cirque où le pouvoir médiatique tente de fabriquer comme toujours l’opinion publique. Ce serait un duel Royal - Sarkozy avec en invité surprise éventuelle Le Borgne. Bof , ON S’EN FOUT car cela ne changera rien au " schmilblic " ! L’extrême gauche dite " noniste " ou " anti-libérale " (ne pas confondre avec " anticapitaliste " !) politique, syndicale ou associative tient, elle aussi, à tenir son rang, à avoir une place dans cette très mauvaise comédie burlesque. Les candidatures à la candidature se multiplient au rythme des conciliabules. Mais le PCF demandera toujours au second tour à faire " barrage à la Droite " ou " à faire barrage à Le Pen " ; La LCR, malgré ses dires actuels, suivra afin de ne pas se faire marginaliser au niveau institutionnel comme c’est le cas aujourd’hui pour L.O. qui n’obtiendra jamais les 500 signatures d’élus de la République nécessaires pour se présenter aux présidentielles (3).
Nous pouvons nous demander s’il ne serait pas souhaitable de faire (re)vivre une expression anti- institutionnelle ? A moins que cette expression ne vienne finalement de la rue. Là est notre espoir…
(1) près de 120 000 signatures de la pétition " Nous les prenons sous notre protection " … et les signatures arrivent toujours.
(2) A ce sujet, nous avons publié un article dans notre numéro d’été.
(3) En effet beaucoup d ’élus qui donnaient traditionnellement leurs signatures afin qu’A. Laguiller se présente ne le referont plus à cause du fait que LO n’a pas appelé à voter Chirac contre Le Pen lors du second tour de 2002.
OCL/Reims, le 22/09/06