Accueil > Actualités, Tracts et Communiqués > Dossier Amérique Latine > Ni en deuil, ni en fête ! L’heure de l’autonomie des luttes sociales est (...)

Déclaration de libertaires du Venezuela à la mort de Hugo Chávez

Ni en deuil, ni en fête ! L’heure de l’autonomie des luttes sociales est arrivée !

mercredi 6 mars 2013, par WXYZ


Lorsque s’additionnent une très grave maladie, des soins médicaux conditionnés par des décisions politiques à courte vue, et un patient halluciné par le pouvoir, seule une telle fin était attendue : le chef est mort, et alors, nous nous retrouvons avec un changement substantiel sur la scène politique vénézuélienne.

En un instant, ce qui fut la plus grande force du régime est devenu sa principale faiblesse : Chávez était tout et, s’il n’est plus là, il ne reste plus qu’à conjurer la fidélité absolue à sa mémoire avec l’obéissance à ses dispositions successorales ; ce qui met en évidence la faiblesse d’un gouvernement qui a cherché à renforcer son caractère prétendument « socialiste et populaire » avec la pratique d’un grotesque culte de la personnalité, devenue désormais l’invocation vide de son âme. Le défunt lui-même est le principal responsable de ce dénouement. Le secret qui a entouré sa maladie a été actionné par les mêmes ressorts de la centralisation extrême du pouvoir, ce qui, par manque de cohérence idéologique interne, laisse ses disciples se débrouiller entre eux pour l’héritage du commandement, avec un clair avantage pour les hauts bureaucrates ‟rojo-rojitos” [rouges foncés] et la caste militaire, dans des tâches de négociation afin de s’assurer l’impunité pour leur corruption.

Quant à l’opposition de droite et social-démocrate, la nouvelle situation les trouve sans qu’elle ait surmonté les défaites des élections présidentielle du 7-O [7 octobre] et régionales du 16-D [16 décembre], élections dans lesquelles ils s’étaient engagés avec des illusions gigantesques et avec l’offre d’un « populisme de riches », promettant aux électeurs de maintenir et d’être efficaces dans l’usage des instruments clientélistes qui ont tant profité à Chávez. Maintenant, cette opposition accommodante veut croire qu’une métastase fortuite a enfin placé à sa portée son ascension à ce pouvoir politique duquel ses ambitions et ses erreurs, sa paresse et son incompétence les avaient tenus éloignés depuis de nombreuses années, un pouvoir qu’ils exerceraient avec une bêtise et une ardeur prédatrice similaires à celles que la bobibourgeoisie chaviste [bourgeoisie bolivarienne] a pratiqué.

Face à ce tableau de calculs mesquins et opportunistes, où s’équivalent le Gran Polo Patriótico et l’opposition de la Mesa de Unidad Democrática, nous avons la grave situation du pays : inflation galopante, chômage en hausse et précarité des emplois, dévaluation de la monnaie, terrible insécurité des personnes, crise dans les services de l’eau et de l’électricité, de l’éducation et de la santé des sols, manque de logement, travaux publics obsolètes ou dans une mise en œuvre précipitée, aides uniquement démagogiques pour les carences extrêmes des plus nécessiteux, et une longue liste qui n’en est pas moins désastreuse.

Ces problèmes ne sont pas la préoccupation centrale des deux camps en lice pour la Silla de Miraflores [siège de la présidence] et pour le butin pétrolier. Pour cette raison, notre réponse collective doit ignorer leur chantage qui exige de nous un soutien électoral en échange de solutions qui n’arrivent jamais ou qui sont ridiculement incomplètes.

C’est le moment de déborder ces directions politiques pourries et de construire, d’en bas, une véritable démocratie, avec égalité, justice sociale et liberté. Nous devons renforcer l’indignation généralisée par la situation dont nous souffrons, la transformer en luttes sociales autonomes, prolongées et autogérées, disant clairement aux politiciens du pouvoir que nous n’avons pas besoin d’eux comme intermédiaires ou comme puissants nous octroyant ce que nous, d’en bas et unis, pouvons récolter, sans « mains blanches » ni « bérets rouges ».

Le collectif éditeur de El Libertario / / ellibertario@nodo50.org

www.nodo50.org/ellibertario - www.periodicoellibertario.blogspot.com

[Traduction : J.F. / OCLibertaire]

<img2206|center>

Répondre à cet article

1 Message

  • Éléments critiques sur le "chavisme".

    Venezuela : une révolution sans révolution ?

    • Marc SAINT-UPERY*

    Propos recueillis par Charlotte Nordmann**




    *Marc Saint-Upéry est journaliste, éditeur et traducteur ; il est notamment l’auteur de Le Rêve de Bolivar. Le défi des gauches sud-américaines (La Découverte, 2007) ; il réside en Équateur.


    **Charlotte Nordmann est traductrice, essayiste et membre du collectif éditorial de la RdL.



    Que se passe-t-il vraiment au Venezuela ? Contre les représentations hâtives qui, négligeant l’examen précis des faits, tantôt diabolisent tantôt idéalisent le régime de Chávez, contre la tendance à plaquer sur l’Amérique du Sud, en toute indifférence à la réalité, des mythes censément mobilisateurs, nous avons voulu ici revenir avec Marc Saint-Upéry sur le bilan sévère qu’il fait, chiffres à l’appui, de ce qui se joue actuellement au Venezuela. Une façon d’interroger, plus généralement, ce qui définit un gouvernement de gauche.


    Qu’en est-il vraiment du bilan social d’Hugo Chávez ? Certains y voient une réduction sans précédent de la pauvreté, d’autres parlent de mesures électoralistes.

    La courbe de popularité de Chávez coïncide de façon frappante avec celle des dépenses publiques et la variation de ces dernières est effectivement très étroitement liée au calendrier électoral1. Chávez a lui-même candidement avoué que l’idée des « missions » bolivariennes avait été improvisée dans l’urgence à partir de fin 2003, avec l’aide cruciale de Fidel Castro et au vu des enquêtes qui donnaient le leader bolivarien perdant dans le référendum révocatoire prévu en 20042. Cela dit, ces programmes ont incontestablement amélioré la vie des plus pauvres. En 1998, 43,9 % de la population était pauvre et 17,1 % extrêmement pauvre. En 2011, on comptait 26,7 % de pauvres et 7 % d’individus vivant dans l’extrême pauvreté. On constate toutefois un ralentissement notable de cette réduction : elle est de 16,4 points entre le deuxième semestre 2004 et le deuxième semestre 20063 et de seulement 1,8 points au cours des quatre années qui ont suivi. Aujourd’hui, il y a encore près de 30 % de pauvres au Venezuela, et les 4 millions de personnes qui ont échappé statistiquement à la pauvreté ou à l’extrême pauvreté ne vivent pas pour autant dans des conditions toujours très enviables. D’autres éléments de leur qualité de vie se sont souvent détériorés en raison de graves problèmes d’infrastructures, d’inflation (plus de 25 %) et de sous-emploi, sans parler de l’explosion de l’insécurité. Le Venezuela de Chávez connaît le taux de mortalité criminelle le plus élevé du continent.

    Mais au-delà des statistiques, il y a un problème structurel. La politique sociale de Chávez obéit à ce qu’un écrivain vénézuélien désignait comme une « culture de campement ». Les missions bolivariennes en matière de santé, d’éducation, etc., sont des opérations de commando extra-institutionnelles, sans horizon soutenable défini, parfois militarisées, ou bien directement gérées par un État étranger. Non seulement ce modus operandi ne correspond guère à la logique d’une véritable politique sociale d’État, mais il contribue paradoxalement à l’érosion de la capacité d’intervention de la puissance publique et du contrôle démocratique des comptes de la nation. Outre son caractère erratique, la dépense sociale financée par les revenus du pétrole – le prix du baril est passé de 10 dollars en 1998 à plus de 100 dollars ces dernières années – est presque totalement discrétionnaire et soustraite à tout contrôle parlementaire ou citoyen. Par ailleurs la droite, qui sait bien qu’elle doit affronter la fracture sociale si elle veut reconquérir le pouvoir, s’est déclarée très sincèrement prête à perpétuer les « missions » et même à en faire une obligation légale. Elles sont en effet tout à fait compatibles avec les privatisations et le démantèlement parallèle de l’État, et elles permettent de surcroît d’évacuer l’exigence d’une réforme fiscale progressiste.

    La suite ici : Venezuela : Une révolution sans révolution

    repondre message


Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé | SPIP | squelette