Courant alternatif n°228
jeudi 7 mars 2013, par
EDITO PAGE3
PROLÉTAIRES DE TOUS LES PAYS...
PAGE 4 Carlos Ghosn : à nous d’inventer la vie qui va sans !
PAGE 6 Remarques sur la lutte des ouvriers de PSA Aulnay
PAGE 8 Grève à PSA Aulnay : marre des promesses, des jaunes, et du patronat
PAGE 9 DMI, une fonderie en lutte dans l’Allier en lutte !
PAGE 10 Travailler tue (phénomène Karoshi au Japon)
PAGE 12 Notes sur le toyotisme
PAGE 14 CGT, De Bernard Thibault à Thierry Lepaon
BIG BROTHER PAGE 16
RESISTANCES AUX GRANDS TRAVAUX NUISIBLES
PAGE 18 Dans le business du développement capitaliste (Vinci)
PAGE 20 Sème ta ZAD
PAGE 21 L’aéroport à nouveau sur le tapis
IMMIGRATION
PAGE 22 Bilan de 10 mois d’alternance
BILAN CRITIQUE
PAGE 23 A qui et à quoi peuvent bien servir les identitaitres ?
PAGE 23 Scalp Paris, dissolution et bilan
INTERNATIONAL
PAGE 27 Mayotte : la schyzophrénie comme moyen d’intégration à la France
ECOLE
PAGE 29 Rythme scolaires
A LIRE PAGE 32
Mercredi 13 février, Djamal Chaab s’est immolé par le feu devant l’agence Pôle Emploi Nantes-Est. Ses allocations étaient coupées et on lui réclamait un trop-perçu. La réaction de nos autorités a été exemplaire. Réaction immédiate de Michel Sapin (ministre du travail) : " Il y avait ici ce matin tous les services de Pôle emploi et les services extérieurs en termes de police et de pompiers pour faire face à un drame dont on connaissait l’intensité : tout a été fait, ce qui s’est passé ici est exemplaire. Les règles ont été appliquées avec l’humanité qui convient, avec les explications nécessaires, mais il y a parfois des moments où on est dans une telle situation qu’on ne comprend plus les explications ".
Un chômeur se suicide, et immédiatement « on » se préoccupe de la sécurité... de Pôle emploi ! Un chômeur se suicide, et c’est la preuve de l’humanité du service public. Orwell, au secours !
Et le président normal ? " Le service public de l’emploi a été, je crois, exemplaire, il n’est nul besoin d’aller chercher une responsabilité (...) quand se produit un drame, qui est un drame personnel, c’est aussi un questionnement à l’égard de toute la société ".
Quand un père monte sur une grue pour récupérer la garde de son enfant, c’est un drame de société, quand un chômeur se suicide suite à la perte de ses allocations, c’est un drame personnel... Si on y réfléchit bien, les réactions du président normal, du gouvernement normal, le traitement médiatique des médias normaux sont... normaux. Le président de tous les Français n’est pas seulement le valet du grand patronat, il est le digne représentant des couches moyennes supérieures, autrement dit de la bourgeoisie.
Le président de tous les Français est le président de ceux qui ont un revenu confortable, du patrimoine et un avenir à peu près assuré. Les problèmes de société que le président normal est prêt à assumer sont les problèmes de société qui se posent à sa classe sociale : la protection de la propriété, l’allègement des impôts, l’offre de services de qualité à qui peut se les payer, quelques garanties pour le consommateur (pas trop, il ne faut pas gêner le patronat). Les « problèmes de société » que les médias sont prêts à traiter sont ceux qui divisent cette même couche sociale, mais qui ne risquent pas de heurter les intérêts patronaux : la famille, l’éducation, la sexualité (mais pas trop quand même).
Le traitement de ces sujets qu’en donnent les médias en occultent naturellement tous les aspects réellement sociaux. Prenons l’exemple des violences faites aux femmes : traitées sous l’angle du fait divers, de la sauvagerie des jeunes des banlieues à propos des viols, souvent abordées sous l’angle du voile qui vise bien en réalité une catégorie sociale particulière. Une femme est assassinée tous les trois jours par son conjoint, les mères battues sont obligées de rester sur place faute de pouvoir obtenir un logement qui leur permette d’emmener leurs enfants... Ça, pour les médias normaux, ce n’est pas un sujet de société, c’est parfois quand on daigne en parler un drame personnel.
Les chômeurs, les exploités, les précaires, les prolétaires, les sans-papiers, les dominées... ne font pas partie de la « société normale », ils / elles sont rejetés hors champ social. Leurs résistances individuelles ? Des drames personnels. Leurs résistances collectives ? Des explosions de violence. La violence patronale ? Quelques patrons voyous, et sinon un ordre normal des choses que seuls des fous peuvent contester. D’ailleurs, à qui a-t-on demandé d’intervenir lors du drame de Nantes (après les pompiers et la police) ? A des psychologues... La résistance à l’aéroport ? Une secte anarcho-communiste avec, pire si c’est possible, des mineures en fugue.
Les médias font maintenant silence même sur ceux qui sont tellement désespérés qu’ils menacent de faire sauter leur usine comme DMI à Vaux. Sans doute, les médias reprendront-ils le refrain de l’explosion de violence si les grévistes exécutent leur menace, peut-être même aurons-nous droit alors un couplet sur leurs drames personnels ?
Nous sommes la société, les bourgeois en sont les parasites. La violence, c’est eux : nos « drames personnels » ne sont que la conséquence de l’ordre social capitaliste qu’ils défendent y compris militairement (par mercenaires interposés, bien sûr). La violence, c’est eux : leur langue de bois, leurs réactions d’autosatisfaction après la mort de Djamal Chaab, sont comme un deuxième assassinat.
D’ailleurs, avez-vous entendu son nom ? Il n’a jamais été désigné que comme « un homme de 43 ans », aucun journal de la grande presse nationale n’a donné son nom.
Nous sommes la société, et c’est lorsque nous résistons, lorsque nous construisons un rapport de forces collectif par nos luttes, que les présidents normaux, les gouvernements normaux, les médias normaux, sont obligés d’admettre notre existence, sont obligés de composer avec nos revendications.
Paris